Archives mensuelles : juin 2022

A l’ombre des filles, d’Etienne Comar

 

Quelques mots sur le réalisateur  du film de ce soir: Etienne Comar, diplômé de l’école de cinéma parisienne: la Femis . Nous n’avons pas forcément remarqué son nom aux génériques , cependant  nous verrons  qu’il a participé  à de nombreux films qui nous sont connus.

Il y a quelques années, après la mort de son père, il a rejoint un groupe de rock amateur: il écrit alors les paroles de chansons et les interprète.il dit que  l’expérience libératrice du chant lui a permis de faire son deuil. Et c’est à la suite de cette  découverte émotionnelle qu’il s’est mis à écrire des scénarios  puis à les réaliser.

Il  a commencé à travailler en tant que scénariste et producteur sur plusieurs films de Xavier Beauvois: » Des hommes et des dieux », « La rançon de la gloire », sur le film de Maïwenn « Mon Roi« .il a co-produit « Timbuktu »  de Sissako, « Visages , Villages  » d’Agnès Varda. Puis il  a écrit, réalisé et produit  son 1er film en 2017″:Django » avec Reda  Kateb. La musique se retrouve au coeur de son 2ème long métrage: « A l’ombre des filles « .Ce n’est pas un hasard car la musique tient une grande place dans la vie d’E.Comar

Il écoute souvent du chant lyrique, de la musique baroque, fasciné par les voix de contre-ténor. Et c’est le rôle  d’un contre-ténor de renommée internationale qu’il a  confié à Alex Lutz dans le film de ce soir. Alex Lutz  incarnait  déjà  un chanteur dans le film « Guy ». Etienne Comar  a choisi cet acteur multiple, caméléon, car dit-il « il est capable de se mettre dans un état de grande perméabilité »

Agnès Jaoui, Hafsia Herzi (qu’on a vue  dans « la graine et le mulet« ), Marie Berto … complètent le casting auquel il a ajouté des actrices non-professionnelles. Ce sont les vraies  voix des comédiens  qu’on entend dans les chants, une seule fois,  Alex Lutz a été doublé pour un morceau d’opéra qui nécessitait une technique vocale professionnelle

Sur le plan technique, le réalisateur a filmé en pellicule argentique et non en numérique, en format 1,33, idéal pour les visages en gros plan. Ce cadre  restreint de l’image est conservé tout au long du film… tout un symbole. En effet c’est dans un milieu carcéral féminin qu’Etienne Comar nous entraîne., même s’il se refuse à le mettre en scène. Seul , pour lui , compte ce qui se passe autour du chant, devenu expérience collective dans un univers où l’isolement est pourtant de mise.

Denise Brunet

Murina, de Antoneta Alamat Kusijanovic

La réalisatrice de ce film est une jeune femme née le 27 septembre 1985 à Dubrovnik, ville de Croatie située au bord de l’Adriatique et qui vit aujourd’hui à New York. Elle a réalisé en 2017 un 1er court métrage remarqué et primé dans de nbx festivals : Into the blue. Il s’agit de son 1er long métrage, qui a pu voir le jour grâce à différents soutiens , il a notamment été coproduit par M Scorsese.

Son lieu de naissance et le titre de ses 2 films (Into the blue, Murina = murène) nous donnent une indication sur le cadre du film de ce soir. En effet, la mer est une inspiration profonde pour la cinéaste qui passait toutes ses vacances de petite fille sur l’île où habitait sa grand-mère. Elle met en scène une île au large de la Croatie, une île qu’elle ne veut pas filmer comme une carte postale, non pas pour sa beauté mais pour les émotions qu’elle permet d’exprimer. Ainsi, le film n’a pas été tourné sur une seule île mais sur 3 différentes, notamment pour obtenir un paysage dénué d’arbres. Le lieu est beau mais pas confortable, sans ombre pour se cacher ; seule la mer offre alors des refuges, mais qui peuvent aussi être des pièges.

Le sujet de ce film se trouve déjà en germe dans son précédent court métrage et elle en parle ainsi : « Il était important, pour moi, de raconter l’histoire de ces deux générations de femmes piégées dans le machisme et la violence, ce que beaucoup d’entre nous appellent la « mentalité croate ».

