The insider, de Steven Soderbergh

 

Ce soir Toiles Émoi vous présente Insider un film d’espionnage de Steven Soderbergh. Depuis le long métrage Sexe, Mensonges et Vidéo, qui l’a révélé au public en 1989 et pour lequel il a reçu la palme d’or, Soderbergh n’a cessé de produire des films aux sujets éclectiques sur les plateformes, à la télévision ou au cinéma. Je citerai Ocean’s eleven avec le trio George Clooney Brad Pitt, Matt Damon, Erin Brockovich, seule contre tous avec Julia Roberts, Contagion ou Magic Mike sur le thème du striptease masculin.

L’importance de son œuvre lui vaut d’être inscrit au National Film Registery du Congrès américain.Depuis qu’il a déclaré, il y a presque 10 ans qu’il prenait sa retraite Insider est son dixième film et déjà sa seconde  réalisation de l’année.

Comme souvent dans ses œuvres, il cumule à sa fonction de réalisateur celle de directeur de la photo et de monteur car il est un véritable passionné de montage, sa formation première. Il lui arrive parfois même de signer photo et montage sous le pseudonyme de ses parents.

Étonnamment The insider est bien le titre choisi pour la diffusion du film en France et signifie l’initié. Son titre original, Black Bag fait référence aux opérations clandestines menées par des espions pour voler des secrets ou des documents sensibles.

Steven Soderbergh a imaginé ce film d’espionnage avec le concours du scénariste David Koepp auteur des scénarios de Jurassic Park, L’impasse ou encore Spider Man.

Pour le décor il a fait appel à Philip Messina avec lequel il collabore pour la douzième fois.

L’équipe est allée visiter le véritable QG du NCSC, le National Cyber Security Center à Londres pour recréer l’atmosphère des bureaux, reprenant la même couleur de mur et certains accessoires. Les acteurs ont pu échanger à propos du quotidien des agents du renseignement.

Le tournage s’est déroulé pour l’essentiel à Londres. L’équipe du chef décorateur Philipp Messina a utilisé des décors réels d’immeubles du centre de Londres pour créer les bureaux des espions.

Les scènes de la maison du couple sont tournées aux studios de Pinewood, connus pour accueillir le plateau et la société de production du célèbre agent 007. La construction du décor a pris huit semaines et a nécessité l’intervention d’une centaine d’artisans et l’installation d’environ 183 éclairages différents entre les rubans LED, les appliques et les suspensions qui ont servi à Soderbergh pour créer un éclairage tamisé aux teintes orangées qui confère au film une ambiance intrigante et sensuelle.

Steven Soderbergh revisite les codes du film d’espionnage : ici pas d’effets spéciaux, pas de gadgets ou de combats virils à mains nues ni même de jeunes femmes au physique avenant, l’approche est purement psychologique. Les personnages ont recours exclusivement à des technologies existantes comme l’utilisation du sérum de vérité ou le détournement de satellite.

Il s’ingénie à créer un climat de paranoïa, à l’aide de la caméra placée à la surface de l’eau pour épier 2 hommes sur une barque ou surélevée dans l’angle d’une pièce comme des images de vidéo surveillance. Il a choisi de faire découper le centre de la table de la salle à manger, lieu des scènes principales pour créer un espace où sa caméra démultiplie les angles de vue possibles et capte le jeu des regards entre les personnages.

L’intrigue, entre quartiers chics et bureaux high-tech, se noue autour d’une belle brochette d’acteurs espions mêlant trahisons supposées, soupçons, méfiance et double-jeu.

Le personnage principal de George Woodhouse froid et clinique, est incarné par Michael Fassbender. Tel Angleton, le légendaire espion de la CIA, George est passionné de pêche, un passe-temps qui reflète sa patience et sa capacité d’observation.

Sa femme Kathryn, interprétée par Cate Blanchett, incarne une brune à la longue chevelure envoûtante. Une réplique dite par une espionne lors de la visite du QG au National Cyber Security Center est reprise dans le film : « Quand on est capable de mentir sur tout et n’importe quoi, comment peut-on encore dire la vérité sur quoi que ce soit ? »

Vous remarquerez deux acteurs de la franchise 007, Naomie Harris dans le rôle de la psychologue et Pierce Brosnan en chef du renseignement dans un costume trois pièces en Prince-de-Galles. Frances Hounsom, le chef maquilleur lui a confectionné pour l’occasion une prothèse de nez afin de lui donner une allure singulière.

