SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER , de Zoljargal PUREVDASH – 15 février 2024

 

« SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER », de Zoljargal PUREVDASH – 15 février 2024

Présentation de Marion Magnard

 

Zoljargal Purevdash, réalisatrice mongole, est née en 1990 à Oulan-Bator. Pour ceux qui n’ont pas révisé leur géographie, je précise que Oulan-Bator est la capitale de la Mongolie, ce pays du Sud-est asiatique, entre Russie et Chine, grand comme 3 fois la France, mais avec seulement 3 millions 500 000 habitants. Pays natal de l’immense Gengis Kahn, après une longue et tumultueuse histoire, Il est maintenant sous le régime de la Démocratie Populaire depuis la Constitution du 13 janvier 1992

Les Nomades, venus des grands plateaux chercher du travail dans la capitale, trop pauvres pour se loger dans la ville, ont dû dresser leurs tentes hors de l’enceinte, dans le « Quartier des Yourtes » qui héberge 60 % des habitants de la cité. Et ils n’ont que le charbon à brûler pour tenter de lutter contre les moins 35° de l’hiver mongol. La combustion de ce charbon dégage un intense brouillard et une énorme pollution qui provoquent plus la haine que la compassion chez les 40 % mieux lotis.

C’est dans ce quartier des Yourtes où sa mère tient une petite boutique qu’est née et a vécu Zoljargal, très bonne élève, surtout en math et en physique. Elle est passionnée de cinéma « qui peut changer les gens », nous dit-elle. Etudiante très brillante, elle obtient une bourse qui lui permet d’aller étudier le cinéma au Japon.

« Si seulement je pouvais hiberner », joué dans le quartier des Yourtes et par les gamins du quartier, comme ceux avec lesquels jouait la réalisatrice quand elle était enfant, est le premier long métrage de Zoljargal, qui ouvre au Monde un regard pur sur la Mongolie contemporaine. Les plus âgés d’entre nous évoqueront peut être le cinéma réaliste social italien de l’immédiat après guerre, comme le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica en 1948.

Et je pense que nous pouvons remercier les Sélectionneurs du « Certain Regard » au Festival de Cannes 2023, de nous faire découvrir ce film aussi chaleureux que passionnant.

Priscilla, de Sofia Coppola, 25 janvier 2024

PRISCILLA

Sofia Coppola est passionnée par la mode, la photographie et la musique depuis toujours. Son parcours artistique est remarquable, au sens où elle peut aussi bien créer une collection d’accessoires Louis Vuitton, que mettre en scène des opéras lyriques ou réaliser une salle d’exposition pour un musée.

Dans le film de ce soir, qui est très différent du film Elvis de Baz Luhrmann sorti en 2022, elle s’inspire du livre autobiographique de Priscilla Beaulieu-Presley Elvis et Moi, écrit en 1985.

Sofia Coppola y dépeint la vie du King à travers les yeux de sa très jeune épouse. Elle aborde la thématique de la quête identitaire de la jeunesse mais aussi celle de l’héroïne-poupée, enserrée dans une prison dorée comme dans son précédent long métrage Virgin Suicides.

Le film reconstitue le décor très glamour de Graceland, à partir de photographies d’époque fournies par Priscilla Presley et de celles réalisées par William Eggleton au moment où la maison du King a ouvert au public en 1982. Il est tourné en studio à Toronto avec un budget plutôt serré, autour de 20 millions de dollars, contre 85 millions de dollars pour le Elvis de Baz Luhrmann.

Dans une approche à l’esthétique impressionniste, la lumière évolue entre teintes marron en contre-jour et couleurs pastel douces et sucrées très lumineuses qui créent l’atmosphère et illustrent les ressentis de l’héroïne.

Vous n’entendrez aucun titre culte du King puisque la société qui gère l’héritage du chanteur a refusé les droits à Sofia Coppola.

Ainsi la Bande Originale mélange des classiques américains et des parties instrumentales composées par les frères Raphaël et interprétées par le groupe d’Indie pop Phoenix auquel appartient Thomas Mars, le mari de Sofia Coppola. C’est une longue collaboration professionnelle qui unit ces deux-là puisqu’ils se sont rencontrés lors de la préparation de la Bande Originale de son premier long métrage Virgin Suicides, en 1999.

