C’e ancora domani, de Paola Cortellesi

La soirée italienne, c’est chaque année une soirée au cours de laquelle on se plonge dans la langue, la culture et la société italienne. Or le film de ce soir est particulièrement bien adapté à cette immersion, car rarement un film aura autant fait se rencontrer l’art cinématographique et un fait de société, au point de devenir en Italie un phénomène de société: projection au Sénat, projections dans les établissements scolaires… Si le film a eu moins d’impact en France, c’est sans doute parce qu’il plonge profondément dans la culture italienne, et de manière très habile.

Un 1er film inattendu et un succès inattendu:

C’est le 1er film de Paola Cortellesi, et on ne l’attendait pas du tout sur ce genre de film. En effet, elle est connue des Italiens a une expérience en tant qu’actrice (mini série Petra), animatrice TV, chanteuse : rattachée au monde du divertissement de la TV italienne et non au cinéma d’auteur. 1ère surprise= ce type de film de sa part

2ème surprise= film sur les violence faites aux femmes par une femme (dans un cinéma italien où il y a peu de femmes : peu de femmes réalisatrices, ou techniciennes alors même que le cinéma italien porte un regard intéressant sur la condition féminine et le regard des hommes sur les femmes)

+ film qui percute une tradition encore très ancrée dans la société italienne: la tradition selon laquelle les femmes s’occupent des enfants, tabou du patriarcat en Italie

+ film qui a percuté un fait divers au moment de la sortie= féminicide en Italie qui fait l’actualité : d’abord amants disparus puis on comprend que l’homme a fui, puis images de video surveillance où l’on voit le meurtre, l’acharnement, le transport du corps… = batt agemédiatique

Inscription dans l’histoire du cinéma italien:

Liens avec le néo réalisme italien (De Sicca, Rossellini, Visconti) : volonté de filmer les Italiens de la rue, intérêt pour la situation sociale. Le Noir et Blanc se réfère à ce courant (et aussi à la dimension biographique => violences = souvenirs de sa grand-mère) ainsi que la présence du dialecte romain, l’importance accordée aux pers 2ndaires.

+ comédie à l’italienne (1958/1972): les français font de l’humour en se moquant par la caricature ; la comédie à l’italienne parle de sujets graves avec du comique = jeu d’équilibre délicat entre dramatique et comique. On rit mais ensuite on a honte d’avoir ri, violence transformée en danse…

Un habile exercice:

Autrice/actrice: jeu qui rappelle celui de Charlot = travail sur les mimiques

Mais surtout : un film très habile, qui dénonce sans heurter et peut ainsi trouver son public. Elle a fait un film aujourd’hui pour dénoncer qq chose que tout le monde voyait et qu’on ne voulait pas voir : une des raisons du succès = pas moralisateur, ne dénonce pas frontalement = + efficace, les hommes peuvent se retrouver aussi bien dans le titre que dans les rôles masculins                  Habileté perceptible dès le tire, équivoque (espoir ou pas?)

AMAL, UN ESPRIT LIBRE – de Jawal RHALIB

Présentation: Marion Magnard

Préparant la présentation de « AMAL, un esprit libre », j’ai découvert trois fortes personnalités :

La première, c’est celle d’ABOU NUWAS, né au 8éme siècle en Perse (l’actuel Iran) d’un père arabe et d’une mère persane. Ses contemporains rapportent qu’il séduit les hommes comme les femmes par ses poèmes, sa grâce et sa beauté  « avec ses magnifiques cheveux bouclés ». Il est reçu à la cour du grand Calife Haroun Al Rachid, qui avait alors noué des relations diplomatiques avec notre grand Charlemagne qui préparait sa loi sur l’Ecole … Abou est éloigné de la Cour assez vite à cause de sa conduite irrespectueuse envers le pouvoir, et ses mauvaises fréquentations. Il est un peu le précurseur de notre François Villon au Moyen âge. Il recherche tous les plaisirs et chante dans ses poèmes érotiques ou bachiques ou les deux à la fois « la vie, le vent, le vin ». Et il précise « j’ai quitté les filles pour les garçons et pour le vin vieux, j’ai laissé l’eau », et « L’homme est un continent, la femme, c’est la mer, moi, j’aime mieux la terre ferme ». Mais la puissance, le charme et la liberté de ses poèmes font qu’il est considéré jusque à nos jours comme un des plus talentueux poètes arabes.

