Archives mensuelles : août 2023

L’Improbable Voyage d’Harold Fry, de Hettie Mac Donald

L’Improbable Voyage d’Harold Fry

Présentation de Doris ORLUT

Ce soir c’est un feelgoodmovie réalisé par Hettie Macdonald que l’association toiles émoi vous propose.

Hettie Macdonald a fait des études d’anglais à l’Université de Bristol avant de suivre une formation de mise en scène au Royal Court Theatre en 1985. A 24 ans, elle est la plus jeune femme metteuse en scène de théâtre de Londres et en 1991, elle devient directrice associée du Wolsey Theatre de Ipswich, ville côtière chef-lieu du comté du Suffolk. Elle y dirige des pièces comme The Slicing Edge, Road, Who’s afraid of Virginia Woolf? Elle est aussi connue pour avoir réalisé diverses séries anglaises comme Docteur Who, Normal People ou Fortitude. Après un premier long métrage en 1996, intitulé Beautiful Thing adapté de la pièce de Jonathan Harvey qui raconte une histoire d’amour entre deux adolescents du même sexe, L’improbable voyage d’Harold Fry est son second long métrage.

Il s’agit de l’adaptation à l’écran du premier roman de l’écrivaine britannique Rachel Joyce paru en 2012 sous le titre The Unlikely Pilgrimage of Harold Fry qui signifie littéralement l’improbable pèlerinage d’Harold Fry, roman qui connut un franc succès en librairie avec pas moins de 160 000 exemplaires vendus en France.

Rachel Joyce, qui a été scénariste à la BBC pour la radio et la télévision pendant une vingtaine d’années, a écrit le scénario de ce film.

La directrice de la photographie est Kate McCullough que nous avons déjà vu cette année dans The Quiet Girl de Colm Bairéad.

La bande originale du film a été confiée à Ilan Eshkeri et c’est Sam Lee, chanteur folk spécialiste en musiques traditionnelles qui interprète les chansons à l’écran.

Pour le rôle titre, la cinéaste a choisi Jim Broadbent qui à la sortie du roman, avait déjà prêté sa voix pour l’enregistrement de l’audiolivre. Jim Broadbent est notamment le professeur de potion magique, Horace Slughorn dans Harry Potter. Sa partenaire à l’écran qui fut également sa partenaire à la ville, est Penelope Wilton   vue dans la série Downton Abbey.

Nous voici donc en route pour un road trip de quatre-vingt-sept jours durant lequel nous allons parcourir 700 km à pied à travers l’Angleterre depuis la côte Sud jusqu’à la frontière écossaise et vivre de l’intérieur le questionnement existentiel du personnage d’Harold Fry à l’aune de sa retraite.

 

Une nuit, d’Alex Lutz

UNE NUIT, de Alex LUTZ – 3 août 2023 –

Présentation de Marion Magnard

Alex Lutz, né à Strasbourg en 1978, est à la fois acteur, humoriste, réalisateur, metteur en scène et romancier.

Sa carrière débute au théâtre, et à 18 ans il créée sa propre compagnie. Il se fait connaitre à la Télévision par des sketches avec Pierre Palmade, puis au Cinéma comme acteur. Et en 2018 Il passe à la réalisation avec son premier long métrage, « Guy », où il interprète à la fois un chanteur célèbre dans les années 70/80 et son fils illégitime qui est adulte quand il découvre son père devenu ringard. Et dans ce double rôle transformiste Lutz remporte un César du meilleur acteur. Et le musicien Vincent Blanchard reçoit le César de la meilleure musique originale.

Le film que vous allez découvrir, est né d’une scène surprise une nuit par Lutz dans le métro parisien, une altercation bruyante entre une femme qui a bousculé un jeune homme en pénétrant dans la rame au dernier moment. Et la scène a été suivie avec amusement par tous les voyageurs.

Lutz s’empare de cette histoire, la tourne et la retourne, envisage plusieurs scénarios, décide d’en faire son prochain film et qu’il faudra le tourner dans un temps très court, pour garder la tension d’une nuit blanche pour les spectateurs comme pour les acteurs.

Il parle aussitôt de son projet à sa meilleure amie, bien que de 12 ans son aînée, sa complice, son alter égo, l’actrice Karin Viard. Ils écriront ensemble le scénario et joueront ensemble le film, qui sera tourné en 14 heures !

Karin Viard, née à Rouen en 1966, élevée par ses grands-parents à la suite du divorce de ses parents, découvre le théâtre dans une troupe de patronage et elle sait immédiatement que ce sera son métier. Après quelques années de galère où elle alterne petits boulots et petits engagements, elle est sélectionnée dans des quantités de castings pour des rôles les plus variés qui lui valent plusieurs Césars. Elle peut aussi bien jouer une rouspéteuse hilarante comme dans « Les Randonneurs », qu’une mère bourgeoise glaçante dans « Les Chatouilles ». Les critiques disent souvent que c’est une Meryl Streep Française et tous ses partenaires louent son empathie et sa vitalité. Après un divorce douloureux et l’envol de ses deux filles, elle sourit en disant : « ma vie est un livre avec des pages blanches que je vais remplir… » Dans le film de ce soir, elle rayonne, forte et frêle.

