Archives de l’auteur : Danièle Mauffrey

La petite vadrouille, de Bruno Podalydes

LA PETITE VADROUILLE- réalisateur Bruno PODALYDES – 11 juillet 2024   –

Présentation Marion Magnard

 

Bruno PODALYDES est né en 1961 dans une famille à l’ancienne, celle où trois générations vivent dans la même demeure. La grand-mère maternelle veuve très jeune, avec 3 enfants, tient à Versailles une grande librairie. Plus tard, elle accueille dans sa maison sa fille professeur d’anglais et son mari pharmacien d’origine grecque, né en Algérie fils de parents pieds noirs.

Bruno a un premier frère, Denis, né en 1963. Ils partagent chambre et jeux. La grand-mère et la mère leur donnent l’accès à tous les livres et le père cinéphile leur fait découvrir tous les films. Sous cette double influence, et encouragés par les adultes qui s’intéressent à leurs créations, Bruno et Denis inventent toutes sortes de jeux, des spectacles de théâtre ou de marionnettes, des mises en scène, des émissions de radios, des diaporamas. Deux autres frères, Eric et Laurent, naissent en 1969 et 1972. La vie est joyeuse et très animée, une famille très gaie et aimant plaisanter, mais avec de discussions orageuses entre les parents, le père étant giscardien et la mère socialiste.

Bruno est le scientifique et le terrien de la famille, il commence des études de biologie, puis est engagé par le service Publicité d’Air France et se consacre ensuite totalement au cinéma. Son premier moyen métrage, « Versaille Chantiers » est très bien accueilli ainsi que les nombreux films qui ont suivis… Denis le littéraire, le bosseur, fait hypokhâgne, khâgne, puis c’est le Conservatoire et le parcours que vous connaissez à la Comédie Francaise et au Cinéma. Eric entame une carrière prometteuse de comédien, dramatiquement interrompue par son suicide. Bouleversés les deux frères ainés intègrent Laurent dans leur binôme et il devient leur assistant, étroitement lié à toutes leurs activités. Les Podalydès travaillent en famille et beaucoup des scénarios de Bruno, souvent co-écrits et joués par Bruno et Denis, sont pêchés dans le vivier de leurs souvenirs de famille. Souvenez-vous de « Liberté Oléron !

C’est aussi le cas de « la petite vadrouille », née d’une escapade familiale sur les canaux du Midi. Et Bruno nous raconte : « J’aime flotter, même si le bateau reste au quai. Quand j’étais enfant mon grand plaisir était de faire un radeau dans le jardin avec quelques planches, je prenais mon gouter et je partais au long cours. C’est dans la franche imagination que le voyage commence. Et je suis un lent. Au Lycée les copains chantaient du Gilbert Becaud, M. 100 000 volts, et moi du Georges Moustaki, M. 1 volt ! Le faible courant du canal me convient parfaitement et ce que j’aime au cinéma, c’est éprouver le temps des autres ».

Et dans cette petite vadrouille, le réalisateur nous mène en bateau avec sa famille de comédiens, Denis, lui-même, une excellente Sandrine Kiberlain, auxquels il a joint un Daniel Auteuil qui vous surprendra. Et vous retrouverez l’humanisme chaleureux et l’humour malicieux de Bruno Podalydès…

 

 

 

 

 

 

Irène, d’Alain cavalier

Séance proposée dans le cadre des Journées de l’APA

 

 

Il existe une apparente incompatibilité entre le monde du cinéma et celui du journal intime: le journal intime requiert solitude, intimité, repli sur soi ≠ le cinéma est œuvre collective, technique difficilement envisageable sans une équipe => même si beaucoup de films sont tirés d’oeuvres autobiographiques, et si de très nombreux films accordent une grande part à des éléments autobiographiques, inspirés de la vie du réalisateur, bien peu de films de cinéma peuvent être rapprochés de l’autobiographie stricto sensu et encore moins de cette forme particulière qu’est le journal intime.

