Rosalie, de Stéphanie di Giusto

Le personnage dont le film est inspiré fait partie des célébrités vosgiennes. Il s’agit de Clémentine Delait, née à Thaon les Vosges en 1865, atteinte d’hirsutisme qu’elle cache en se rasant dès son adolescence, mariée à 20 ans à Paul Delait avec qui elle gère un café. Après avoir rencontré une femme à barbe dans un cirque, elle parie 500 francs avec un client que la sienne sera bien plus fournie. Pari remporté haut la main! Sa nouvelle barbe attire les clients en masse. Le café est rebaptisé «Le Café de la femme à barbe».

Clémentine Delait n’a pas été la 1ère femme à barbe, mais une des 1ères à prendre son destin en mains, une des 1ères à contrôler son image au lieu de se laisser exploiter dans un de ces freak show qui étaient nombreux au début du XXème siècle : elle vendait des photos dédicacées d’elle dans toutes sortes de mises en scène : faisant du vélo, promenant son chien, dans une cage avec des lions, elle fut même exceptionnellement autorisée à porter le pantalon pour ces photos, et on peut voir son portrait sur sa tombe à Thaon. Pas étonnant que, depuis quelques années, Clémentine Delait soit devenue une icône féministe, comme en atteste la BD de Pénélope Bagieu, Culottées, qui lui accorde la 1ère place dans sa galerie de femmes extraordinaires.

Le film n’est pas un authentique biopic de Clémentine Delait, il est seulement inspiré de sa vie et de celles d’autres femmes atteintes d’hirsutisme. Son nom a été changé et le film a été tourné en Bretagne. Il s’agit du 2ème long métrage de Stéphanie Di Giusto, après La danseuse, en 2016, lui-même inspiré de la vie de Loïe Fuller et de sa rencontre avec Isadora Duncan.

Stéphanie di Giusto a tenu à ce que l’actrice principale, Nadia Tereskiewicz, que l’on a pu voir récemment dans L’Ile rouge, ou Mon crime, rentre dans son personnage chaque jour à la suite d’un long travail de préparation : tous les matins, chaque poil était collé un par un sur son corps , la réalisatrice souligne : « L’idée était de créer une « seconde peau » que l’actrice enfilait tous les jours. Il fallait y croire. J’ai travaillé le corps de Rosalie comme une sculpture à la fois étrange et désirable. » Une préparation qui rappelle celle de John Hurt pour Elephant man, et qui exigeait 5 heures de pose des poils, coiffure, maquillage. Le sujet du film porte beaucoup sur la relation entre Rosalie et son mari, interprété par Benoît Magimel, sur le long travail d’acceptation de la différence. Pour le rendre plus crédible, les 2 acteurs ne se sont pas rencontrés avant le tournage et se sont découverts en même temps que leurs personnages. Le souci d’imprégnation a même poussé la réalisatrice et l’actrice principale à vivre pendant tout le temps du tournage sur les lieux mêmes de l’action, dans les décors.

Bon, finalement, peu de traces des Vosges dans ce film, ah si, quand même, comme un clin d’œil : à la fin une scène qui a été tournée au théâtre du peuple à Bussang, lieu que je vous invite à découvrir si vous ne le connaissez pas.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une séance au poil !