L’actrice principale accompagne la réalisatrice depuis ses études de cinéma et elles ont travaillé ensemble pendant 4 ans pour préparer le rôle. Elle est entourée d’acteurs qui ont été choisis pour la soutenir dans ce rôle, dont une star : Cliff Curtis, néo-zélandais qui a tourné dans de nombreux films américains connus (Training day, En eaux troubles…)

Beaucoup de 1er longs métrages ces temps-ci (Hit the road,Lla colline où rugissent les lionnes…) . Bonne découverte et bonne soirée !

 

LA COLLINE OU RUGISSENT LES LIONNES, de Luana BAJRAMI

LA COLLINE OU RUGISSENT LES LIONNES, de Luana BAJRAMI

Luana BAJRAMI est née au Kosovo en 2001. Elle a 7 ans quand ses parents s’installent en France, et 10 ans quand son père l’amène au cinéma pour la première fois. Elle nous raconte « j’étais fascinée, et je déclare à ma mère que je serai actrice et que je ferai des films, et rien d’autre ». Sa mère, très à l’écoute de sa fille, lui achète un camescope rose, l’inscrit à des cours de théâtre et à des castings où l’on s’arrache cette belle petite fille aux grands yeux si expressifs et aux longs cheveux bruns. Et dès lors, elle joue avec les plus grands acteurs, et pour les plus grands réalisateurs. Pour vous la situer je rappellerai au hasard quelques titres de son importante filmographie très variée : Elle joue dans « Ibrahim » d’Abdel Bendaher, avec Laurent Lafitte dans « l’heure de la sortie », une servante enceinte dans «  le portrait d’une jeune fille en feu » de Céline Sciamma.

A 17 ans elle passe son bac avec mention très bien et n’a pas 20 ans lorsqu’elle tourne le film que vous découvrez ce soir et qui d’emblée est présenté en 2021 au festival de Cannes dans la sélection La quinzaine des Réalisateurs.

Son film est à la fois une ode à la jeunesse et un hommage vibrant et sensuel au Kosovo, à son village de Pleshina où elle revient chaque année retrouver sa cousine et ses amies d’enfance. Et elle est frappée par le fossé entre la prison de carcans sociaux dans laquelle sont enfermées ses amies, et la liberté dont elle jouit en France. Son film exalte le courage et la détermination de ses amies, et elle se demande si elle est légitime pour être leur porte-parole…

Peut être sentirez vous comme un parfum des films de Sofia Coppola ou de « Mustang » de Deniz Ergüven ?

Et vous allez admirer de magnifiques comédiennes, filmées parfois caméra à l’épaule par une réalisatrice très jeune certes, mais qui sait déjà fort bien choisir ses cadrages.

Marion Magnard

Hit the road, Panah Panahi

Hit the road, de Panah Panahi

J’ai le plaisir de vous inviter à assister ce soir à la naissance d’un cinéaste. Certes son patronyme est déjà très connu, puisque son père Jafar Panahi est un célèbre réalisateur faisant partie de la Nouvelle Vague iranienne, dont vous avez probablement vus Trois visages, Taxi Téhéran ou Hors jeu.

Mais c’est du fils qu’il est question ce soir, Panah Panahi. Vous imaginez bien qu’il est tombé dans le cinéma quand il était tout petit et qu’il assisté aux tournages de son père, il a ensuite fait des études de cinéma et a toujours bénéficié du soutien et des conseils de son père. Mais ce film lui a déjà permis de se faire un prénom. Présenté à la Quinzaine des réalisateurs à Cannes en 2021, il a été très remarqué. Il en a lui-même écrit le scénario en s’inspirant de l’expérience d’un de ses amis. En effet, le film s’apparente à un road movie familial mais on sent très vite que le voyage en question n’est pas un simple départ en vacances. Néanmoins je n’en dirai pas plus sur le sujet que vous allez découvrir par vous-mêmes.

Quelques mots sur la musique : les chansons que vous entendrez dans le film sont des tubes avec lesquels les Iraniens ont grandi avant la révolution islamique de 1979, chansons interdites aujourd’hui par le régime en place.

Quant aux acteurs : ceux qui interprètent les parents sont des acteurs de théâtre à qui le huis clos dans la voiture convient très bien. L’enfant âgé de 6 ans au moment du film, avait déjà tourné dans une série à succès, et vous devinerez en le voyant qu’il a fallu beaucoup d’énergie pour le diriger.

Un film qui alterne entre tendresse et agacement, cadres étroits et paysages grandioses, conte et drame, humour et mélancolie mais qui dégage toujours une impression d’authenticité.