Mais s’il est un cinéaste qui, au fil de son œuvre, a tenté de rapprocher son cinéma de l’intime, c’est bien Alain Cavalier. En effet, né en 1931, il a commencé sa carrière de cinéaste par des films de fiction à distribution prestigieuse (Le combat dans l’île, avec Trintignant et R Schneider en 1962 ; L’Insoumis avec Alain Delon en 1964, ou encore La Chamade avec Deneuve et Piccoli en 1968). Pourtant il décide à la fin des années 1970 de se défaire de la lourdeur industrielle de telles productions et commence à creuser une matière autobiographique, avec un matériel et donc une équipe très réduite : il filme seul avec une petite caméra. Cela se manifeste de manière très radicale avec Ce répondeur ne prend pas de message, en 1979, un étrange autoportrait du cinéaste en homme endeuillé, le visage bandé comme l’Homme invisible, à la fois dans le champ et dissimulé, peignant en noir les fenêtres de son appartement. Par la suite, l’œuvre d’Alain Cavalier se décline, jusqu’à son dernier film, L’Amitié, sorti en 2022, entre portraits et films autobiographiques.

Et si l’on pose la question, « Que savons-nous du journal ? », le film que nous allons voir apportera bien quelques éléments de réponses à cette question. En effet, Irène est un film tourné en 2008 ? qui met en scène un journal, celui du réalisateur, ou tout du moins une partie, sous la forme de 3 carnet tenus en 1970, 71 et 72, alors qu’il est âgé de 39, 40 et 41 ans. Le point de départ du film est un élément éminemment autobiographique, la mort de la mère du réalisateur, qui fait resurgir les souvenirs de la mort, une trentaine d’années plus tôt, de son épouse, actrice et mannequin d’une beauté radieuse, décédée dans un accident de voiture. Le réalisateur se replonge alors dans son journal intime de cette époque, il nous en lit des passages, mais il livre aussi les réflexions que cette lecture lui inspire et construit ainsi un film qui est à la fois un journal de deuil et un portrait en creux d’Irène.

Danièle Mauffrey

 

Juliette au printemps, de Blandine Lenoir

Blandine Lenoir débute sa carrière cinématographique un peu par hasard dans le rôle de la fille du boucher dans Carne et Seul contre tous de Gaspar Noé. Elle a alors 15 ans et se rêve déjà réalisatrice.

Elle interprète ensuite régulièrement des rôles sur grand écran ou à la télévision. Elle est la principale du collège dans La vie scolaire de Grand Corps Malade et joue dans les séries comme Maigret ou boulevard du Palais.

L’idée de devenir réalisatrice la conduit à occuper différents postes techniques sur des tournages. Ainsi, elle est costumière chez Arnaud des Paillières, décoratrice chez Philippe Lioret, en charge du casting chez Serge Lalou…

Elle commence la réalisation à 25 ans par un court métrage intitulé Avec Marinette. Son dernier film Annie colère avec Laure Calamy et Zita Hanrot nous a plongé dans le combat pour la législation de l’IVG.

Blandine Lenoir est foncièrement féministe et aime créer des comédies.

L’univers de Juliette au printemps est inspiré de la bande dessinée de Camille Jourdy Juliette : les fantômes reviennent au printemps. C’est la première fois que Blandine Lenoir adapte une œuvre littéraire à l’écran. Il faut dire qu’elle a été véritablement séduite par l’histoire qui aborde de nombreux sujets : la dépression, la famille avec la place qu’on y occupe, l’amour, l’amitié, la sexualité… Elle parle aussi des secrets de famille et plus particulièrement des non-dits et des difficultés de communication. Les personnages et la complexité des rapports humains chez Camille Jourdy sont longuement travaillés. Rien de surprenant si je vous dis qu’elle met en moyenne 3 à 4 ans pour composer une BD.

Plus encore que l’histoire de cette famille et des personnages, Blandine Lenoir a eu un vrai coup de cœur pour les dessins des scènes d’amour sensuelles et joyeuses qui montrent des corps normaux loin des stéréotypes cinématographiques et qui évoquent l’esthétisme d’Aristide Maillol ou de Botéro.

Blandine Lenoir commence à co écrire le scénario avec Maud Ameline. Elle reprend des séquences entières de la BD et fait quelques adaptations comme de donner le métier d’illustratrice à Juliette ou lui choisir un père plus tendre.

