Archives de catégorie : Séances du jeudi soir

Scandaleusement vôtre, de Thea Sharrock

SCANDALEUSEMENT VOTRE

 

Pour écrire le scénario de cette production franco britannique, le comédien Jonny Sweet s’est inspiré d’un fait divers qui a secoué l’Angleterre conservatrice et puritaine des années 20. En témoignent encore les articles des journaux nationaux de l’époque comme le Daily Miror, dont les photos ont servi de base documentaire pour les costumes du film.

Jonny Sweet a choisi de conserver le véritable nom de la ville et des protagonistes. Il s’est également servi des lettres archivées dans le dossier de police pour en extraire une grande part des répliques du film.

Dans les rôles principaux, on retrouve Olivia Colman, vue récemment dans Empire of light et Jessie Buckley. Les deux actrices se connaissent depuis 2021 puisqu’elles ont tourné dans The Lost Daughter, adaptation Netflix du roman d’Elena Ferrante par Maggie Gyllenhaal, où elles interprètent cette fille perdue chacune à différentes étapes de sa vie. Elles n’avaient donc jamais encore joué ensemble.

Dans Wicked Little Letters, littéralement les méchantes petites lettres, entendez Scandaleusement vôtre, la relation entre les deux femmes est au cœur du film.

Le troisième personnage principal, incarné par Anjana Vasan, est l’officier de police Gladys Moss. Elle est chargée de surveiller les familles Gooding et Swan. C’est la toute première femme nommée officier de police dans le comté du Sussex en 1919 et, comme vous le verrez, elle est par conséquent l’unique femme du poste de police de la ville.

Avec une légèreté apparente, la réalisatrice Théa Sharrock aborde des sujets plus profonds comme la place des femmes au sein de la société anglaise, la question de l’Irlande, mais aussi la souffrance liée aux pertes humaines de la grande guerre ou l’anonymat des réseaux sociaux.

Suivant le personnage présent à l’écran, la caméra filme en plan plus ou moins serré et reste plus ou moins statique pour incarner tantôt le naturel de Jessie Buckley tantôt la vie étriquée d’Olivia Colman.

Les costumes de Charlotte Walter et les décors de Cristina Casali, inspirés des livres, des albums photos, des cartes postales de l’époque, accompagnés par la composition pour cordes et piano de la compositrice Isobel Waller-Bridgenous nous plongent véritablement dans l’ambiance de l’Angleterre des années 20.

Alors chers spectateurs, vous qui savez que les apparences sont trompeuses, saurez-vous démêler ce soir le vrai du faux  et découvrir qui se cache derrière le mystérieux corbeau au langage fleuri et à la belle calligraphie !

Doris Orlut

 

Moulin rouge, de Baz Luhrmann

Moulin Rouge, de Baz Luhrmann – 11 avril 2024 –

Le 14 mai 2001, le Festival de Cannes projetait pour son ouverture « Moulin Rouge ! »

Il se trouve que ce jour-là, j’étais à Cannes et précisément au bas des fameuses marches au tapis rouge, au moment même où une somptueuse voiture vint déposer la magnifique Nicole Kidman, vedette du film. Elle est bien sûr immédiatement entourée par un raz de marée de spectateurs mais au même instant un concert de klaxons émanant d’une 2 chevaux Citroën décapotée d’où émerge un jeune homme souriant, déplace la vague qui se rue avec le même enthousiasme vers la 2 chevaux en criant Aziz, Aziz !

Je n’ai pas oublié le regard stupéfait de Nicole Kidman, heureusement immédiatement entourée par les Officiels.

En ce mois de mai 2001 Aziz était une des vedettes du premier feuilleton de Téléréalité et ce moment reste pour moi la 1ère image de la concurrence Cinéma-Télévision !

On ne pouvait mieux choisir pour illustrer cette soirée CABARET que «  Moulin Rouge ! » œuvre du réalisateur Baz Luhrmann spécialiste des comédies romantiques et musicales.