Maintenant, êtes-vous prêt à plonger dans l’univers du renseignement pour démasquer la taupe qui a vendu aux Russes le logiciel Severus capable de déclencher un attentat nucléaire ?

 

Fario, de Lucie Prost

 

Fario, de Lucie Prost

 

Lors de la précédente soirée sur le thème de l’eau, vous avez pu voir un documentaire intitulé La rivière, consacré aux rivières des Pyrénées. Ce soir nous vous proposons un film de fiction qui frôle même le fantastique, mais qui a aussi pour thème central une rivière que vous connaissez surement tous : il s’agit de la Loue.

En effet, on a beaucoup dit ces derniers temps que le Jura était une terre de tournage, après Vingt dieux, Le roman de Jim, Un ours dans le Jura…celui-ci est tourné dans le Jura et le Doubs par une réalisatrice jurassienne, Lucie Prost. Il s’agit de son 1er long métrage , initialement intitulé Les truites, et il s’inspire des souvenirs des vacances chez sa grand-mère dans la vallée de la Loue. Donc comme le film de la semaine dernière, c’est un 1er film dans lequel un réalisateur revient sur les lieux de son enfance.

Elle a tourné le film sur pellicule, un choix esthétique et technique : elle aime cette sensation de danger liée au fait qu’on ne peut pas multiplier les prises et qu’il faut être bon à l’instant T. Une scène a toutefois été tournée en numérique pour des raisons d’effets spéciaux, mais dans l’ensemble elle a essayé, comme le fait Apitchapong Weerasethakul, qui l’inspire, de donner à ses effets spéciaux un rendu très artisanal. Soyez attentifs aux sons, qui contribuent beaucoup à l’atmosphère étrange du film.

Pour terminer, de la rivière à la cascade, il n’y a qu’un pas. Eh bien l’acteur principal, Finneghan Oldfield, est peut-être le futur Tom Cruise français : il a en effet tenu à effectuer lui-même toutes les cascades du film, y compris dans une eau à 10 degrés au moment du tournage.

 

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Fête du court métrage

 

Mon gâteau préféré, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha

Ce soir Toiles émoi vous propose Mon gâteau préféré, le second long métrage réalisé par .

Depuis la révolution de 1979, l’exercice du 7ème art en République Islamique d’Iran est remarquable. Comme nous le raconte la journaliste, Mahshid Bozorgnia lorsqu’un cinéaste a un projet de film, il doit d’abord faire approuver son scénario afin d’avoir une autorisation de réalisation. Puis l’œuvre terminée, un nouveau permis de projection est nécessaire afin de pouvoir être distribué dans les salles de cinéma. Ensuite, il peut encore y avoir des pressions par des fanatiques du régime qui, lors des premières séances, arrêtent le film car ils n’aiment pas le message et le font interdire.

Parmi les sujets particulièrement scrutés, on retrouve toutes les entorses au code de conduite et au code vestimentaire islamique : un homme et une femme qui se tiennent la main dans l’espace public, un voile mal positionné, la consommation d’alcool, autant d’exemples de franchissement de la ligne rouge, au-delà de laquelle les cinéastes risquent des années de suspension ou d’interdiction d’exercer. `

Leur premier long métrage, Le pardon qui avait pour thème l’erreur judiciaire et la peine de mort, mettait en scène un homme qui ne croyait plus au régime des mollahs. Il leur a valu 2 ans de poursuites judiciaires et l’interdiction du film.

Lorsqu’à nouveau libres, ils ont pu voyager, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha ont renoué des contacts avec des sociétés de production européennes et ont décidé de réaliser une comédie romantique sur la rencontre d’une femme âgée qui ne veut plus vivre seule et d’un homme qui ne veut pas mourir seul. Ainsi Mon gâteau préféré traite d’un thème universel, la solitude de l’âge dans un contexte particulier, celui de la société iranienne qui est empêchée de vivre dans son quotidien et où les femmes ont une double vie : une vie à l’extérieur et une vie intime.

La préproduction de Mon gâteau préféré est contemporaine au mouvement « Femme, vie, liberté ». Le tournage s’est déroulé autant que possible en secret même si la police a débarqué chez le monteur d’images pour confisquer les rushes dont une copie avait par chance déjà été envoyée en France.

