L’événement, d’Audrey Diwan

 Trois femmes créent l’Evénement:  Annie Ernaux , l’écrivaine, Audrey Diwan la réalisatrice , Anamaria  Vartolomei l’actrice.

Annie Ernaux , 81ans , nous l’avons récemment entendu parler de sa ville : Cergy, dans le documentaire  » J ai aimé vivre là ».

En 2000 elle écrit un roman, récit autobiographique, qu’elle intitule l’Evénement ». Avec son style très abrupt, très cru, très précis , elle met des mots sur son avortement clandestin en 1964.

Audrey Diwan , 41ans , réalisatrice, adapte  ce récit et recrée avec les outils du cinéma, les attitudes , les émotions que l’ écrivaine analyse. C’est son 2ème long métrage après « Mais vous êtes fous  » sorti en  2018 dans lequel elle interroge le tabou de la drogue. Coup de maître , avec l’ Evénement elle remporte le  lion d’or à Venise, c’est le 2ème lion d’or reçu par une réalisatrice française après Agnès Varda pour « Sans toit ni loi ».

Anamaria Vartolomei, jeune actrice de 22ans, incarne Anne, étudiante en lettres dans les années 60.Bouleversante  de vérité, elle a été  inspirée par le style d’Annie Ernaux. Avec un engagement , une rigueur absolus, elle affronte la douloureuse réalité. Sa seule arme : sa détermination 

       Le film , dit la réalisatrice, » est l’ occasion de revenir sur cette période particulière de notre histoire et de la mémoire des femmes  » .Dans les années 60 l’interruption volontaire de grossesse est interdite. Nous sommes 12 ans avant la loi Veil, 4 ans avant la légalisation de la pilule. En avortant  les femmes risquaient la mort ou la prison. Le désir sexuel des femmes est proscrit et honteux.

Audrey Diwan a dû mettre en image l’émotion et le combat d’une  femme  en quête d’émancipation , de liberté, dans un monde régi par des règles  écrasant les femmes . Ce que vit l’héroïne  est une souffrance taboue. Le mot avortement n’est jamais prononcé dans le film. La solitude d’Anne sidère.

 C’est  la raison pour laquelle  le cadre à l’image  a voulu être très resserré sur elle , de façon à transmettre immédiatement aux spectateurs ses mouvements, ses réactions. La caméra à l’épaule s’est  imposée, elle ne lâche jamais Anne pour  mieux scruter son visage, son regard, son souffle: le souffle est un élément  sonore très important. Par le simple traitement de la mise en scène Anne  apparaît comme une petite soeur de Rosetta des frères Dardenne.

La réalisatrice et son chef-opérateur se répétaient  » il s’agit d’ être Anne , non de la regarder, c’est un soldat , on lui donne des coups , elle se relève, elle regarde toujours devant « . Son refus  de capituler , c’est aussi le récit d’une émancipation . Le film parle également de  l’envie de s’élever socialement, de désir intellectuel , de désir physique, en cela il reflète bien une époque .

          On a reproché à Audrey Diwan  certaines  scènes très dérangeantes, elle répond qu’elles font prendre conscience de ce qui a été infligé au corps des femmes. Après la projection Annie Ernaux  a adressé à Audrey Diwan   » vous avez réalisé un film juste  » 

                                              Denise Brunet