Puis elle travaille l’écriture des dialogues avec Camille Jourdy qui, dans le film, va prêter sa main à Juliette lorsqu’elle dessine, manière de montrer à l’image l’univers graphique de l’autrice.

Au montage Blandine Lenoir a voulu préserver un équilibre entre humour et émotion.

Et les acteurs me direz-vous ? Eh bien je ne vous dirai rien sur la brochette d’acteurs remarquables qui sert ce film ni sur la participation animalière. Je vous laisse la primeur de les découvrir. Si juste un chiffre : 91 pour le nombre de printemps de l’actrice la plus expérimentée !

Doris Orlut

Une affaire de principe, d’Antoine Raimbault

UNE AFFAIRE DE PRINCIPE

Antoine Raimbault, le réalisateur d’Une affaire de principe, a longtemps travaillé comme monteur avant de se tourner vers l’écriture de scénario.

Son second long métrage nous plonge au cœur de l’affaire Dalli, ce commissaire européen en charge de la santé et de la protection des consommateurs, qui fut brutalement débarqué de son poste par le président de la Commission européenne, pour soupçon de corruption avec un industriel du tabac.

A l’annonce de sa démission, l’eurodéputé vert José Bové, l’un de ses opposants politiques, a la forte intuition que quelque chose d’anormal se trame.

Pour resituer si besoin est, José Bové, est l’une des figures du mouvement altermondialiste. Il est l’un des fondateurs de la Confédération paysanne, un syndicat paysan qui s’oppose à l’agriculture productiviste et à l’industrie agroalimentaire. Il a siégé au parlement européen de 2009 à 2019 pour Europe Écologie.

A l’époque des faits, si le commissaire John Dalli est en croisade contre le tabac, cela n’est pas le sujet de prédilection de José Bové, qui si vous le connaissez, se présente toujours la pipe à la bouche.

Pour autant, c’est parce qu’il a à cœur le respect des règles de droit que José Bové va organiser la défense de John Dalli en faisant alliance avec des groupes politiques d’autres bords pour tenter de faire bouger les lignes et rétablir la vérité.

Le livre Hold-up à Bruxelles, les lobbies au cœur de l’Europe sorti en 2015 que José Bové a co écrit avec le journaliste Gilles Luneau raconte cet épisode.

Antoine Raimbault a donc construit son film autour de faits réels. Il a souhaité nous montrer le fonctionnement du parlement européen, qu‘il a lui-même découvert au décours de ces recherches cinématographiques. Il l’a transformé dans son genre de prédilection, sous la forme d’un thriller de bureau où il nous tient en haleine à coup de conférences de presse, de confessions recueillies sur un smartphone ou d’un mail capital déversé par une imprimante.

Bouli Lanners incarne José Bové. Ses assistants parlementaires sont Thomas VDB en personnage un peu neurasthénique et Céleste Brunnquell la jeune actrice d’En thérapie et de La fille de son père.

Les personnages de génération différente interrogent chacun à leur façon l’idée d’engagement et de croyance dans le politique. Ils illustrent la recherche d’équilibre entre pouvoir et contre pouvoir pour éviter l’abus de pouvoir.

Antoine Raimbault a voulu placer un peu d’ironie au milieu de ce très sérieux sujet et a utilisé, vous le verrez, la musique de Grégoire Auger pour donner une tonalité plus légère.

Doris Orlut

C’e ancora domani, de Paola Cortellesi

La soirée italienne, c’est chaque année une soirée au cours de laquelle on se plonge dans la langue, la culture et la société italienne. Or le film de ce soir est particulièrement bien adapté à cette immersion, car rarement un film aura autant fait se rencontrer l’art cinématographique et un fait de société, au point de devenir en Italie un phénomène de société: projection au Sénat, projections dans les établissements scolaires… Si le film a eu moins d’impact en France, c’est sans doute parce qu’il plonge profondément dans la culture italienne, et de manière très habile.