La deuxième personnalité que j’ai découverte, c’est JAWAL RHALIB, journaliste et réalisateur, né au Maroc en 1965 et vivant maintenant en Belgique. D’emblée il oriente son travail sur les droits de l’homme et les questions liées à la mondialisation, le réalisme social et les religions. En Belgique toutes les religions sont enseignées à l’école sans contrôle de l’État sur les enseignants qui sont choisis par les autorités religieuses. Le journaliste dresse un constat dans une démarche respectueuse de l’Islam mais résolument contre l’islamisme radical. Et très inquiété par l’évolution de l’école le cinéaste a commencé l’écriture d’AMAL un esprit libre dès 2018, avant les drames que nous avons connus dans nos collèges.

La troisième est une actrice LUBNA AZABAL, comédienne née à Bruxelles en 1973. Son père est marocain et sa mère espagnole, et sa double culture lui ouvrira les portes des cinémas arabes et européens, où elle débute avec Olivier Gourmet. Dans son enfance, l’école était pour elle « un ballon d’oxygène » et elle constate que ce n’est plus le cas pour les enfants du 21ème siècle. Elle porte littéralement le rôle d’Amal et tous les dialogues ont été co-écrits par elle et Jawal, après en avoir discuté avec les élèves réels du collège.

Et vous allez découvrir maintenant comment vont s’enchevêtrer ces trois personnalités, dans « Amal, un esprit libre », un film-choc..

 

Rosalie, de Stéphanie di Giusto

Le personnage dont le film est inspiré fait partie des célébrités vosgiennes. Il s’agit de Clémentine Delait, née à Thaon les Vosges en 1865, atteinte d’hirsutisme qu’elle cache en se rasant dès son adolescence, mariée à 20 ans à Paul Delait avec qui elle gère un café. Après avoir rencontré une femme à barbe dans un cirque, elle parie 500 francs avec un client que la sienne sera bien plus fournie. Pari remporté haut la main! Sa nouvelle barbe attire les clients en masse. Le café est rebaptisé «Le Café de la femme à barbe».

Clémentine Delait n’a pas été la 1ère femme à barbe, mais une des 1ères à prendre son destin en mains, une des 1ères à contrôler son image au lieu de se laisser exploiter dans un de ces freak show qui étaient nombreux au début du XXème siècle : elle vendait des photos dédicacées d’elle dans toutes sortes de mises en scène : faisant du vélo, promenant son chien, dans une cage avec des lions, elle fut même exceptionnellement autorisée à porter le pantalon pour ces photos, et on peut voir son portrait sur sa tombe à Thaon. Pas étonnant que, depuis quelques années, Clémentine Delait soit devenue une icône féministe, comme en atteste la BD de Pénélope Bagieu, Culottées, qui lui accorde la 1ère place dans sa galerie de femmes extraordinaires.

Le film n’est pas un authentique biopic de Clémentine Delait, il est seulement inspiré de sa vie et de celles d’autres femmes atteintes d’hirsutisme. Son nom a été changé et le film a été tourné en Bretagne. Il s’agit du 2ème long métrage de Stéphanie Di Giusto, après La danseuse, en 2016, lui-même inspiré de la vie de Loïe Fuller et de sa rencontre avec Isadora Duncan.