Pour incarner les protagonistes à l’écran, la réalisatrice a choisi deux étoiles montantes de la scène hollywoodienne.

Cailee Spaeny, américaine de 25 ans interprète Priscilla. Elle est peu connue du public et a joué dans des thrillers et des séries de science fiction. Elle a reçu le prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise pour son rôle dans Priscilla.

Jacob Elordi, jeune acteur australien charismatique de 26 ans, interprète Elvis. Propulsé du jour au lendemain au rang de célébrité grâce à la comédie romantique The kissing booth, la cabine à baisers et pour son rôle d’antihéros dans la série non moins américaine Euphoria.

Bonne séance à tous !

 

Winter Break, d’Alexander Payne

Winter break, Alexander Payne

Nous vous proposons ce soir de refermer la parenthèse enchantée des fêtes de fin d’année avec ce film d’Alexander Payne, un réalisateur qui a tourné avec les plus grands acteurs américains (Nicholson dans M. Schmidt, Matt Damon miniaturisé dans Downsizing ou encore Georges Clooney dans The descendants). Ce film nous offre une reconstitution d’un hiver des années 70 dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons de la Nouvelle-Angleterre, reconstitution qui rappelle l’âge d’or du cinéma américain. Et pourtant, malgré cet ancrage américain, il s’inspire d’un film français de 1935 : Merlusse, de Marcel Pagnol, qui raconte l’histoire de quelques lycéens laissés-pour-compte à l’internat. Durant les vacances de Noël, ils doivent faire face au plus redoutable des surveillants, Merlusse, au visage balafré. Or au moment où le réalisateur réfléchissait à ce sujet, il a reçu le scénario d’un épisode pilote pour une série située dans un lycée de garçon. Payne a donc proposé au scénariste d’en faire un long métrage.

Le scénario était situé dans les années 80, Payne l’a situé plus tôt car tous ses films subissent l’influence des années 70, époque où, adolescent, il a vu des tas de films du monde entier. Mais c’est aussi pour s’appuyer sur des éléments autobiographiques. En effet, son père était professeur dans un lycée privé où lui-même a été élève, voici le souvenir qu’il en garde : « J’y ai passé six ans et plusieurs des personnages du film sont des composites de gens que j’ai rencontrés là-bas. C’est un univers tellement à part, on y est confronté à beaucoup de richesse et de privilèges, mais aussi à beaucoup de souffrance. L’adolescence est une phase difficile. ».

Payne nous ramène dans les années 70 non seulement par le décor et l’esthétique mais aussi par la forme, la manière de filmer, notamment au moment du générique avec le grésillement de la bande-son, les couleurs désaturées. Le film a été tourné en numérique mais à toutes les caractéristiques d’un film tourné sur pellicule, comme s’il avait réellement été tourné à cette époque.

Pour interpréter son trio de personnages principaux, il a choisi d’abord Paul Giamatti, qui avait déjà tourné dans Sideways il y a 20 ans et qui a tenu à porter un manteau à Brandebourgs comme en portait son père. Pour le jeune homme, il a fait appel à un débutant, Dominic Sessa, actuellement élève de terminale. Quant à la cuisinière, elle est interprétée par Da’vine John Randolph qui vient d’obtenir le Golden Globe de la meilleure actrice dans un 2nd rôle pour sa prestation dans ce film, alors que Giamatti a obtenu celui de meilleur acteur dans une comédie. .

Un mot sur le titre : figurez-vous que « Winter break » est la version française du titre original : « The Holdovers ». « Winter break » met l’accent sur le contexte alors que l’original, que l’on peut traduire par « ceux qui restent », met en lumière les personnages principaux. Parions que vous allez vous attacher à ce trio de mal-aimés et de solitaires, à travers ce film qui commence comme une caricature mais se termine tout en tendresse et en subtilité!

Le Théorème de Marguerite, d’Anna Novion, 21 décembre 2023

Le Théorème de Marguerite, d’Anna Novion

21 décembre 2023

Présentation de Marion Magnard

 

Anna NOVION, réalisatrice franco-suédoise, est née à Paris en 1979. Sa mère est suédoise, son père travaille dans le Cinéma, il est directeur de la Photographie.