Baz Luhrmann est né en Australie en 1962, dans un milieu rural. Mais ses parents, tous les deux fervents adeptes de la danse de salon, gèrent aussi dans leur village un petit Théâtre-Cinéma.

Sous cette influence, Baz part tout naturellement étudier à l’Institut National d’Art Dramatique de Sydney, où il fera la connaissance d’une étudiante Catherine Martin, qui deviendra sa femme et travaillera avec lui. Baz forme une troupe avec d’autres étudiants et monte une pièce « Strictly Ball Room », grand succès, dont il fait en 1992 un film « Ball Room Dancing », qui a encore plus de succès. Et ce sera Leonardo Di Caprio qui sera l’acteur principal en 1996 de son film suivant, une adaptation de «  Roméo et Juliette » !

Je ne vous citerai pas tous ses films, ni ses brillantes et célèbres publicités, souvent avec sa compatriote Nicole Kidman, vous avez sans doute admiré « Gatsby le magnifique » et son biopic « Elvis ».  Et ce soir vous allez voir ou revoir « Moulin Rouge ! », qui lui a valu Oscar et Golden Globe…Et je tiens à le souligner, les mêmes distinctions pour sa femme Catherine Martin, pour les costumes et les décors de Moulin Rouge…

La salle des profs, lker Çatak

 

La salle des profs, lker Çatak

 

L’institution scolaire a toujours intéressé les cinéastes, et c’est particulièrement frappant actuellement, elle est en effet au cœur de nombreux films depuis quelques mois. Ne serait–ce qu’en France, on peut citer Un métier sérieux de Thomas Lilti, et Pas de vague, de Teddy Lussi-Modeste, que vus avez peut-être découvert en coup de cœur surprise. Il en va de même en Allemagne, où l’école, comme ici, est un reflet de la société et un lieu où les tensions sociales se manifestent souvent de façon épidermique.

Ilker Catak est né à berlin Ouest en 1984, dans une famille d’immigrés turcs. A 12 ans sa famille déménage à Istanbul où il passe son baccalauréat. Il retourne ensuite en Allemagne pour travailler sur différentes productions cinématographiques : il réalise des publicités, des courts-métrages plus personnels tout en poursuivant des études de cinéma et de télévision. Son 1er long métrage sort en 2017 depuis il enchaîne longs métrages et épisodes de séries.

Le projet est né au cours d’une discussion du réalisateur avec son co-scénariste et ami d’enfance. Tous 2 discutaient de vols dont avaient été victimes certains de leurs proches. Lorsque son ami a évoqué un vol subi par sa sœur , professeur de mathématiques, dans l’école où elle enseigne, ils ont tous 2 évoqués des souvenirs d’enfance de camarades qui volaient dans les affaires des autres mais qu’aucun élève n’avait souhaité dénoncer, jusqu’à ce qu’une fouille ait lieu dans la classe. Pour enrichir cette idée de départ, le réalisateur s’est rendu dans son ancien collège, à Berlin afin de faire des recherches auprès de spécialistes des questions d’éducation. Il a d’ailleurs été accueilli à bras ouverts par son ancien principal ; toutefois le film a été tourné à Hambourg.

Pour le film, le réalisateur a rassemblé des jeunes de 11 à 14 ans, afin de reconstituer une classe équivalente à notre classe de 5ème, classe qui a la particularité de mêler des élèves très différents, certains encore très enfantins et d’autres déjà adolescents. Par la suite, il a tenté de créer une cohésion entre eux, et sur le tournage, tous les matins il passait un long moment à discuter avec eux de toutes sortes de sujets.