Stéphanie di Giusto a tenu à ce que l’actrice principale, Nadia Tereskiewicz, que l’on a pu voir récemment dans L’Ile rouge, ou Mon crime, rentre dans son personnage chaque jour à la suite d’un long travail de préparation : tous les matins, chaque poil était collé un par un sur son corps , la réalisatrice souligne : « L’idée était de créer une « seconde peau » que l’actrice enfilait tous les jours. Il fallait y croire. J’ai travaillé le corps de Rosalie comme une sculpture à la fois étrange et désirable. » Une préparation qui rappelle celle de John Hurt pour Elephant man, et qui exigeait 5 heures de pose des poils, coiffure, maquillage. Le sujet du film porte beaucoup sur la relation entre Rosalie et son mari, interprété par Benoît Magimel, sur le long travail d’acceptation de la différence. Pour le rendre plus crédible, les 2 acteurs ne se sont pas rencontrés avant le tournage et se sont découverts en même temps que leurs personnages. Le souci d’imprégnation a même poussé la réalisatrice et l’actrice principale à vivre pendant tout le temps du tournage sur les lieux mêmes de l’action, dans les décors.

Bon, finalement, peu de traces des Vosges dans ce film, ah si, quand même, comme un clin d’œil : à la fin une scène qui a été tournée au théâtre du peuple à Bussang, lieu que je vous invite à découvrir si vous ne le connaissez pas.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une séance au poil !

Paternel, de Ronan Tronchot

 

Paternel

Ces derniers mois, le cinéma en écho à notre actualité, nous a donné à voir des films sur le thème de la pédophilie dans l’Eglise catholique comme Grâce à Dieu de François Ozon ou encore Kler du polonais Wojciech Smarzowski. Ce soir, la thématique du film est tout autre, puisque Paternel raconte la réalité quotidienne de Simon, un prêtre d’aujourd’hui. Il nous en dépeint la fonction sociale et humaine.

Ce sujet est rarement traité dans le cinéma français.

A cette réalité quotidienne, va s’ajouter l’histoire singulière du personnage principal, qui est le père spirituel de sa paroisse et qui va se trouver confronté à la découverte de sa paternité de chair.

Religion et paternité sont des thèmes de prédilection chez Ronan Tronchot qui réalise ici son premier long métrage. Diplômé de la section Cinéma de L’ENS Louis Lumière, il collabore depuis une dizaine d’années au montage de longs métrages français.

Ronan Tronchot est d’origine bretonne et a été éduqué dans la religion catholique tout comme Ludovic du Clary, co-scénariste du film.

En préalable à l’écriture scénaristique, les deux amis se sont plongés dans la lecture d’ouvrages et d’articles de presse sur l’évolution de la place du catholicisme en France. Ils ont vécu une semaine au contact de trois prêtres dans un presbytère en Bretagne. Ils ont également eu l’opportunité de rencontrer David Gréa, un ancien prêtre lyonnais, qui a renoncé à son sacerdoce pour pouvoir se marier suite au refus de dérogation de l’Eglise. David Gréa les a aussi conseillés sur le fonctionnement hiérarchique de l’Eglise avec d’autres prêtres consultants.

Ronan Tronchot a choisi de situer l’action à Auxerre, car cette ville de province est ancrée dans une histoire et une culture classique. Les scènes d’intérieur sont tournées à l’église Saint Pierre et les scènes d’extérieur à la cathédrale Saint Etienne. Quelques scènes sont aussi réalisées dans le cloître de l’Abbaye Saint Germain qui est actuellement un musée.

Ronan Tronchot qui a eu l’occasion d’observer la nuance de jeu de Grégory Gadebois sur les plateaux de tournage, lui a proposé d’interpréter Simon.

Autour de lui vont graviter différents personnages qui vont chacun venir questionner et mettre en lumière les contradictions humaines que les règles religieuses engendrent.