Un 1er film inattendu et un succès inattendu:

C’est le 1er film de Paola Cortellesi, et on ne l’attendait pas du tout sur ce genre de film. En effet, elle est connue des Italiens a une expérience en tant qu’actrice (mini série Petra), animatrice TV, chanteuse : rattachée au monde du divertissement de la TV italienne et non au cinéma d’auteur. 1ère surprise= ce type de film de sa part

2ème surprise= film sur les violence faites aux femmes par une femme (dans un cinéma italien où il y a peu de femmes : peu de femmes réalisatrices, ou techniciennes alors même que le cinéma italien porte un regard intéressant sur la condition féminine et le regard des hommes sur les femmes)

+ film qui percute une tradition encore très ancrée dans la société italienne: la tradition selon laquelle les femmes s’occupent des enfants, tabou du patriarcat en Italie

+ film qui a percuté un fait divers au moment de la sortie= féminicide en Italie qui fait l’actualité : d’abord amants disparus puis on comprend que l’homme a fui, puis images de video surveillance où l’on voit le meurtre, l’acharnement, le transport du corps… = batt agemédiatique

Inscription dans l’histoire du cinéma italien:

Liens avec le néo réalisme italien (De Sicca, Rossellini, Visconti) : volonté de filmer les Italiens de la rue, intérêt pour la situation sociale. Le Noir et Blanc se réfère à ce courant (et aussi à la dimension biographique => violences = souvenirs de sa grand-mère) ainsi que la présence du dialecte romain, l’importance accordée aux pers 2ndaires.

+ comédie à l’italienne (1958/1972): les français font de l’humour en se moquant par la caricature ; la comédie à l’italienne parle de sujets graves avec du comique = jeu d’équilibre délicat entre dramatique et comique. On rit mais ensuite on a honte d’avoir ri, violence transformée en danse…

Un habile exercice:

Autrice/actrice: jeu qui rappelle celui de Charlot = travail sur les mimiques

Mais surtout : un film très habile, qui dénonce sans heurter et peut ainsi trouver son public. Elle a fait un film aujourd’hui pour dénoncer qq chose que tout le monde voyait et qu’on ne voulait pas voir : une des raisons du succès = pas moralisateur, ne dénonce pas frontalement = + efficace, les hommes peuvent se retrouver aussi bien dans le titre que dans les rôles masculins                  Habileté perceptible dès le tire, équivoque (espoir ou pas?)

AMAL, UN ESPRIT LIBRE – de Jawal RHALIB

Présentation: Marion Magnard

Préparant la présentation de « AMAL, un esprit libre », j’ai découvert trois fortes personnalités :

La première, c’est celle d’ABOU NUWAS, né au 8éme siècle en Perse (l’actuel Iran) d’un père arabe et d’une mère persane. Ses contemporains rapportent qu’il séduit les hommes comme les femmes par ses poèmes, sa grâce et sa beauté  « avec ses magnifiques cheveux bouclés ». Il est reçu à la cour du grand Calife Haroun Al Rachid, qui avait alors noué des relations diplomatiques avec notre grand Charlemagne qui préparait sa loi sur l’Ecole … Abou est éloigné de la Cour assez vite à cause de sa conduite irrespectueuse envers le pouvoir, et ses mauvaises fréquentations. Il est un peu le précurseur de notre François Villon au Moyen âge. Il recherche tous les plaisirs et chante dans ses poèmes érotiques ou bachiques ou les deux à la fois « la vie, le vent, le vin ». Et il précise « j’ai quitté les filles pour les garçons et pour le vin vieux, j’ai laissé l’eau », et « L’homme est un continent, la femme, c’est la mer, moi, j’aime mieux la terre ferme ». Mais la puissance, le charme et la liberté de ses poèmes font qu’il est considéré jusque à nos jours comme un des plus talentueux poètes arabes.

La deuxième personnalité que j’ai découverte, c’est JAWAL RHALIB, journaliste et réalisateur, né au Maroc en 1965 et vivant maintenant en Belgique. D’emblée il oriente son travail sur les droits de l’homme et les questions liées à la mondialisation, le réalisme social et les religions. En Belgique toutes les religions sont enseignées à l’école sans contrôle de l’État sur les enseignants qui sont choisis par les autorités religieuses. Le journaliste dresse un constat dans une démarche respectueuse de l’Islam mais résolument contre l’islamisme radical. Et très inquiété par l’évolution de l’école le cinéaste a commencé l’écriture d’AMAL un esprit libre dès 2018, avant les drames que nous avons connus dans nos collèges.