Pour le personnage principal, le parti pris du réalisateur est de ne rien montrer d’elle en dehors de sa vie à l’école. Selon lui, le caractère d’une personne finit toujours par se révéler au moment de prendre des décisions difficiles, quand elle est sous stress ou qu’elle doit gérer des problèmes. Le film est donc un huis-clos. Léonie Benech, l’actrice qui interprète ce personnage, a joué dans le Ruban blanc de Mickael haneke mais est surtout connue pour ses rôles dans les séries Babylon Berlin et The crown.

Le film a reçu de nombreux prix en Allemagne et a été nominé pour l’oscar du meilleur film étranger (remporté par Glazer)

 

La vie de ma mère, de Julien Carpentier

LA VIE DE MA MERE

 

Dès l’enfance, Julien Carpentier répétait à qui voulait bien l’entendre qu’il  deviendrait scénariste et réalisateur. Très jeune, il suit les films d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri même si ceux-ci s’adressent plutôt aux adultes.

Jaoui c’est aussi le nom de jeune fille de sa mère qui souffre de bipolarité. Agnès Jaoui et elle sont d’ailleurs, toutes les deux, originaires du même quartier de Tunis.

Au départ, son idée était de tourner un court métrage qui raconterait l’histoire d’un homme jeune, qui reçoit un appel de sa grand-mère lui disant que sa mère est là et qu’il doit quitter son travail sur le champ. Il propose ce scénario à Agnès Jaoui à la sortie d’une représentation théâtrale.

15 jours s’écoulent, et voilà qu’elle lui répond avec enthousiasme : elle adore l’histoire, les personnages mais … elle n’est pas disponible pour tourner avec lui.

C’est ainsi que débute leur relation. Julien Carpentier va s’accrocher à son idée de film, pour finalement aboutir à la réalisation de son premier long métrage après plusieurs années de persévérance.

Il va s’inspirer de son vécu familial pour donner à voir les conséquences de cette maladie chronique sur les relations humaines et tenter de libérer la parole autour de la santé mentale.

Il traite le sujet non pas du point de vue du couple, comme Joaquim Lafosse dans Les Intranquilles, mais du point de vue du parent en montrant comment la relation avec son parent peut parfois être toxique .

Julien Carpentier distille dans le scénario des souvenirs authentiques pour illustrer le manque de sommeil, l’alcool, l’hypersexualité, l’énergie débordante les vêtements voyants, etc.

Il choisit des mots, des moments et des chansons qui évoquent des souvenirs parfois difficiles qu’il traite avec humour et tendresse.

Au fil du temps le fils va progressivement mettre des mots sur son vécu pour parvenir à une certaine résilience.

Julien Carpentier adore les chansons de variété qui symbolisent le plaisir de réunir toutes les générations comme la scène où les acteurs interprètent la chanson de Julien Clerc Fais-moi une place.

La musique est de Dom La Neva, violoncelliste d’origine brésilienne qui vit en France. Le film s’achève d’ailleurs sur une chanson qu’elle a spécialement composée.

 

Agnès Jaoui joue Judith, une mère séduisante et séductrice. Elle ne semble pas préoccupée par l’impact que peut avoir son comportement sur son fils. William Lebghil joue Pierre, un fils tiraillé par des émotions contradictoires qui oscillent de la colère au désarroi.

Au début, le personnage taiseux qu’il incarne se réfugie dans le travail, se rassure en voulant tout maîtriser. Puis progressivement il va réussir à lâcher prise et à faire à nouveau confiance à sa mère.

C’est un fleuriste talentueux secondé par Ibou, un collaborateur zêlé interprété par Salif Cissé. Pierre a aussi une amoureuse Lisa jouée par Alison Wheeler qu’il va vouloir préserver de la toxicité maternelle.

Dans La Vie de ma mère, Julien Carpentier réunit une grande dame du cinéma français et un acteur qui monte.

Bonne séance !

Doris Orlut

 

La zone d’intérêt, de Jonathan Glazer

 

Jonathan Glazer est né dans une famille juive à Londres. Ce réalisateur issu du clip et de la publicité, fait un film tous les dix ans environ et la thématique de donner la mort est constante dans ses longs métrages jusque là plutôt fantastiques.