Anna a 20 ans quand une grave maladie l’oblige à rester cloîtrée loin de ses amis et elle estime que c’est cet éloignement qui a provoqué un décalage entre elle et les gens de son âge. Est-ce pour cela qu’elle tombe amoureuse d’un acteur français Jean Pierre Darroussin, de 26 ans son aîné ? Il hésite à l’épouser, elle est si jeune et il a déjà 2 grandes filles d’un précédent mariage, et qui ont presque son âge… Il présente Anna à son groupe d’amis Guédiguian – Ascaride, qui l’accueille à bras ouverts. «  Elle a une réelle maturité, nous dit il, et moi il est vrai que je suis resté très gamin ». Ils se marient et leur petit Vincent a maintenant 8 ans.

Anna a tourné 3 courts métrages assez remarqués, puis 2 films primés dans des festivals, « Les grandes Personnes » et « Rendez vous à Kiruna ». Et elle a une autre passion que le cinéma, le jeu de Mah Jong.

Pour son 3ème long métrage, elle aimerait étudier l’histoire d’une très jeune fille qui n’a qu’une passion, les   Mathématiques. Elle demande à un ami, professeur à l’Ecole Normale supérieure, de lui faire connaitre un mathématicien susceptible de lui servir de conseiller et c’est ainsi qu’elle rencontre Ariane MEZARD.

Ariane MEZARD, professeur à la Sorbonne spécialiste de la géométrie arithmétique et Anna NOVION sympathisent immédiatement, toutes deux bienveillantes et curieuses de tout. Et ensemble elles constatent que Cinéma et Mathématiques ne sont pas des domaines étrangers, ils ont en commun d’être des oeuvres de création et de travail en équipe.

De l’écriture au tournage, Ariane et toute son équipe de chercheurs ont participé à la réalisation du film et ont même prêté leurs locaux. Les équations que vous verrez dans le film sont celles-là mêmes qui font l’objet de leur étude. Ne supportant pas la moindre erreur ils voulaient écrire eux-mêmes les équations aux tableaux, ce que les 3 acteurs principaux leur disputaient.

Ces 3 acteurs, ce sont Ella RUMPF, que vous avez déjà découverte en étudiante véto dans « Grave » de Julia Ducournau, Jean Pierre Darroussin le professeur, et l’étudiant charmeur Julien Frison. Ils voulaient absolument imposer leurs marques et se faisaient bombarder de morceaux de craies par les chercheurs outrés par leurs approximations…

Et je crois que l’on peut dire qu’Anna Novion a su rendre cinématographiques les Mathématiques !

 

Soleil vert, de Richard Fleischer

Soleil vert, de Richard Fleischer

Nous sommes heureux, comme chaque année, de vous proposer cette soirée en partenariat avec la MJC, dans le cadre du Festisol, rendez-vous annuel international qui cherche à promouvoir une solidarité ouverte sur le monde. Chaque année, les animations sont regroupées autour d’un thème fédérateur, et cette année il s’agit de la souveraineté alimentaire. Vous avez pu assister à différentes animations sur ce thème et vous pouvez encore découvrir à la MJC une exposition intitulée « Nourrir l’humanité avec humanité ». Sur ce sujet, la MJC a présenté samedi dernier un documentaire intitulé La ferme à Gégé, quant à nous, nous avons choisi de vous faire redécouvrir un film d’anticipation tourné en 1972, mais dont l’action est située en 2022, afin de réfléchir à la façon dont on envisageait notre présent il y a 50 ans.