Il y a : Amine, prêtre d’origine algérienne incarné par Lyes Salem ; Louise la mère interprétée par Géraldine Nakache, qui symbolise une certaine forme de matérialisme ; Aloé, le fils de Simon qui est interprété par Anton Alluin. Le réalisateur, attaché au texte et à la précision des mots plutôt qu’à l’improvisation l’a choisi parce qu’il a une petite expérience de tournage puisqu’il a déjà joué la comédie dans Le trésor du petit Nicolas.

Doris Orlut

Scandaleusement vôtre, de Thea Sharrock

SCANDALEUSEMENT VOTRE

 

Pour écrire le scénario de cette production franco britannique, le comédien Jonny Sweet s’est inspiré d’un fait divers qui a secoué l’Angleterre conservatrice et puritaine des années 20. En témoignent encore les articles des journaux nationaux de l’époque comme le Daily Miror, dont les photos ont servi de base documentaire pour les costumes du film.

Jonny Sweet a choisi de conserver le véritable nom de la ville et des protagonistes. Il s’est également servi des lettres archivées dans le dossier de police pour en extraire une grande part des répliques du film.

Dans les rôles principaux, on retrouve Olivia Colman, vue récemment dans Empire of light et Jessie Buckley. Les deux actrices se connaissent depuis 2021 puisqu’elles ont tourné dans The Lost Daughter, adaptation Netflix du roman d’Elena Ferrante par Maggie Gyllenhaal, où elles interprètent cette fille perdue chacune à différentes étapes de sa vie. Elles n’avaient donc jamais encore joué ensemble.

Dans Wicked Little Letters, littéralement les méchantes petites lettres, entendez Scandaleusement vôtre, la relation entre les deux femmes est au cœur du film.

Le troisième personnage principal, incarné par Anjana Vasan, est l’officier de police Gladys Moss. Elle est chargée de surveiller les familles Gooding et Swan. C’est la toute première femme nommée officier de police dans le comté du Sussex en 1919 et, comme vous le verrez, elle est par conséquent l’unique femme du poste de police de la ville.

Avec une légèreté apparente, la réalisatrice Théa Sharrock aborde des sujets plus profonds comme la place des femmes au sein de la société anglaise, la question de l’Irlande, mais aussi la souffrance liée aux pertes humaines de la grande guerre ou l’anonymat des réseaux sociaux.

Suivant le personnage présent à l’écran, la caméra filme en plan plus ou moins serré et reste plus ou moins statique pour incarner tantôt le naturel de Jessie Buckley tantôt la vie étriquée d’Olivia Colman.

Les costumes de Charlotte Walter et les décors de Cristina Casali, inspirés des livres, des albums photos, des cartes postales de l’époque, accompagnés par la composition pour cordes et piano de la compositrice Isobel Waller-Bridgenous nous plongent véritablement dans l’ambiance de l’Angleterre des années 20.

Alors chers spectateurs, vous qui savez que les apparences sont trompeuses, saurez-vous démêler ce soir le vrai du faux  et découvrir qui se cache derrière le mystérieux corbeau au langage fleuri et à la belle calligraphie !

Doris Orlut

 

Moulin rouge, de Baz Luhrmann

Moulin Rouge, de Baz Luhrmann – 11 avril 2024 –

Le 14 mai 2001, le Festival de Cannes projetait pour son ouverture « Moulin Rouge ! »

Il se trouve que ce jour-là, j’étais à Cannes et précisément au bas des fameuses marches au tapis rouge, au moment même où une somptueuse voiture vint déposer la magnifique Nicole Kidman, vedette du film. Elle est bien sûr immédiatement entourée par un raz de marée de spectateurs mais au même instant un concert de klaxons émanant d’une 2 chevaux Citroën décapotée d’où émerge un jeune homme souriant, déplace la vague qui se rue avec le même enthousiasme vers la 2 chevaux en criant Aziz, Aziz !

Je n’ai pas oublié le regard stupéfait de Nicole Kidman, heureusement immédiatement entourée par les Officiels.

En ce mois de mai 2001 Aziz était une des vedettes du premier feuilleton de Téléréalité et ce moment reste pour moi la 1ère image de la concurrence Cinéma-Télévision !

