Les Miens, de Roschdy ZEM

Avez-vous une idée du nombre de films dans lesquels a joué Roschdy Zem le réalisateur du film de ce soir ? Eh bien avec plus de soixante-dix films, il est impossible de citer tous les cinéastes dont il a enrichi le casting et la liste des récompenses récoltées est longue.

Sachant qu’il a véritablement commencé sa carrière au cinéma vers 28 ans et qu’aujourd’hui il en a 57, cela peut donner le vertige.

Roschdy Zem est surtout connu pour ses rôles de flics ou de délinquants sombres et mutiques. Pour autant il interprète une large palette de rôles tant dans le cinéma social que les comédies populaires ou encore les drames psychologiques.

Depuis 2006, cet artiste hyperactif est aussi passé derrière la caméra et Les Miens est son sixième long métrage.

Jeune, il ne pense pas particulièrement à faire carrière dans le cinéma. Il vit à Drancy en banlieue parisienne avec ses parents et ses cinq frères et sœur. Il interrompt ses études en classe de première et devient vendeur au marché aux Puces de la Porte de Clignancourt. Le marché est ouvert en fin de semaine, le reste du temps il est libre. A 20 ans, il découvre le théâtre et monte sur les planches pour un petit rôle dans L’indien cherche le Bronx. Le déclic opère et, parallèlement à son métier de vendeur, il commence à passer des auditions.

En 1987, il débute au cinéma en décrochant une apparition dans le film de Josiane Balasko, Les Keufs. Quatre ans plus tard, André Téchiné le fait jouer dans J’embrasse pas et le réengage pour Ma saison préférée (1993). Sa carrière est définitivement lancée après deux interprétations remarquées : un toxicomane dans N’oublie pas que tu vas mourir de Xavier Beauvois et un veilleur de nuit dans le premier film de Laetitia Masson En avoir ou pas.

Son acteur de référence à l’époque est Patrick Dewaere dont il dit « Je me rappelle sa voix (…), comment il jouait, on avait l’impression qu’il ne jouait pas. »

L’histoire du film de ce soir est inspirée du traumatisme crânien dont a été victime son jeune frère Mustapha au décours duquel il a perdu la mémoire et toute capacité d’inhibition. D’une personne affable douce et généreuse, son frère est devenu agressif, violent et sans aucun filtre social. Vous pouvez imaginer le bouleversement familial que cela a engendré. Alors est ce un handicap ou une liberté ? Je vous laisse réfléchir.

Le scénario a été écrit alors que son frère est convalescent, au moment où l’impact de l’accident était encore très fort. Connaissant la rapidité d’écriture de Maïwenn Le Besco et surtout sa capacité à aller à l’essentiel pour éclairer la vérité, Roschdy Zem l’a sollicitée pour l’écriture. Pendant quatre semaines ils ont collaboré en construisant des fiches parcours pour les personnages qu’ils ont alors données aux acteurs comme base d’interprétation, chaque acteur connaissant la fiche de l’autre. Cela a permis aux acteurs de s’imprégner du rôle et d’improviser librement. Roschdy Zem a également majoré l’impression de vie qui émane du scénario en utilisant pour la mise en scène deux caméras en même temps ce qui fait qu’il n’y a jamais de hors champ. Les caméras sont placées souvent sur l’épaule du caméraman, qui filme en plan séquence. La création de cette illusion de vérité va permettre de faire naître l’émotion et chacun pourra s’identifier dans la vision de cet archétype familial où ça swingue, ça râle, ça pleure, ça rit, ça s’écharpe et ça se réconcilie (ou pas), comme dans (presque) toutes les familles nombreuses mises en tension et déséquilibrées par un drame imprévu.

Beaucoup de scènes sont le verbatim de scènes vécues. Et au delà du traumatisme causé par l’accident de son frère, Roschdy Zem va montrer à l’écran sa propre famille qu’il joue d’ailleurs avec sa famille de cinéma. Comme beaucoup de gens célèbres et très occupés, il a sans doute sacrifié les siens à son métier et il fait au travers de ce film son mea culpa mais aussi il offre un formidable cadeau de cinéma à ses proches. On retrouve à l’écran, Nina sa propre fille, qui joue le rôle de sa nièce et son fils Chad qui fait une apparition au repas final.

En parallèle au film son frère Mustapha a publié un premier roman en octobre Les pas Perdus où il revient sur l’épopée intime de son traumatisme et plus largement sur son parcours de vie après avoir totalement récupéré.

Bon film !

Doris Orlut