Pour la musique, Lutz a retrouvé Vincent Blanchard le pianiste de « Guy » qui adapte suivant les séquences les musiques de Tchaïkovski et César Franz alternant accords plaqués et arpèges.

Et maintenant découvrons ensemble ce surprenant film, à la fois intemporel et contemporain.

 

 

Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti

 

VERS UN AVENIR RADIEUX

 

Redouté par les journalistes qu’il ridiculise volontiers, je dois vous avouer qu’il n’a pas été facile de trouver des éléments d’information à partager avec vous sur Nanni Moretti, le réalisateur de ce soir. Mais à force de lectures, de vidéos, de podcasts, pas toujours très éloquents, il semble que derrière cette image de personnage intransigeant, cabochard, râleur se cache un cinéaste attaché à une liberté créative très personnelle et aussi un authentique amoureux du cinéma en salle. A tel point que Nanni Moretti qui fêtera ses 70 printemps le mois prochain a fait l’acquisition, voilà déjà 26 ans, d’un cinéma qu’il a baptisé Le Nuevo Sacher dans le quartier de Trastervere à Rome où il établit lui-même la programmation et produit de jeunes cinéastes qu’il invite pour des projections et des débats. Sacher étant le nom de sa société de production.

Sans avoir jamais fréquenté ni d’école d’acteur, ni d’école de cinéma, Nanni Moretti est très inspiré par le cinéma d’auteur des années 60 avec la nouvelle vague, le free cinéma. Il conçoit le cinéma comme un espace social où il donne à voir au spectateur ses questionnements personnels, ses considérations artistiques et ses réflexions politiques.

A l’inverse de certains cinéastes, il ne souhaite pas de musique de fond pour ses films et utilise la musique non pas pour souligner l’effet d’une scène, mais plutôt pour contraster une situation psychologique.

Autres caractéristiques du réalisateur, il n’anticipe pas les plans et décide comment il veut tourner la scène au moment où il arrive sur le plateau, lorsqu’il prend la dimension du lieu et des acteurs. Il fait la plupart du temps peu de plans, mais tourne beaucoup de prises.

Dans ce 16ème long-métrage, Nanni Moretti collabore avec ses acteurs fétiches Margherita Buy et Silvio Orlando et les directeurs techniques qu’il connaît bien avec à l’image, Michele D’Attanasio 
au son , Alessandro Zanon
 et à la musique, Franco Piersanti.

Il a choisi de coécrire le scénario avec 3 autres scénaristes Francesca Marciano, Federica Pontremoli et Valia Santella.

Sur l’affiche du film, vous pouvez remarquer que Nanni Moretti a troqué sa mythique Vespa pour une trottinette électrique à côté de laquelle sont indiqués après la durée du film et le pays d’origine, le format image et le format son.

Outre le rôle de producteur et de réalisateur, Nanni Moretti, comme à son habitude, endosse le rôle d’acteur principal mêlant autodérision et narcissisme assumé. Il interprète Giovanni, un cinéaste en proie à une énergie créative débordante, qui entraîne le spectateur dans le flux de ses pensées et de ses émotions avec plusieurs histoires qui se superposent. En même temps qu’il tourne un film sur l’accueil d’un cirque hongrois par la cellule locale du parti communiste italien en banlieue de Rome en 1956, au moment précis de l’invasion soviétique en Hongrie, il imagine deux autres films : l’histoire d’amour d’un couple à l’épreuve du temps et l’adaptation à l’écran d’une nouvelle intitulée Le nageur sur l’American Way of Life.

Vers un avenir radieux est pour Nanni Moretti l’occasion d’aborder les thématiques qui lui sont chères, telles que la survie du cinéma d’auteur, lui qui désespère de voir autant de réalisateurs et de professionnels se soumettre au système du streaming.

Il donne aussi à voir le contraste entre l’engagement que met le réalisateur Giovanni pour raconter l’histoire du communisme et l’indifférence des jeunes spectateurs d’aujourd’hui pour un tel sujet. Il faut se rappeler que si le parti communiste a cessé d’exister en Italie depuis 1991 emportant avec lui toute une identité politique, en 1956, il était la plus puissante formation communiste d’Europe occidentale, caractérisée par un enracinement populaire et par un rayonnement intellectuel et culturel majeurs .

Place maintenant à la découverte de ce film, bonne séance !

Doris Orlut