La troisième est une actrice LUBNA AZABAL, comédienne née à Bruxelles en 1973. Son père est marocain et sa mère espagnole, et sa double culture lui ouvrira les portes des cinémas arabes et européens, où elle débute avec Olivier Gourmet. Dans son enfance, l’école était pour elle « un ballon d’oxygène » et elle constate que ce n’est plus le cas pour les enfants du 21ème siècle. Elle porte littéralement le rôle d’Amal et tous les dialogues ont été co-écrits par elle et Jawal, après en avoir discuté avec les élèves réels du collège.

Et vous allez découvrir maintenant comment vont s’enchevêtrer ces trois personnalités, dans « Amal, un esprit libre », un film-choc..

 

Rosalie, de Stéphanie di Giusto

Le personnage dont le film est inspiré fait partie des célébrités vosgiennes. Il s’agit de Clémentine Delait, née à Thaon les Vosges en 1865, atteinte d’hirsutisme qu’elle cache en se rasant dès son adolescence, mariée à 20 ans à Paul Delait avec qui elle gère un café. Après avoir rencontré une femme à barbe dans un cirque, elle parie 500 francs avec un client que la sienne sera bien plus fournie. Pari remporté haut la main! Sa nouvelle barbe attire les clients en masse. Le café est rebaptisé «Le Café de la femme à barbe».

Clémentine Delait n’a pas été la 1ère femme à barbe, mais une des 1ères à prendre son destin en mains, une des 1ères à contrôler son image au lieu de se laisser exploiter dans un de ces freak show qui étaient nombreux au début du XXème siècle : elle vendait des photos dédicacées d’elle dans toutes sortes de mises en scène : faisant du vélo, promenant son chien, dans une cage avec des lions, elle fut même exceptionnellement autorisée à porter le pantalon pour ces photos, et on peut voir son portrait sur sa tombe à Thaon. Pas étonnant que, depuis quelques années, Clémentine Delait soit devenue une icône féministe, comme en atteste la BD de Pénélope Bagieu, Culottées, qui lui accorde la 1ère place dans sa galerie de femmes extraordinaires.

Le film n’est pas un authentique biopic de Clémentine Delait, il est seulement inspiré de sa vie et de celles d’autres femmes atteintes d’hirsutisme. Son nom a été changé et le film a été tourné en Bretagne. Il s’agit du 2ème long métrage de Stéphanie Di Giusto, après La danseuse, en 2016, lui-même inspiré de la vie de Loïe Fuller et de sa rencontre avec Isadora Duncan.

Stéphanie di Giusto a tenu à ce que l’actrice principale, Nadia Tereskiewicz, que l’on a pu voir récemment dans L’Ile rouge, ou Mon crime, rentre dans son personnage chaque jour à la suite d’un long travail de préparation : tous les matins, chaque poil était collé un par un sur son corps , la réalisatrice souligne : « L’idée était de créer une « seconde peau » que l’actrice enfilait tous les jours. Il fallait y croire. J’ai travaillé le corps de Rosalie comme une sculpture à la fois étrange et désirable. » Une préparation qui rappelle celle de John Hurt pour Elephant man, et qui exigeait 5 heures de pose des poils, coiffure, maquillage. Le sujet du film porte beaucoup sur la relation entre Rosalie et son mari, interprété par Benoît Magimel, sur le long travail d’acceptation de la différence. Pour le rendre plus crédible, les 2 acteurs ne se sont pas rencontrés avant le tournage et se sont découverts en même temps que leurs personnages. Le souci d’imprégnation a même poussé la réalisatrice et l’actrice principale à vivre pendant tout le temps du tournage sur les lieux mêmes de l’action, dans les décors.

Bon, finalement, peu de traces des Vosges dans ce film, ah si, quand même, comme un clin d’œil : à la fin une scène qui a été tournée au théâtre du peuple à Bussang, lieu que je vous invite à découvrir si vous ne le connaissez pas.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une séance au poil !

