Archives mensuelles : mars 2022

Nightmare Alley, de Guillermo del Toro

Nightmare alley

Les hasards de la programmation de TEM, d’une semaine à l’autre, nous emmènent parfois dans des univers cinématographiques totalement opposés, ou d’autres fois nous plongent dans des mondes qui se ressemblent, parce que le cinéma capte aussi l’air du temps et que les films qui sortent au même moment parfois se télescopent. Ainsi : aucun lien entre les bergers islandais d’il y a 15 jours et le tortionnaire d’Abou Grahib rencontré chez Paul Schrader. Et pas de rapport non plus entre ce tortionnaire mutique et maniaque et les bonimenteurs de ce soir. Et pourtant, 2 points communs au moins entre le film de ce soir et celui de la semaine dernière : un objet, ?, le détecteur de mensonge ; un acteur, ? , Willem Dafoe.

Après un film empreint d’une certaine naïveté, La forme de l’eau, Guillermo del Toro nous revient avec un hommage au film noir dont tous les critiques saluent la grande élégance visuelle. On y retrouve tous les éléments du genre : les jeux d’ombre et de lumière la manipulation, la trahison, le suspense, la femme fatale, les méandres de la nature humaine… Son précédent film présentait un monstre physique, celui-ci met en scène des monstres moraux.

Le film est l’adaptation d’un roman de 1946, Nightmare Alley (Le charlatan dans la traduction française), déjà adapté en 1947. Il est composé de 2 parties, la première, située dans le monde forain des années 30, peut rappeler le célèbre film de Tod Browning, Freaks. La 2ème, située dans le New York art déco de la haute bourgeoisie, idéal auquel aspire le personnage, évolue plus précisément vers le film noir.

Du côté du casting, le personnage principal, escroc discret mais ambitieux, est campé par Bradley Cooper, qui arbore une moustache à la Eroll Flynn dans la 2ème partie du film. On retrouve Cate Blanchett et Roney Mara, qui avaient joué ensemble dans le film de Tod Haynes, Carol. Mais on croise également Ron Perlman, Willem Dafoe, Toni Collette…

Profitez pleinement de la beauté visuelle de ce film dans lequel on peut contempler chaque plan comme on admire un tableau, tout en s’interrogeant sur la noirceur de l’âme humaine. Des films comme celui-ci, nous rappellent que le cinéma, avec un grand C, mérite bien le qualificatif de 7ème art.

 

The card counter, de Paul Schrader

 

The Card Counter, de Paul Schrader –   24 février 2022 –

Présentation de Marion Magnard

Paul Schrader est né en 1946 aux USA, dans le Michigan. La sévérité extrême de son éducation calviniste marquera profondément sa vie et son œuvre.

Ses parents prohibant la fréquentation des salles de cinéma, ce n’est qu’à 18 ans qu’il ose braver l’interdit. Son premier contact se trouve être un dessin animé et le film suivant lui procure une impression de malaise devant la violence des images qu’il découvre. Malgré ces débuts décevants, Paul décide de devenir critique de cinéma. Ses Maîtres (il n’a pas choisi les plus joyeux ) sont Ozu, Dreyer et surtout le français Robert Bresson. Ce n’est pas par hasard que vous verrez dans le film de ce soir un plan des doigts du joueur de poker rappelant le même plan du « Pickpocket » de Bresson.

Paul Schrader entame ensuite une brillante carrière de scénariste avec les plus grands cinéastes, il est notamment le scénariste de « Taxi Driver » de Martin Scorsese, dont il restera le scénariste favori, et qui dira de lui qu’il était en fait le coréalisateur de Taxi Driver.

A partir de 1978, Paul Schrader se lance dans la réalisation et ses films, comme American gigolo, la Féline, Mishima, …oscillent entre rigorisme moral et fascination pour les interdits.

Dans The Card Counter, vous allez admirer ses délicats mouvements de caméra, ses effets de ralenti, notamment lorsqu’il veut retenir l’attention du spectateur. Et vous allez apprécier l’association de la musique de Robert Levon Beam et de sonorités diffuses, souffles, échos et respirations.

Le joueur de poker, William Tell, lourd de son passé, est interprété magistralement par l’acteur guatémaltèque Oscar Isaac.

Quant au jeune Tye Sheridan, qui joue Cirk, vous l’avez découvert à 12 ans aux côtés de Brad Pitt dans The Tree of Life de Terrence Mallik, et en 2013, vous l’avez revu dans l’excellent Mud de Jeff Nichols, il jouait un des adolescents découvrant une barque dans les branches d’un arbre sur une ile du Mississipi.

Dans The Card Counter, la mauvaise conscience d’un homme fait écho à celle d’un pays traumatisé par ses guerres. Mais vous allez connaitre aussi un moment de poésie lorsque William Tell et La Linda se promènent la main dans la main dans le parc d’attractions inondé d’incroyables couleurs.

Pour la petite histoire, je précise que Tiffany Haddish, qui joue La Linda, vient d’avoir six mois de retrait de permis de conduire pour s’être endormie au volant en pleine ville et avoir insulté le policier qui l’avait réveillée pour la verbaliser.