On ne pouvait mieux choisir pour illustrer cette soirée CABARET que «  Moulin Rouge ! » œuvre du réalisateur Baz Luhrmann spécialiste des comédies romantiques et musicales.

Baz Luhrmann est né en Australie en 1962, dans un milieu rural. Mais ses parents, tous les deux fervents adeptes de la danse de salon, gèrent aussi dans leur village un petit Théâtre-Cinéma.

Sous cette influence, Baz part tout naturellement étudier à l’Institut National d’Art Dramatique de Sydney, où il fera la connaissance d’une étudiante Catherine Martin, qui deviendra sa femme et travaillera avec lui. Baz forme une troupe avec d’autres étudiants et monte une pièce « Strictly Ball Room », grand succès, dont il fait en 1992 un film « Ball Room Dancing », qui a encore plus de succès. Et ce sera Leonardo Di Caprio qui sera l’acteur principal en 1996 de son film suivant, une adaptation de «  Roméo et Juliette » !

Je ne vous citerai pas tous ses films, ni ses brillantes et célèbres publicités, souvent avec sa compatriote Nicole Kidman, vous avez sans doute admiré « Gatsby le magnifique » et son biopic « Elvis ».  Et ce soir vous allez voir ou revoir « Moulin Rouge ! », qui lui a valu Oscar et Golden Globe…Et je tiens à le souligner, les mêmes distinctions pour sa femme Catherine Martin, pour les costumes et les décors de Moulin Rouge…

La salle des profs, lker Çatak

 

La salle des profs, lker Çatak

 

L’institution scolaire a toujours intéressé les cinéastes, et c’est particulièrement frappant actuellement, elle est en effet au cœur de nombreux films depuis quelques mois. Ne serait–ce qu’en France, on peut citer Un métier sérieux de Thomas Lilti, et Pas de vague, de Teddy Lussi-Modeste, que vus avez peut-être découvert en coup de cœur surprise. Il en va de même en Allemagne, où l’école, comme ici, est un reflet de la société et un lieu où les tensions sociales se manifestent souvent de façon épidermique.

Ilker Catak est né à berlin Ouest en 1984, dans une famille d’immigrés turcs. A 12 ans sa famille déménage à Istanbul où il passe son baccalauréat. Il retourne ensuite en Allemagne pour travailler sur différentes productions cinématographiques : il réalise des publicités, des courts-métrages plus personnels tout en poursuivant des études de cinéma et de télévision. Son 1er long métrage sort en 2017 depuis il enchaîne longs métrages et épisodes de séries.

Le projet est né au cours d’une discussion du réalisateur avec son co-scénariste et ami d’enfance. Tous 2 discutaient de vols dont avaient été victimes certains de leurs proches. Lorsque son ami a évoqué un vol subi par sa sœur , professeur de mathématiques, dans l’école où elle enseigne, ils ont tous 2 évoqués des souvenirs d’enfance de camarades qui volaient dans les affaires des autres mais qu’aucun élève n’avait souhaité dénoncer, jusqu’à ce qu’une fouille ait lieu dans la classe. Pour enrichir cette idée de départ, le réalisateur s’est rendu dans son ancien collège, à Berlin afin de faire des recherches auprès de spécialistes des questions d’éducation. Il a d’ailleurs été accueilli à bras ouverts par son ancien principal ; toutefois le film a été tourné à Hambourg.

Pour le film, le réalisateur a rassemblé des jeunes de 11 à 14 ans, afin de reconstituer une classe équivalente à notre classe de 5ème, classe qui a la particularité de mêler des élèves très différents, certains encore très enfantins et d’autres déjà adolescents. Par la suite, il a tenté de créer une cohésion entre eux, et sur le tournage, tous les matins il passait un long moment à discuter avec eux de toutes sortes de sujets.

