Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Anatomie d’une chute, Justine Triet

Pour faire suite à notre AG, nous avons décidé de nous offrir et de vous proposer le film qui a remporté la palme d’or à Cannes cette année, 3ème Palme d’or décernée à une femme en 30 ans, après Jane Campion en 1993, Julia Ducourneau en 2021, elle a donc été attribuée à Justine Triet cette année (si vous êtes réalisatrice et que votre prénom commence par un J, vous avez vos chances !).

Pour cette brève présentation, je vous propose une rapide réflexion sur le titre du film, un titre très lourd de sens, contrairement à celui des 2 précédents films de J Triet, Sibyl et Victoria qui évoquait seulement les 2 personnages principaux.

D’abord, le titre renvoie explicitement à un film d’Otto Preminger, traduit en français Autopsie d’un meurtre, mais en anglais « Anatomy of a murder » (1959). Il s’agit d’un des plus grands films de procès de l’histoire du cinéma. Dans « Victoria » (2016), Justine Triet avait déjà filmé une avocate. Mais ici elle met en scène une cour au travail. Dans tout récit de procès, l’action progresse à travers le dialogue, porté par les comédiens qui incarnent les différents participants d’un procès. Hors la réalisatrice a choisi de montrer très peu de flash back, pour laisser la parole envahir tout l’espace du film. Et en particulier dans la seconde moitié du film, qui se resserre sur un duel entre l’accusée et l’avocat général, homme à sang froid et au crâne rasé joué par Antoine Reinartz. Or le combat est inégal car Sandra est fragilisée par sa maîtrise insuffisante de la langue française et le film offre une belle réflexion sur la langue, le pouvoir de ceux qui savent s’en servir, la vulnérabilité des autres. Dans le rôle de Sandra, l’actrice Sandra Hüller, pour laquelle le rôle a été spécialement écrit, est bouleversante, accusée non pas pour ce qu’elle a fait mais pour ce qu’elle est.

Le terme d’  « anatomie » renvoie au vocabulaire de la médecine, mais il s’agit plutôt d’une anatomie verbale, qui met au jour et dissèque non seulement un crime mais aussi un couple. Une dissection qui étale de façon presque obscène la vie d’une femme et d’une mère, ses romans, ses habitudes, ses moeurs… Et l’on comprend que la « chute » du titre n’est pas seulement celle d’un homme, mais celle d’une relation amoureuse, et vous verrez que le motif de la chute est omniprésent dans le film, dès le 1er plan .