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Le sommet des Dieux, de Patrick Imbert.

Le sommet des Dieux, de Patrick Imbert

Vous avez sans doute entendu dire que le film de ce soir a été tiré d’un manga de Taniguchi, mais avant d’être un manga, Le Sommet des Dieux a été publié en feuilleton par l’écrivain japonais Baku Yumemakura. Ce récit n’a jamais été traduit mais a marqué les Japonais et inspiré Taniguchi, qui l’a adapté dans en 5 tomes entre 2000 et 2003. Cette oeuvre a été un gros succès et a reçu le prix du meilleur dessin à Angoulême en 2005. Après sa lecture, le producteur et scénariste français Jean Charles Ostorero a immédiatement envie d’en faire un film, mais comme il s’agissait d’une œuvre fleuve de 1500 pages, l’entreprise n’était pas simple et le projet a dû mûrir. Une équipe s’est alors constituée autour du projet, mais on voit que le réalisateur Patrick Imbert, n’en est pas à l’origine. Il a fallu ensuite 4 ans de travail sur le scénario pour décider ce qui serait gardé (notamment la quête et l’enquête du personnage principal et les aller-retours entre passé et présent), et ce qui serait abandonné (les intrigues secondaires). Par ailleurs, l’équipe s’est mise d’accord sur un parti-pris réaliste. Le scénario et des dessins préparatoires ont pu être montrés à Tanigushi peu avant sa mort en 2019, et celui-ci les a validés, heureux que sa propre adaptation soit adaptée à son tour.

Il ne s’agit d’ailleurs pas du 1er film français adapté d’un manga de Taniguchi puisqu’en 2010, Sam Gabarski avait adapté Quartier lointain, le récit du retour d’un homme vers son passé. Ce film était en prises de vues réelles et certaines scènes avaient été tournées dans la région, peut-être même connaissez-vous des jeunes qui ont servi de figurants. .

Dans ce film, 3 personnages : le journaliste, l’alpiniste et l’Everest. Il s’agit en effet du 1er véritable film d’animation de montagne. À la question d’un journaliste du New York Times qui lui demandait pourquoi il s’entêtait à vouloir gravir l’Everest, Mallory avait répondu pour la postérité « parce qu’il est là ». Patrick Imbert et son équipe ont travaillé à restituer, par-delà le récit d’aventure et les vues incroyables sur l’Himalaya, ce qui faisait grimper les héros, ce qui les poussait à s’élever physiquement et spirituellement. «Il fallait rendre compréhensible le questionnement de Habu et Fukamachi pendant la montée. Finalement, c’est proche de la démarche artistique. Toutes choses égales par ailleurs, quand on me demande pourquoi je dessine, je ne sais pas répondre autre chose que “parce que, ce que j’aime, c’est dessiner”. Comme nos deux héros, il y a aussi un grand sentiment de solitude quand on crée. »

Dans les films d’animation, le son est entièrement créé en post production, il y a des équipes spécialisées pour les bruitages d’intérieur, d’autres pour les ambiances d’extérieur, d’autres pour les voix ; et c’est le son qui donne vie au dessin, qui lui donne son réalisme et sa vérité. Vous pourrez donc être particulièrement attentifs aux voix qui s’essoufflent quand l’air se raréfie, aux craquements de la neige, aux sons de la nature. Quant à la musique, elle a été composée par Amine Bouhafa, jeune compositeur franco-tunisien dont vous avez pu entendre d’autres b.o. dans notre programmation : il a reçu un César pour Timbuktu, a fait la b.o. d’Amin de Philippe Faucon, de Gagarine plus récemment.

Enfin une petite mention spéciale pour notre région pour terminer: L’assistanat animation, la mise en couleur et tout le compositing (étape finale qui consiste à superposer les différentes couches : décor, personnages…) ont été réalisés par Les Astronautes, studio d’animation situé à Bourg-lès-Valence (Drôme), pôle où est également installée la production Julianne Films.

Marcher sur l’eau, d’Aïssa Maïga

Aïssa Maïga est née en 1975 au Sénégal et vit en France depuis ses 4 ans. Elle a reçu une éducation multiculturelle entre catholicisme, islam et laïcité mais aussi entre des origines africaines et vietnamiennes.

 Le public français a pu la découvrir comme actrice dans des 2nds rôles dans Les Poupées russes de Klapisch, Caché de Haneke ou encore Je vais bien, ne t’en fais pas de Lioret. Elle est nominée pour le César du meilleur espoir féminin en 2006 grâce à son rôle dans Bamako. Depuis, elle a tenu des premiers rôles par exemple dans Il a déjà tes yeux.

On peut dire d’elle que c’est une artiste engagée puisqu’elle fait partie de plusieurs ONG mais aussi pour sa défense de la diversité au cinéma. En effet, lorsqu’elle débutait, quand elle se présentait dans des castings , elle s’est souvent entendu dire « on cherche une comédienne de 20 ans, pas une noire ». Ce combat s’incarne dans un documentaire qu’elle co-réalise pour la tv, intitulé  Regard noir.

Parallèlement à ce projet, elle réalise Marcher sur l’eau, premier long métrage qu’elle réalise seule, à la demande d’un producteur qui lui propose cette histoire d’une communauté villageoise se battant pour l’accès à l’eau. Ce sujet lui a aussitôt rappelé des souvenirs de ses vacances d’enfant chez sa grand-mère au Mali : l’eau bue dans les jarres posées le long des murs, le moment de la toilette dans le fleuve Niger. Elle a alors pris conscience du fait que la question de l’eau était cruciale et l’écriture du film a ensuite coulé très naturellement. C’est elle qui a choisi de tourner au Niger alors que plusieurs possibilités se présentaient à elle. Elle s’est rapprochée de l’ONG Amman Imman (« l’eau c’est la vie ») qui soutenait le projet de forage.

Il s’agit d’un documentaire écrit, il suit un projet réel en s’attachant plus particulièrement à des personnages qu’elle a dirigés au fil des saisons (elle venait tourner tous les 3 mois), en parvenant parfois à saisir des scènes sur le vif  et d’autres fois en les reconstituant .

Ce film nous a paru particulièrement approprié pour illustrer de manière concrète le problème de l’accès à l’eau tel qu’il se pose encore aujourd’hui pour une grande partie de l’humanité, et notamment en Afrique. Quelques chiffres pour mémoire :

  • 50% : À l’échelle de la planète, c’est en Afrique que se trouvent la moitié des personnes qui boivent une eau provenant de sources non protégées.

  • 24 et 28% : En Afrique subsaharienne, seulement 24% de la population a accès à une source sûre d’eau potable et les installations sanitaires de base – non partagées avec d’autres foyers – sont réservées à 28% de la population.
  • 30 minutes : temps consacré quotidiennement par les filles pour la collecte de l’eau, au détriment de leur éducation notamment

cf dossier de presse du film: