Vers un avenir radieux, de Nanni Moretti

 

VERS UN AVENIR RADIEUX

 

Redouté par les journalistes qu’il ridiculise volontiers, je dois vous avouer qu’il n’a pas été facile de trouver des éléments d’information à partager avec vous sur Nanni Moretti, le réalisateur de ce soir. Mais à force de lectures, de vidéos, de podcasts, pas toujours très éloquents, il semble que derrière cette image de personnage intransigeant, cabochard, râleur se cache un cinéaste attaché à une liberté créative très personnelle et aussi un authentique amoureux du cinéma en salle. A tel point que Nanni Moretti qui fêtera ses 70 printemps le mois prochain a fait l’acquisition, voilà déjà 26 ans, d’un cinéma qu’il a baptisé Le Nuevo Sacher dans le quartier de Trastervere à Rome où il établit lui-même la programmation et produit de jeunes cinéastes qu’il invite pour des projections et des débats. Sacher étant le nom de sa société de production.

Sans avoir jamais fréquenté ni d’école d’acteur, ni d’école de cinéma, Nanni Moretti est très inspiré par le cinéma d’auteur des années 60 avec la nouvelle vague, le free cinéma. Il conçoit le cinéma comme un espace social où il donne à voir au spectateur ses questionnements personnels, ses considérations artistiques et ses réflexions politiques.

A l’inverse de certains cinéastes, il ne souhaite pas de musique de fond pour ses films et utilise la musique non pas pour souligner l’effet d’une scène, mais plutôt pour contraster une situation psychologique.

Autres caractéristiques du réalisateur, il n’anticipe pas les plans et décide comment il veut tourner la scène au moment où il arrive sur le plateau, lorsqu’il prend la dimension du lieu et des acteurs. Il fait la plupart du temps peu de plans, mais tourne beaucoup de prises.

Dans ce 16ème long-métrage, Nanni Moretti collabore avec ses acteurs fétiches Margherita Buy et Silvio Orlando et les directeurs techniques qu’il connaît bien avec à l’image, Michele D’Attanasio 
au son , Alessandro Zanon
 et à la musique, Franco Piersanti.

Il a choisi de coécrire le scénario avec 3 autres scénaristes Francesca Marciano, Federica Pontremoli et Valia Santella.

Sur l’affiche du film, vous pouvez remarquer que Nanni Moretti a troqué sa mythique Vespa pour une trottinette électrique à côté de laquelle sont indiqués après la durée du film et le pays d’origine, le format image et le format son.

Outre le rôle de producteur et de réalisateur, Nanni Moretti, comme à son habitude, endosse le rôle d’acteur principal mêlant autodérision et narcissisme assumé. Il interprète Giovanni, un cinéaste en proie à une énergie créative débordante, qui entraîne le spectateur dans le flux de ses pensées et de ses émotions avec plusieurs histoires qui se superposent. En même temps qu’il tourne un film sur l’accueil d’un cirque hongrois par la cellule locale du parti communiste italien en banlieue de Rome en 1956, au moment précis de l’invasion soviétique en Hongrie, il imagine deux autres films : l’histoire d’amour d’un couple à l’épreuve du temps et l’adaptation à l’écran d’une nouvelle intitulée Le nageur sur l’American Way of Life.

Vers un avenir radieux est pour Nanni Moretti l’occasion d’aborder les thématiques qui lui sont chères, telles que la survie du cinéma d’auteur, lui qui désespère de voir autant de réalisateurs et de professionnels se soumettre au système du streaming.

Il donne aussi à voir le contraste entre l’engagement que met le réalisateur Giovanni pour raconter l’histoire du communisme et l’indifférence des jeunes spectateurs d’aujourd’hui pour un tel sujet. Il faut se rappeler que si le parti communiste a cessé d’exister en Italie depuis 1991 emportant avec lui toute une identité politique, en 1956, il était la plus puissante formation communiste d’Europe occidentale, caractérisée par un enracinement populaire et par un rayonnement intellectuel et culturel majeurs .

Place maintenant à la découverte de ce film, bonne séance !

Doris Orlut