Une si longue gestation cinématographique est sans doute à la hauteur des choix artistiques et techniques du film de ce soir, tant dans la construction du récit que dans celle de l’image ou du son.

Jonathan Glazer a toujours su qu’il travaillerait sur la Shoah. La découverte d’une critique du roman éponyme de Martin Amis, La zone d’intérêt va être le point de départ du projet. Mais en réalité le film, vous allez voir, ne gardera qu’un lien éloigné avec le livre, qui se situe du point de vue des tortionnaires.

Une précision, le terme zone d’intérêt désigne l’enceinte de 40 km qui isolait les camps de concentration du reste du monde.

 

Pendant trois ans, le réalisateur et son équipe vont se plonger dans les archives et les récits historiques, ils vont parcourir les témoignages de victimes et de survivants de la Shoah. Les photographies du commandant du camp avec sa femme et leurs enfants qui seront retrouvées au cours des recherches, serviront au chef décorateur, Chris Oddy, pour l’élaboration des décors de la maison et du jardin.

Jonathan Glazer se saisit du témoignage de l’ancien jardinier du couple Höss, qui raconte qu’à l’annonce de la mutation de son mari, Hedwig refusa de quitter la maison où ils coulaient des jours heureux. Il choisit cette note dramatique comme point de départ du film.

Tout au long du récit, Jonathan Glazer cherche à capturer le contraste entre la banalité du quotidien et l’atrocité de l’espace concentrationnaire, le contraste dit-il « entre quelqu’un qui se verse une tasse de café dans sa cuisine et quelqu’un en train d’être assassiné de l’autre côté du mur… » .

Par souci d’authenticité, il va utiliser les procédés de la téléréalité en installant un dispositif de caméras et de micros, dissimulés dans l’habitation et dans le jardin, comme si les acteurs étaient de vrais personnages surveillés à distance. Ce qui fait que les acteurs jouent en permanence, sans savoir quelle scène sera retenue et sans avoir de retour immédiat du réalisateur, qui n’est pas présent sur le plateau.

Rudolf et Hedwig Höss sont incarnés par deux acteurs de langue allemande, Christian Friedel et Sandra Hüller, que vous avez pu voir dans Anatomie d’une chute.

L’image est toujours centrée sur le personnage principal au premier plan avec une faible profondeur de champ : seuls les premiers plans sont nets, tout le reste est flou ou hors du champ de la caméra.

On aperçoit tout au plus quelques éléments du camp à l’arrière plan de la propriété, les barbelés, la cheminée du four crématoire, le mirador ou la partie supérieure de bâtiment de briques du camp.

Peu de scènes évoquent le génocide des Juifs. La scène où deux ingénieurs viennent présenter à Rudolf Höss un nouveau type de fours crématoires plus performant et puis deux autres scènes qui illustrent le pillage systématique des effets personnels des juifs. La première où un prisonnier apporte de la nourriture et un manteau de vison à Hedwig et la seconde où l’ainé des garçons est surpris par son jeune frère, la nuit, en train de contempler des dents en or.

Cette spoliation systématique fait partie du processus d’ « aryanisation » mis en place : tous les biens qui appartiennent aux Juifs doivent être saisis par les Nazis.

L’obsession familiale de la propreté illustre l’idéologie de la race aryenne, perçue comme la race supérieure, qui doit être en conséquence préservée de toute impureté et contamination. Le travail de sélection des plantes et d’éradication des mauvaises herbes par Hedwig dans son jardin, l’élevage des purs sangs par Rudolf Höss sont autant de métaphores qui viennent illustrer la suprématie de la race aryenne.