Dans les œuvres d’anticipation, il y a 2 manières d’envisager le futur et de dénoncer les défauts du présent: soit en imaginant un avenir utopique, où l’humanité aura enfin trouvé l’harmonie et aura gommé les défauts de notre monde ; soit, et c’est le plus répandu, en imaginant un futur dystopique où les défauts de notre société se sont accentués jusqu’à mener notre monde à sa perte. C’est ce que fait ce film, librement inspiré d’un roman écrit en 1966, en nous projetant dans une ville de New York surpeuplée de 40 millions d’habitants, étouffée par la chaleur et la pollution. Le roman mettait l’accent sur le danger de la surpopulation et prônait la contraception et le contrôle des naissances pour améliorer l’avenir de l’homme. Le film, 6 ans plus tard, met l’accent sur la crise écologique qui menace l’humanité. Il dépeint un futur dans lequel les océans sont mourants et la canicule est présente toute l’année en raison de l’effet de serre. La surpopulation a engendré une pression insoutenable sur les ressources naturelles de la Terre, rendant l’alimentation des masses dépendante d’un produit manufacturé, le Soylent green (il faut noter au passage que le mot Soylent n’a rien à voir avec le mot français « soleil », c’est une contraction des mots « soja » et « lentilles »). L’entreprise productrice du Soylent green jouit d’une puissance incontrôlée, qui n’est pas sans rappeler le poids des multinationales dans nos sociétés. Le film montre également une société dans laquelle la division sociale est exacerbée. Une fracture abyssale s’est creusée entre une minorité fortunée et une majorité complètement démunie.

Le film mélange 2 genres : le film d’anticipation mais aussi le film policier, dont le rôle principal est tenu par Charlton Heston, qui mène l’enquête pour percer le secret du Soylent green. Vous reconnaîtrez peut–être aussi Edward G Robinson, grand acteur des années 30/40, qui tient dans ce film son dernier rôle à l’écran, et qui allait mourir très peu de temps après ; et Joseph Cotten, qui a souvent tourné avec Orson Welles et Hitchcock.

Bonne séance !

Killers of the flower moon, de Martin Scorsese

Killers of the flower moon, de Martin Scorsese

Présentation très brève ce soir parce que le film est très long et parce que je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter le réalisateur, qui a fêté ses 80 ans l’année dernière et qui est devenu un monument du cinéma avec ses 27 longs métrages de fiction mais aussi ses documentaires sur le cinéma et j’en passe…

Le film que nous allons voir est l’adaptation d’un récit non fictionnel de David Grann (l’auteur également de The Lost City of Z, adapté par James Gray), paru en 2017 (sous le titre La Note américaine en français), dans lequel l’auteur retrace son enquête sur des meurtres perpétrés dans les années 1920 sur plusieurs membres du peuple Osage, assassinés après avoir trouvé du pétrole sur leurs terres. Scorsese a vu dans ce sujet l’occasion de réaliser son propre western : « J’ai toujours voulu faire un western, mais je ne suis jamais passé à l’acte. J’ai aimé d’innombrables westerns dans ma jeunesse et je les aime toujours. (…) J’aimais les films construits autour des mythes traditionnels du western davantage que les westerns psychologiques. Mais l’intérêt de bien connaître l’histoire du cinéma est de ne jamais reproduire ou répéter ce qui a déjà été fait. Il s’agit de s’en inspirer et d’avancer. Ces films m’ont nourri en tant que cinéaste mais ils m’ont aussi donné envie d’aller plus loin dans l’histoire réelle. »

Scorsese réunit ici pour la 1ère fois ses 2 acteurs fétiches, Robert de Niro, avec qui il a déjà tourné 9 films, et Léonardo di Caprio, 5 films (ils ont déjà tourné 2 films ensemble mais pour d’autres réalisateurs). Par ailleurs, une grande partie du casting est bien sûr composée de natifs américains. Une petite anecdote au sujet de l’actrice principale, Lily Gladstone: elle était sur le point de quitter le cinéma en 2020 et de postuler à un poste au ministère de l’agriculture, mais alors qu’elle allait rentrer son code de carte bleue, elle a reçu une notification par mail de l’équipe de Martin Scorsese pour une demande de participation à une réunion en visioconférence, Scorsese l’avait repérée dans les films de Kelly Richard , pour qui elle a beaucoup tourné.

Pour terminer, quelques mots sur le titre du film, qui est le titre original du livre de Grann. Aux Etats-Unis, certaines tribus amérindiennes appelaient la pleine lune du mois de mai la « Lune des fleurs » (Flower Moon). Cette période correspondait à la floraison de la fleur de lune, or il s’agit de la période des assassinats dépeints dans le livre. Cette fleur promesse de récoltes abondantes pour les Osage est ainsi détournée de son sens initial pour lui donner une connotation dramatique et sombre.