Paternel, de Ronan Tronchot

 

Paternel

Ces derniers mois, le cinéma en écho à notre actualité, nous a donné à voir des films sur le thème de la pédophilie dans l’Eglise catholique comme Grâce à Dieu de François Ozon ou encore Kler du polonais Wojciech Smarzowski. Ce soir, la thématique du film est tout autre, puisque Paternel raconte la réalité quotidienne de Simon, un prêtre d’aujourd’hui. Il nous en dépeint la fonction sociale et humaine.

Ce sujet est rarement traité dans le cinéma français.

A cette réalité quotidienne, va s’ajouter l’histoire singulière du personnage principal, qui est le père spirituel de sa paroisse et qui va se trouver confronté à la découverte de sa paternité de chair.

Religion et paternité sont des thèmes de prédilection chez Ronan Tronchot qui réalise ici son premier long métrage. Diplômé de la section Cinéma de L’ENS Louis Lumière, il collabore depuis une dizaine d’années au montage de longs métrages français.

Ronan Tronchot est d’origine bretonne et a été éduqué dans la religion catholique tout comme Ludovic du Clary, co-scénariste du film.

En préalable à l’écriture scénaristique, les deux amis se sont plongés dans la lecture d’ouvrages et d’articles de presse sur l’évolution de la place du catholicisme en France. Ils ont vécu une semaine au contact de trois prêtres dans un presbytère en Bretagne. Ils ont également eu l’opportunité de rencontrer David Gréa, un ancien prêtre lyonnais, qui a renoncé à son sacerdoce pour pouvoir se marier suite au refus de dérogation de l’Eglise. David Gréa les a aussi conseillés sur le fonctionnement hiérarchique de l’Eglise avec d’autres prêtres consultants.

Ronan Tronchot a choisi de situer l’action à Auxerre, car cette ville de province est ancrée dans une histoire et une culture classique. Les scènes d’intérieur sont tournées à l’église Saint Pierre et les scènes d’extérieur à la cathédrale Saint Etienne. Quelques scènes sont aussi réalisées dans le cloître de l’Abbaye Saint Germain qui est actuellement un musée.

Ronan Tronchot qui a eu l’occasion d’observer la nuance de jeu de Grégory Gadebois sur les plateaux de tournage, lui a proposé d’interpréter Simon.

Autour de lui vont graviter différents personnages qui vont chacun venir questionner et mettre en lumière les contradictions humaines que les règles religieuses engendrent.

Il y a : Amine, prêtre d’origine algérienne incarné par Lyes Salem ; Louise la mère interprétée par Géraldine Nakache, qui symbolise une certaine forme de matérialisme ; Aloé, le fils de Simon qui est interprété par Anton Alluin. Le réalisateur, attaché au texte et à la précision des mots plutôt qu’à l’improvisation l’a choisi parce qu’il a une petite expérience de tournage puisqu’il a déjà joué la comédie dans Le trésor du petit Nicolas.

Doris Orlut

Scandaleusement vôtre, de Thea Sharrock

SCANDALEUSEMENT VOTRE

 

Pour écrire le scénario de cette production franco britannique, le comédien Jonny Sweet s’est inspiré d’un fait divers qui a secoué l’Angleterre conservatrice et puritaine des années 20. En témoignent encore les articles des journaux nationaux de l’époque comme le Daily Miror, dont les photos ont servi de base documentaire pour les costumes du film.

Jonny Sweet a choisi de conserver le véritable nom de la ville et des protagonistes. Il s’est également servi des lettres archivées dans le dossier de police pour en extraire une grande part des répliques du film.

Dans les rôles principaux, on retrouve Olivia Colman, vue récemment dans Empire of light et Jessie Buckley. Les deux actrices se connaissent depuis 2021 puisqu’elles ont tourné dans The Lost Daughter, adaptation Netflix du roman d’Elena Ferrante par Maggie Gyllenhaal, où elles interprètent cette fille perdue chacune à différentes étapes de sa vie. Elles n’avaient donc jamais encore joué ensemble.