La zone d’intérêt est presque construit comme un double film : à l’image la retranscription du récit familial et sur la bande son le récit concentrationnaire. Là encore l’univers acoustique du film est le fruit d’un rigoureux travail de recherches, de témoignages et de dessins d’anciens détenus. Il s’est construit avec le soud désigner et chef monteur son Johnnie Burn. Les sons du camp ont été collectés puis intégrés au film après le tournage.

L’équipe son a dessiné une carte pour établir les dispositions et les distances dans le camp, comprendre jusqu’où, et comment les voix humaines portaient. Elle s’est procuré des véhicules d’époque pour avoir le bruit du moteur d’origine, a enregistré des coups de feu tirés à juste distance entre les bâtiments et le jardin des Höss. Ils ont ensuite voyagé dans plusieurs capitales européennes pour enregistrer des passants la nuit dans différents états d’excitation ou de souffrance, sur le Reeperbahn à Hambourg et aussi pendant les manifestations contre la réforme des retraites à Paris. Ils sont allés voir des matchs de football en Allemagne pour enregistrer des cris agressifs. Puis tout cela a été assemblé, pour représenter le plus fidèlement possible le son du meurtre de masse.

Pour son remarquable travail sur le son dans La zone d’intérêt, Johnnie Burn a reçu le prix CST de l’artiste-Technicien (Commission Supérieure Technique de l’image et du son) au festival de Cannes.

Et maintenant place au film !

Doris Orlut

SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER , de Zoljargal PUREVDASH – 15 février 2024

 

« SI SEULEMENT JE POUVAIS HIBERNER », de Zoljargal PUREVDASH – 15 février 2024

Présentation de Marion Magnard

 

Zoljargal Purevdash, réalisatrice mongole, est née en 1990 à Oulan-Bator. Pour ceux qui n’ont pas révisé leur géographie, je précise que Oulan-Bator est la capitale de la Mongolie, ce pays du Sud-est asiatique, entre Russie et Chine, grand comme 3 fois la France, mais avec seulement 3 millions 500 000 habitants. Pays natal de l’immense Gengis Kahn, après une longue et tumultueuse histoire, Il est maintenant sous le régime de la Démocratie Populaire depuis la Constitution du 13 janvier 1992

Les Nomades, venus des grands plateaux chercher du travail dans la capitale, trop pauvres pour se loger dans la ville, ont dû dresser leurs tentes hors de l’enceinte, dans le « Quartier des Yourtes » qui héberge 60 % des habitants de la cité. Et ils n’ont que le charbon à brûler pour tenter de lutter contre les moins 35° de l’hiver mongol. La combustion de ce charbon dégage un intense brouillard et une énorme pollution qui provoquent plus la haine que la compassion chez les 40 % mieux lotis.

C’est dans ce quartier des Yourtes où sa mère tient une petite boutique qu’est née et a vécu Zoljargal, très bonne élève, surtout en math et en physique. Elle est passionnée de cinéma « qui peut changer les gens », nous dit-elle. Etudiante très brillante, elle obtient une bourse qui lui permet d’aller étudier le cinéma au Japon.

« Si seulement je pouvais hiberner », joué dans le quartier des Yourtes et par les gamins du quartier, comme ceux avec lesquels jouait la réalisatrice quand elle était enfant, est le premier long métrage de Zoljargal, qui ouvre au Monde un regard pur sur la Mongolie contemporaine. Les plus âgés d’entre nous évoqueront peut être le cinéma réaliste social italien de l’immédiat après guerre, comme le Voleur de bicyclette de Vittorio de Sica en 1948.

Et je pense que nous pouvons remercier les Sélectionneurs du « Certain Regard » au Festival de Cannes 2023, de nous faire découvrir ce film aussi chaleureux que passionnant.

Priscilla, de Sofia Coppola, 25 janvier 2024

PRISCILLA

Sofia Coppola est passionnée par la mode, la photographie et la musique depuis toujours. Son parcours artistique est remarquable, au sens où elle peut aussi bien créer une collection d’accessoires Louis Vuitton, que mettre en scène des opéras lyriques ou réaliser une salle d’exposition pour un musée.