Au décès de Mahsa Amini, un groupe de cinéastes et de professionnels du cinéma en exil a décidé de fonder l’Association des Cinéastes Iraniens Indépendants pour soutenir les réalisateurs indépendants et donner une meilleure représentation du pays dans les festivals internationaux.

Tourné principalement en intérieur et en plans fixes Mon gâteau préféré s’articule autour de 2 scènes de repas. Il commence par un gag et se termine par un événement tragique. Je vous laisse le découvrir en compagnie de Lily Farhadpour et d’Esmail Mehrabi.

Doris Orlut

Je suis toujours là, Walter Salles, 19 février 2025

 

JE SUIS TOUJOURS LA, de Walter SALLES – 19 février 2025 – Prs. Marion Magnard

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Walter SAJJES est né au Brésil à Rio de Janeiro en 1956. So père est banquier Sa famille habite une belle maison au bord de la plage de LE BLOND, à côté d’IPANEMA. Walter et son frère partagent jeux et baignades avec les 4 filles et le fils des voisins, Rubens PAIVA, ingénieur et député travailliste, et sa femme Eunice.

Après le coup d’Etat du Maréchal Blanco en 1964, commencent, avec le soutien de la CIA (l’opération « Brother Sam ») « les années de plomb » de la dictature militaire qui ne prendra réellement fin qu’en 1985. La famille SALLES part s’installer aux USA, puis en France.

Revenu au Brésil, Walter fait des études d’économie, puis de Cinéma. En 1998, son film, CENTRAL DO BRESIL, ours d’Or à Berlin, lui amène la consécration. Je me souviens vous avoir présenté ce film : une vieille dame désargentée, dans une gare, gagne quelques sous en rédigeant sans empathie les lettres de ceux qui ne savent pas écrire et quitte tout pour aider un petit garçon à retrouver ses parents. A la fois producteur et réalisateur, il réalise et produit plusieurs autres films dont « Carnets de Voyage », sur un épisode de la vie de Che GUEVARA que vous avez vu aussi. Puis il arrête toute activité de producteur et de réalisateur.

12 ans après, il découvre « je suis toujours là » le livre de Marcelo PAIVA, le camarade de son enfance, qui relate l’histoire de la famille de Rubens PAIVA, et sa vie (surtout celle de sa mère) après la disparition du père. Walter est bouleversé et, avec l’accord de Marcelo, décide d’adapter le livre sous le même titre.

Ce film, qui rend hommage à la Résistance brésilienne contre la dictature militaire et veut lutter contre l’oubli, avec en B.O. une floraison musicale de l’époque, a été accueilli avec un vibrant enthousiasme par une population en quête de reconnaissance. Rien qu’en salles, plus de 3 millions 500 000 brésiliens sont venus le voir et la chanson d’Erasmo Carlos, (« Ami, nous trouverons bien un moyen ») qui accompagne le générique pendant que défilent les véritables photos de la famille PAÏVA au temps du bonheur, est sur toutes les lèvres.

Aussi la critique plutôt tiède du journal Le Monde, qui reproche au film de trop tirer sur la corde sentimentale et une mise en scène trop classique, a-t-elle été très mal reçue par les cinéphiles brésiliens qui militent unanimement pour que « Je suis toujours là » reçoive l’Oscar du meilleur film étranger.

Et le 2 mars, vous remarquerez que grâce aux sélections attentives de votre CINEFESTIVAL et de votre association TOILES-EMOI vous aurez déjà vu la plupart des films qui seront oscarisés. …

La chambre d’à côté, Pedro Almodovar

 

La chambre d’à côté, Almodovar

Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Pedro Almodovar, mais juste vous rappeler qu’il a fêté ses 75 ans à l’automne dernier et que, depuis 1980, le film de ce soir est son 23ème long métrage.

On peut également dire de lui que c’est un cinéaste fidèle : il a souvent tourné avec les mêmes acteurs, chefs opérateurs, il a fait 20 films avec le même monteur, et celui-ci est le 13ème d’affilée dans lequel il collabore avec Alberto Iglesias pour la musique.

