Archives mensuelles : février 2022
Debout les femmes !
Mes frères et moi, de Yohan Mance
Ce soir nous vous présentons un film atypique sur les jeunes de banlieue. Le réalisateur Yohan Manca ne souhaitait pas une approche documentaire. « Je veux montrer , dit-il, ce qu’il y a de beau et de romanesque dans les quartiers populaires. » On n’entendra pas de rap mais des airs d’opéra de Verdi , de Donizetti et la très belle musique composée pour le film par le Libanais Bachar Mar-Khalife.
Après seulement 3 courts-métrages, Yohan Manca, qui est aussi comédien et metteur en scène de théâtre, réalise son 1er long métrage, choisi au festival de Cannes de l’an dernier dans la catégorie « Un certain regard ». Il l’a tourné en 16mm; il n’a pas voulu utiliser le numérique, la pellicule contribuant à restituer un point de vue doux et poétique.
Yohan Manca n’a pas fréquenté d’école de cinéma, il a gardé en tête les mots de : » pour apprendre à faire du cinéma regardez les films » . Suivant ces conseils , il est allé admirer les films de Fellini, de Scola. Ses sources d’inspiration se situent dans les banlieues italiennes des années 60-70. Sa référence à la comédie italienne est évidente. Il a arrêté l’école assez tôt, mais n’a pas oublié le professeur de français qui lui a fait découvrir le théâtre à 14 ans. « Ce professeur a changé ma vie dit-il ». Pour ce 1er film, son souhait est de concentrer toute l’attention du spectateur sur « l’art qui sauve dit-il, sur l’art qui peut pulvériser les frontières ». Il choisit l’opéra, considéré, à tort , comme élitiste mais qui compte de nombreux amateurs dans les milieux populaires surtout si les racines familiales sont italiennes. D’origine espagnole par sa mère, italienne par son père, le réalisateur a vécu dans une famille où la musique avait toute sa place , mais dit-il , les disputes aussi. Il ignore ce qu’est une fratrie unie comme dans son film; il n’a que des demi-frères.
« Mes frères et moi » est une libre adaptation de la pièce de théâtre » Pourquoi mes frères et moi on est parti » de Hédi Tillette de Clermont- Tonnerre. Yohan Manca avait eu l’occasion de monter et de jouer cette pièce. Toutefois le film est très éloigné de la pièce. Il s’apparente à un album de souvenirs qui distille un sentiment de nostalgie. Les images d’un chez-soi immuable bien que lieu de passage, alternent avec les escapades du jeune Nour et de ses frères.
Nour est interprété par Maël Rouin-Berrandou, il a déjà joué dans des téléfilms. Pour ce film, avant le tournage, il a pris des cours avec un professeur de chant lyrique de manière assez intensive. Parmi les frères on remarquera Sofian Khammes, ami d’enfance du réalisateur. Jusque là on lui avait surtout proposé des rôles de délinquants. Enfin dans le casting n’oublions pas la talentueuse Judith Chemla qui représente la main tendue dont on a besoin dans ces quartiers. Pour la petite histoire Judith a été la compagne du réalisateur. Il l’avait connue , lorsque , chanteuse lyrique, elle interprétait « La Traviata » au théâtre des Bouffes du Nord. Puis en 2007 elle est entrée à la Comédie française et depuis elle continue une carrière à la fois au théâtre et à l’opéra.
Ce film est d’une grande sincérité dans son propos, pétri de bons sentiments… touchants, et il envoie un message positif sur le thème des quartiers défavorisés.
Denise Brunet