Dans le film de ce soir, qui est très différent du film Elvis de Baz Luhrmann sorti en 2022, elle s’inspire du livre autobiographique de Priscilla Beaulieu-Presley Elvis et Moi, écrit en 1985.

Sofia Coppola y dépeint la vie du King à travers les yeux de sa très jeune épouse. Elle aborde la thématique de la quête identitaire de la jeunesse mais aussi celle de l’héroïne-poupée, enserrée dans une prison dorée comme dans son précédent long métrage Virgin Suicides.

Le film reconstitue le décor très glamour de Graceland, à partir de photographies d’époque fournies par Priscilla Presley et de celles réalisées par William Eggleton au moment où la maison du King a ouvert au public en 1982. Il est tourné en studio à Toronto avec un budget plutôt serré, autour de 20 millions de dollars, contre 85 millions de dollars pour le Elvis de Baz Luhrmann.

Dans une approche à l’esthétique impressionniste, la lumière évolue entre teintes marron en contre-jour et couleurs pastel douces et sucrées très lumineuses qui créent l’atmosphère et illustrent les ressentis de l’héroïne.

Vous n’entendrez aucun titre culte du King puisque la société qui gère l’héritage du chanteur a refusé les droits à Sofia Coppola.

Ainsi la Bande Originale mélange des classiques américains et des parties instrumentales composées par les frères Raphaël et interprétées par le groupe d’Indie pop Phoenix auquel appartient Thomas Mars, le mari de Sofia Coppola. C’est une longue collaboration professionnelle qui unit ces deux-là puisqu’ils se sont rencontrés lors de la préparation de la Bande Originale de son premier long métrage Virgin Suicides, en 1999.

Pour incarner les protagonistes à l’écran, la réalisatrice a choisi deux étoiles montantes de la scène hollywoodienne.

Cailee Spaeny, américaine de 25 ans interprète Priscilla. Elle est peu connue du public et a joué dans des thrillers et des séries de science fiction. Elle a reçu le prix d’interprétation féminine à la Mostra de Venise pour son rôle dans Priscilla.

Jacob Elordi, jeune acteur australien charismatique de 26 ans, interprète Elvis. Propulsé du jour au lendemain au rang de célébrité grâce à la comédie romantique The kissing booth, la cabine à baisers et pour son rôle d’antihéros dans la série non moins américaine Euphoria.

Bonne séance à tous !

 

Winter Break, d’Alexander Payne

Winter break, Alexander Payne

Nous vous proposons ce soir de refermer la parenthèse enchantée des fêtes de fin d’année avec ce film d’Alexander Payne, un réalisateur qui a tourné avec les plus grands acteurs américains (Nicholson dans M. Schmidt, Matt Damon miniaturisé dans Downsizing ou encore Georges Clooney dans The descendants). Ce film nous offre une reconstitution d’un hiver des années 70 dans un prestigieux lycée d’enseignement privé pour garçons de la Nouvelle-Angleterre, reconstitution qui rappelle l’âge d’or du cinéma américain. Et pourtant, malgré cet ancrage américain, il s’inspire d’un film français de 1935 : Merlusse, de Marcel Pagnol, qui raconte l’histoire de quelques lycéens laissés-pour-compte à l’internat. Durant les vacances de Noël, ils doivent faire face au plus redoutable des surveillants, Merlusse, au visage balafré. Or au moment où le réalisateur réfléchissait à ce sujet, il a reçu le scénario d’un épisode pilote pour une série située dans un lycée de garçon. Payne a donc proposé au scénariste d’en faire un long métrage.

