Archives mensuelles : mai 2024

Rosalie, de Stéphanie di Giusto

Le personnage dont le film est inspiré fait partie des célébrités vosgiennes. Il s’agit de Clémentine Delait, née à Thaon les Vosges en 1865, atteinte d’hirsutisme qu’elle cache en se rasant dès son adolescence, mariée à 20 ans à Paul Delait avec qui elle gère un café. Après avoir rencontré une femme à barbe dans un cirque, elle parie 500 francs avec un client que la sienne sera bien plus fournie. Pari remporté haut la main! Sa nouvelle barbe attire les clients en masse. Le café est rebaptisé «Le Café de la femme à barbe».

Clémentine Delait n’a pas été la 1ère femme à barbe, mais une des 1ères à prendre son destin en mains, une des 1ères à contrôler son image au lieu de se laisser exploiter dans un de ces freak show qui étaient nombreux au début du XXème siècle : elle vendait des photos dédicacées d’elle dans toutes sortes de mises en scène : faisant du vélo, promenant son chien, dans une cage avec des lions, elle fut même exceptionnellement autorisée à porter le pantalon pour ces photos, et on peut voir son portrait sur sa tombe à Thaon. Pas étonnant que, depuis quelques années, Clémentine Delait soit devenue une icône féministe, comme en atteste la BD de Pénélope Bagieu, Culottées, qui lui accorde la 1ère place dans sa galerie de femmes extraordinaires.

Le film n’est pas un authentique biopic de Clémentine Delait, il est seulement inspiré de sa vie et de celles d’autres femmes atteintes d’hirsutisme. Son nom a été changé et le film a été tourné en Bretagne. Il s’agit du 2ème long métrage de Stéphanie Di Giusto, après La danseuse, en 2016, lui-même inspiré de la vie de Loïe Fuller et de sa rencontre avec Isadora Duncan.

Stéphanie di Giusto a tenu à ce que l’actrice principale, Nadia Tereskiewicz, que l’on a pu voir récemment dans L’Ile rouge, ou Mon crime, rentre dans son personnage chaque jour à la suite d’un long travail de préparation : tous les matins, chaque poil était collé un par un sur son corps , la réalisatrice souligne : « L’idée était de créer une « seconde peau » que l’actrice enfilait tous les jours. Il fallait y croire. J’ai travaillé le corps de Rosalie comme une sculpture à la fois étrange et désirable. » Une préparation qui rappelle celle de John Hurt pour Elephant man, et qui exigeait 5 heures de pose des poils, coiffure, maquillage. Le sujet du film porte beaucoup sur la relation entre Rosalie et son mari, interprété par Benoît Magimel, sur le long travail d’acceptation de la différence. Pour le rendre plus crédible, les 2 acteurs ne se sont pas rencontrés avant le tournage et se sont découverts en même temps que leurs personnages. Le souci d’imprégnation a même poussé la réalisatrice et l’actrice principale à vivre pendant tout le temps du tournage sur les lieux mêmes de l’action, dans les décors.

Bon, finalement, peu de traces des Vosges dans ce film, ah si, quand même, comme un clin d’œil : à la fin une scène qui a été tournée au théâtre du peuple à Bussang, lieu que je vous invite à découvrir si vous ne le connaissez pas.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une séance au poil !

Paternel, de Ronan Tronchot

 

Paternel

Ces derniers mois, le cinéma en écho à notre actualité, nous a donné à voir des films sur le thème de la pédophilie dans l’Eglise catholique comme Grâce à Dieu de François Ozon ou encore Kler du polonais Wojciech Smarzowski. Ce soir, la thématique du film est tout autre, puisque Paternel raconte la réalité quotidienne de Simon, un prêtre d’aujourd’hui. Il nous en dépeint la fonction sociale et humaine.

Ce sujet est rarement traité dans le cinéma français.

A cette réalité quotidienne, va s’ajouter l’histoire singulière du personnage principal, qui est le père spirituel de sa paroisse et qui va se trouver confronté à la découverte de sa paternité de chair.

Religion et paternité sont des thèmes de prédilection chez Ronan Tronchot qui réalise ici son premier long métrage. Diplômé de la section Cinéma de L’ENS Louis Lumière, il collabore depuis une dizaine d’années au montage de longs métrages français.

Ronan Tronchot est d’origine bretonne et a été éduqué dans la religion catholique tout comme Ludovic du Clary, co-scénariste du film.

En préalable à l’écriture scénaristique, les deux amis se sont plongés dans la lecture d’ouvrages et d’articles de presse sur l’évolution de la place du catholicisme en France. Ils ont vécu une semaine au contact de trois prêtres dans un presbytère en Bretagne. Ils ont également eu l’opportunité de rencontrer David Gréa, un ancien prêtre lyonnais, qui a renoncé à son sacerdoce pour pouvoir se marier suite au refus de dérogation de l’Eglise. David Gréa les a aussi conseillés sur le fonctionnement hiérarchique de l’Eglise avec d’autres prêtres consultants.

Ronan Tronchot a choisi de situer l’action à Auxerre, car cette ville de province est ancrée dans une histoire et une culture classique. Les scènes d’intérieur sont tournées à l’église Saint Pierre et les scènes d’extérieur à la cathédrale Saint Etienne. Quelques scènes sont aussi réalisées dans le cloître de l’Abbaye Saint Germain qui est actuellement un musée.

Ronan Tronchot qui a eu l’occasion d’observer la nuance de jeu de Grégory Gadebois sur les plateaux de tournage, lui a proposé d’interpréter Simon.

Autour de lui vont graviter différents personnages qui vont chacun venir questionner et mettre en lumière les contradictions humaines que les règles religieuses engendrent.

Il y a : Amine, prêtre d’origine algérienne incarné par Lyes Salem ; Louise la mère interprétée par Géraldine Nakache, qui symbolise une certaine forme de matérialisme ; Aloé, le fils de Simon qui est interprété par Anton Alluin. Le réalisateur, attaché au texte et à la précision des mots plutôt qu’à l’improvisation l’a choisi parce qu’il a une petite expérience de tournage puisqu’il a déjà joué la comédie dans Le trésor du petit Nicolas.

Doris Orlut