Pour le personnage principal, le parti pris du réalisateur est de ne rien montrer d’elle en dehors de sa vie à l’école. Selon lui, le caractère d’une personne finit toujours par se révéler au moment de prendre des décisions difficiles, quand elle est sous stress ou qu’elle doit gérer des problèmes. Le film est donc un huis-clos. Léonie Benech, l’actrice qui interprète ce personnage, a joué dans le Ruban blanc de Mickael haneke mais est surtout connue pour ses rôles dans les séries Babylon Berlin et The crown.

Le film a reçu de nombreux prix en Allemagne et a été nominé pour l’oscar du meilleur film étranger (remporté par Glazer)

 

La vie de ma mère, de Julien Carpentier

LA VIE DE MA MERE

 

Dès l’enfance, Julien Carpentier répétait à qui voulait bien l’entendre qu’il  deviendrait scénariste et réalisateur. Très jeune, il suit les films d’Agnès Jaoui et Jean-Pierre Bacri même si ceux-ci s’adressent plutôt aux adultes.

Jaoui c’est aussi le nom de jeune fille de sa mère qui souffre de bipolarité. Agnès Jaoui et elle sont d’ailleurs, toutes les deux, originaires du même quartier de Tunis.

Au départ, son idée était de tourner un court métrage qui raconterait l’histoire d’un homme jeune, qui reçoit un appel de sa grand-mère lui disant que sa mère est là et qu’il doit quitter son travail sur le champ. Il propose ce scénario à Agnès Jaoui à la sortie d’une représentation théâtrale.

15 jours s’écoulent, et voilà qu’elle lui répond avec enthousiasme : elle adore l’histoire, les personnages mais … elle n’est pas disponible pour tourner avec lui.

C’est ainsi que débute leur relation. Julien Carpentier va s’accrocher à son idée de film, pour finalement aboutir à la réalisation de son premier long métrage après plusieurs années de persévérance.

Il va s’inspirer de son vécu familial pour donner à voir les conséquences de cette maladie chronique sur les relations humaines et tenter de libérer la parole autour de la santé mentale.

Il traite le sujet non pas du point de vue du couple, comme Joaquim Lafosse dans Les Intranquilles, mais du point de vue du parent en montrant comment la relation avec son parent peut parfois être toxique .

Julien Carpentier distille dans le scénario des souvenirs authentiques pour illustrer le manque de sommeil, l’alcool, l’hypersexualité, l’énergie débordante les vêtements voyants, etc.

Il choisit des mots, des moments et des chansons qui évoquent des souvenirs parfois difficiles qu’il traite avec humour et tendresse.

Au fil du temps le fils va progressivement mettre des mots sur son vécu pour parvenir à une certaine résilience.

Julien Carpentier adore les chansons de variété qui symbolisent le plaisir de réunir toutes les générations comme la scène où les acteurs interprètent la chanson de Julien Clerc Fais-moi une place.

La musique est de Dom La Neva, violoncelliste d’origine brésilienne qui vit en France. Le film s’achève d’ailleurs sur une chanson qu’elle a spécialement composée.

 

Agnès Jaoui joue Judith, une mère séduisante et séductrice. Elle ne semble pas préoccupée par l’impact que peut avoir son comportement sur son fils. William Lebghil joue Pierre, un fils tiraillé par des émotions contradictoires qui oscillent de la colère au désarroi.

Au début, le personnage taiseux qu’il incarne se réfugie dans le travail, se rassure en voulant tout maîtriser. Puis progressivement il va réussir à lâcher prise et à faire à nouveau confiance à sa mère.

C’est un fleuriste talentueux secondé par Ibou, un collaborateur zêlé interprété par Salif Cissé. Pierre a aussi une amoureuse Lisa jouée par Alison Wheeler qu’il va vouloir préserver de la toxicité maternelle.

Dans La Vie de ma mère, Julien Carpentier réunit une grande dame du cinéma français et un acteur qui monte.

Bonne séance !

Doris Orlut