Le scénario était situé dans les années 80, Payne l’a situé plus tôt car tous ses films subissent l’influence des années 70, époque où, adolescent, il a vu des tas de films du monde entier. Mais c’est aussi pour s’appuyer sur des éléments autobiographiques. En effet, son père était professeur dans un lycée privé où lui-même a été élève, voici le souvenir qu’il en garde : « J’y ai passé six ans et plusieurs des personnages du film sont des composites de gens que j’ai rencontrés là-bas. C’est un univers tellement à part, on y est confronté à beaucoup de richesse et de privilèges, mais aussi à beaucoup de souffrance. L’adolescence est une phase difficile. ».

Payne nous ramène dans les années 70 non seulement par le décor et l’esthétique mais aussi par la forme, la manière de filmer, notamment au moment du générique avec le grésillement de la bande-son, les couleurs désaturées. Le film a été tourné en numérique mais à toutes les caractéristiques d’un film tourné sur pellicule, comme s’il avait réellement été tourné à cette époque.

Pour interpréter son trio de personnages principaux, il a choisi d’abord Paul Giamatti, qui avait déjà tourné dans Sideways il y a 20 ans et qui a tenu à porter un manteau à Brandebourgs comme en portait son père. Pour le jeune homme, il a fait appel à un débutant, Dominic Sessa, actuellement élève de terminale. Quant à la cuisinière, elle est interprétée par Da’vine John Randolph qui vient d’obtenir le Golden Globe de la meilleure actrice dans un 2nd rôle pour sa prestation dans ce film, alors que Giamatti a obtenu celui de meilleur acteur dans une comédie. .

Un mot sur le titre : figurez-vous que « Winter break » est la version française du titre original : « The Holdovers ». « Winter break » met l’accent sur le contexte alors que l’original, que l’on peut traduire par « ceux qui restent », met en lumière les personnages principaux. Parions que vous allez vous attacher à ce trio de mal-aimés et de solitaires, à travers ce film qui commence comme une caricature mais se termine tout en tendresse et en subtilité!

Le Théorème de Marguerite, d’Anna Novion, 21 décembre 2023

Le Théorème de Marguerite, d’Anna Novion

21 décembre 2023

Présentation de Marion Magnard

 

Anna NOVION, réalisatrice franco-suédoise, est née à Paris en 1979. Sa mère est suédoise, son père travaille dans le Cinéma, il est directeur de la Photographie.

Anna a 20 ans quand une grave maladie l’oblige à rester cloîtrée loin de ses amis et elle estime que c’est cet éloignement qui a provoqué un décalage entre elle et les gens de son âge. Est-ce pour cela qu’elle tombe amoureuse d’un acteur français Jean Pierre Darroussin, de 26 ans son aîné ? Il hésite à l’épouser, elle est si jeune et il a déjà 2 grandes filles d’un précédent mariage, et qui ont presque son âge… Il présente Anna à son groupe d’amis Guédiguian – Ascaride, qui l’accueille à bras ouverts. «  Elle a une réelle maturité, nous dit il, et moi il est vrai que je suis resté très gamin ». Ils se marient et leur petit Vincent a maintenant 8 ans.

Anna a tourné 3 courts métrages assez remarqués, puis 2 films primés dans des festivals, « Les grandes Personnes » et « Rendez vous à Kiruna ». Et elle a une autre passion que le cinéma, le jeu de Mah Jong.

Pour son 3ème long métrage, elle aimerait étudier l’histoire d’une très jeune fille qui n’a qu’une passion, les   Mathématiques. Elle demande à un ami, professeur à l’Ecole Normale supérieure, de lui faire connaitre un mathématicien susceptible de lui servir de conseiller et c’est ainsi qu’elle rencontre Ariane MEZARD.

Ariane MEZARD, professeur à la Sorbonne spécialiste de la géométrie arithmétique et Anna NOVION sympathisent immédiatement, toutes deux bienveillantes et curieuses de tout. Et ensemble elles constatent que Cinéma et Mathématiques ne sont pas des domaines étrangers, ils ont en commun d’être des oeuvres de création et de travail en équipe.