Dans Wicked Little Letters, littéralement les méchantes petites lettres, entendez Scandaleusement vôtre, la relation entre les deux femmes est au cœur du film.

Le troisième personnage principal, incarné par Anjana Vasan, est l’officier de police Gladys Moss. Elle est chargée de surveiller les familles Gooding et Swan. C’est la toute première femme nommée officier de police dans le comté du Sussex en 1919 et, comme vous le verrez, elle est par conséquent l’unique femme du poste de police de la ville.

Avec une légèreté apparente, la réalisatrice Théa Sharrock aborde des sujets plus profonds comme la place des femmes au sein de la société anglaise, la question de l’Irlande, mais aussi la souffrance liée aux pertes humaines de la grande guerre ou l’anonymat des réseaux sociaux.

Suivant le personnage présent à l’écran, la caméra filme en plan plus ou moins serré et reste plus ou moins statique pour incarner tantôt le naturel de Jessie Buckley tantôt la vie étriquée d’Olivia Colman.

Les costumes de Charlotte Walter et les décors de Cristina Casali, inspirés des livres, des albums photos, des cartes postales de l’époque, accompagnés par la composition pour cordes et piano de la compositrice Isobel Waller-Bridgenous nous plongent véritablement dans l’ambiance de l’Angleterre des années 20.

Alors chers spectateurs, vous qui savez que les apparences sont trompeuses, saurez-vous démêler ce soir le vrai du faux  et découvrir qui se cache derrière le mystérieux corbeau au langage fleuri et à la belle calligraphie !

Doris Orlut

 

Moulin rouge, de Baz Luhrmann

Moulin Rouge, de Baz Luhrmann – 11 avril 2024 –

Le 14 mai 2001, le Festival de Cannes projetait pour son ouverture « Moulin Rouge ! »

Il se trouve que ce jour-là, j’étais à Cannes et précisément au bas des fameuses marches au tapis rouge, au moment même où une somptueuse voiture vint déposer la magnifique Nicole Kidman, vedette du film. Elle est bien sûr immédiatement entourée par un raz de marée de spectateurs mais au même instant un concert de klaxons émanant d’une 2 chevaux Citroën décapotée d’où émerge un jeune homme souriant, déplace la vague qui se rue avec le même enthousiasme vers la 2 chevaux en criant Aziz, Aziz !

Je n’ai pas oublié le regard stupéfait de Nicole Kidman, heureusement immédiatement entourée par les Officiels.

En ce mois de mai 2001 Aziz était une des vedettes du premier feuilleton de Téléréalité et ce moment reste pour moi la 1ère image de la concurrence Cinéma-Télévision !

On ne pouvait mieux choisir pour illustrer cette soirée CABARET que «  Moulin Rouge ! » œuvre du réalisateur Baz Luhrmann spécialiste des comédies romantiques et musicales.

Baz Luhrmann est né en Australie en 1962, dans un milieu rural. Mais ses parents, tous les deux fervents adeptes de la danse de salon, gèrent aussi dans leur village un petit Théâtre-Cinéma.

Sous cette influence, Baz part tout naturellement étudier à l’Institut National d’Art Dramatique de Sydney, où il fera la connaissance d’une étudiante Catherine Martin, qui deviendra sa femme et travaillera avec lui. Baz forme une troupe avec d’autres étudiants et monte une pièce « Strictly Ball Room », grand succès, dont il fait en 1992 un film « Ball Room Dancing », qui a encore plus de succès. Et ce sera Leonardo Di Caprio qui sera l’acteur principal en 1996 de son film suivant, une adaptation de «  Roméo et Juliette » !

Je ne vous citerai pas tous ses films, ni ses brillantes et célèbres publicités, souvent avec sa compatriote Nicole Kidman, vous avez sans doute admiré « Gatsby le magnifique » et son biopic « Elvis ».  Et ce soir vous allez voir ou revoir « Moulin Rouge ! », qui lui a valu Oscar et Golden Globe…Et je tiens à le souligner, les mêmes distinctions pour sa femme Catherine Martin, pour les costumes et les décors de Moulin Rouge…