Pourtant le film que vous allez voir aujourd’hui marque une rupture dans son œuvre à plusieurs titres :

  • c’est le 1er film qu’il tourne en anglais
  • c’est la 1ère fois qu’il tourne avec Julianne Moore, John Turturo, la 2ème fois avec Tilda Swinton (moyen métrage = la voix humaine)
  • c’est la 1ère fois qu’il travaille avec le chef opérateur Eduard Grau, qui a tenu à conserver le style d’Almodovar, notamment à travers l’utilisation de couleurs très vives et de décors très graphiques. Certains critiques ont pu reprocher au film d’être situé dans un milieu social très privilégié, mais c’est aussi une façon de magnifier le sujet du film.

Venons-en justement au sujet : vous le savez sans doute, il s’agit d’une fin de vie, sous la forme d’un suicide assisté. Le scénario est tiré d’un roman paru en 2020, écrit par Sigrid Nunez, une autrice New yorkaise. Lors de la présentation du film à la Mostra de Venise, Almodovar est apparu aux côtés de Swinton comme un partisan de l’euthanasie. « C’est un film qui défend l’euthanasie », a déclaré le réalisateur lors de la conférence de presse qui a suivi la première projection. « Il s’agit de la liberté personnelle de l’homme, de son droit à ne pas laisser la maladie décider quand la fin est proche, mais à garder lui-même les rênes ». Mais pour Tilda Swinton, c’est avant tout un film sur les vieilles amitiés, « comment elles nous soutiennent et pourquoi nous en avons besoin à ce stade de notre vie »

 

Au final, on retrouvera dans ce film les couleurs d’Almodovar, son amour des actrices, son sens du mélodrame. Avec ce film, le réalisateur a enfin remporté la plus haute distinction d’un grand festival : le lion d’or à la mostra de Venise, alors : le meilleur film d’Almodovar ? A vous de voir !

Leurs enfants après eux, Ludovic et Zoran Boukherma

Leurs enfants après eux, de Ludovic et Zoran Boukherma

C’est toujours une expérience étrange de lire un livre après avoir vu son adaptation et de voir un film après avoir lu le livre dont il est tiré. C’est pourtant une expérience banale puisque 20% des films de cinéma sont des adaptations de romans.

Nicolas Mathieu, est un auteur vosgien que j’ai découvert dès son premier roman, Aux animaux, la guerre, qui a ensuite été adapté par Alain Tasma sous la forme d’une série TV très réussie.

Leurs enfants après eux est son 2ème ouvrage, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt en 2018. L’auteur n’a pas participé à l’adaptation, il considère en effet que ce n’est pas son travail. Mais il a apprécié le fait que les réalisateurs aient le projet d’injecter du romanesque dans son œuvre, en s’inspirant de réalisateurs comme Scorsese ou Paul Thomas Anderson.

Cette adaptation est le 4ème long métrage des jumeaux Boukerma, Zoran et Ludovic, après L’Année du requin que vous avez pu voir ici en 2022. Initialement, l’adaptation devait être réalisée par Gilles Lelouche, qui a finalement préféré se concentrer sur L’Amour ouf, on peut d’ailleurs noter un certain nombre de points communs entre les 2 films: la durée, l’aspect social, un amour contrarié, les ellipses temporelles, sans parler de Gilles Lellouche, lequel n’est donc pas à la réalisation mais dans un second rôle.

L’action du roman se situe donc autour de 4 étés dans une ville nommée Heillange, et qui évoque Hayange, petite ville industrielle de Moselle, dans la vallée de la Fensch, mais alors que le roman fait des incursions dans d’autres territoires, et d’autres saisons, les réalisateurs ont décidé de ne garder que ce qui se déroule dans cette ville, et seulement au cours de ces 4 étés. De même, là où Nicolas Mathieu fait beaucoup de commentaires sociologiques (c’est sa marque de fabrique) les réalisateurs ont choisi de montrer en quelques images la fin de ce monde industriel au lieu de la décrire longuement. Les personnages ont été modifiés aussi : l’adolescent incarné par Paul Kircher, que l’on a vu dans Le règne animal, est plus lunaire que celui du roman ; de même, le père raciste imaginé par Nicolas Mathieu est devenu un alcoolique qui se fait surtout du mal à lui-même.

Au final, Lellouche qui campe ce père affirme qu’il est content d’avoir laissé la place à des gens de cette génération pour adapter ce livre, reste à voir ce que vous en penserez de votre côté ! Et rendez-vous pour le prochain livre de Nicolas Mathieu qui sera adapté au cinéma, il s’agit de Connemara, avec Alex Lutz à la réalisation.

Danièle Mauffrey