De l’écriture au tournage, Ariane et toute son équipe de chercheurs ont participé à la réalisation du film et ont même prêté leurs locaux. Les équations que vous verrez dans le film sont celles-là mêmes qui font l’objet de leur étude. Ne supportant pas la moindre erreur ils voulaient écrire eux-mêmes les équations aux tableaux, ce que les 3 acteurs principaux leur disputaient.

Ces 3 acteurs, ce sont Ella RUMPF, que vous avez déjà découverte en étudiante véto dans « Grave » de Julia Ducournau, Jean Pierre Darroussin le professeur, et l’étudiant charmeur Julien Frison. Ils voulaient absolument imposer leurs marques et se faisaient bombarder de morceaux de craies par les chercheurs outrés par leurs approximations…

Et je crois que l’on peut dire qu’Anna Novion a su rendre cinématographiques les Mathématiques !

 

Soleil vert, de Richard Fleischer

Soleil vert, de Richard Fleischer

Nous sommes heureux, comme chaque année, de vous proposer cette soirée en partenariat avec la MJC, dans le cadre du Festisol, rendez-vous annuel international qui cherche à promouvoir une solidarité ouverte sur le monde. Chaque année, les animations sont regroupées autour d’un thème fédérateur, et cette année il s’agit de la souveraineté alimentaire. Vous avez pu assister à différentes animations sur ce thème et vous pouvez encore découvrir à la MJC une exposition intitulée « Nourrir l’humanité avec humanité ». Sur ce sujet, la MJC a présenté samedi dernier un documentaire intitulé La ferme à Gégé, quant à nous, nous avons choisi de vous faire redécouvrir un film d’anticipation tourné en 1972, mais dont l’action est située en 2022, afin de réfléchir à la façon dont on envisageait notre présent il y a 50 ans.

Dans les œuvres d’anticipation, il y a 2 manières d’envisager le futur et de dénoncer les défauts du présent: soit en imaginant un avenir utopique, où l’humanité aura enfin trouvé l’harmonie et aura gommé les défauts de notre monde ; soit, et c’est le plus répandu, en imaginant un futur dystopique où les défauts de notre société se sont accentués jusqu’à mener notre monde à sa perte. C’est ce que fait ce film, librement inspiré d’un roman écrit en 1966, en nous projetant dans une ville de New York surpeuplée de 40 millions d’habitants, étouffée par la chaleur et la pollution. Le roman mettait l’accent sur le danger de la surpopulation et prônait la contraception et le contrôle des naissances pour améliorer l’avenir de l’homme. Le film, 6 ans plus tard, met l’accent sur la crise écologique qui menace l’humanité. Il dépeint un futur dans lequel les océans sont mourants et la canicule est présente toute l’année en raison de l’effet de serre. La surpopulation a engendré une pression insoutenable sur les ressources naturelles de la Terre, rendant l’alimentation des masses dépendante d’un produit manufacturé, le Soylent green (il faut noter au passage que le mot Soylent n’a rien à voir avec le mot français « soleil », c’est une contraction des mots « soja » et « lentilles »). L’entreprise productrice du Soylent green jouit d’une puissance incontrôlée, qui n’est pas sans rappeler le poids des multinationales dans nos sociétés. Le film montre également une société dans laquelle la division sociale est exacerbée. Une fracture abyssale s’est creusée entre une minorité fortunée et une majorité complètement démunie.

Le film mélange 2 genres : le film d’anticipation mais aussi le film policier, dont le rôle principal est tenu par Charlton Heston, qui mène l’enquête pour percer le secret du Soylent green. Vous reconnaîtrez peut–être aussi Edward G Robinson, grand acteur des années 30/40, qui tient dans ce film son dernier rôle à l’écran, et qui allait mourir très peu de temps après ; et Joseph Cotten, qui a souvent tourné avec Orson Welles et Hitchcock.

Bonne séance !