Nos âmes d’enfants, de Mike Mills

 

Nos âmes d’enfants, Mike Mills

Mike Mills est un réalisateur, scénariste et graphiste américain, né en 1966 à Berkeley (Californie).

Il a réalisé de nombreux clips, entre autres pour Moby, Yoko Ono et le groupe Air.

Il a aussi réalisé plusieurs longs métrages et celui-ci vient clore une trilogie consacrée à l’éducation. En effet, en 2006, dans le film Beginners, il a rendu hommage à son père, qui avait déclaré son homosexualité à 75 ans, quelques années avant sa mort. 6ans plus tard, en 2011, il s’est inspiré de sa propre adolescence pour réaliser 20th Century Women, un long-métrage largement autobiographique où la figure maternelle, et plus généralement féminine, devient le symbole de toute une époque. Après le père, puis la mère, c’est la figure de l’enfant qui est au premier plan du film de ce soir.

Si vous avez vu la bande-annonce, vous avez pu voir que le film est tourné dans un noir et blanc très lumineux, un noir et blanc qui n’est pas du tout un retour vers le passé ; mais qui peut peut-être se justifier par la volonté de donner un certain côté documentaire à cette fiction, en lien avec le métier du personnage principal, qui est journaliste. Ce NB donne aussi un côté plus uniforme aux décors, alors que le film est tourné dans 4 villes différentes, comme pour mieux se concentrer sur la relation entre les 2 personnages.

Ce film est donc à la fois un road movie, mais aussi un récit initiatique structuré par l’apparition à l’écran de titres de livres qui constituent les chapitres de l’histoire et donnent un côté littéraire au récit.

Le titre original c’mon, c’mon (= come on, come on), semble annoncer une certaine insouciance, ce qui est assez trompeur car le film n’est pas dénué d’une certaine noirceur liée à l’incompréhension entre l’enfant et le monde des adultes.

Le film alterne des séquences répétées mais aussi des improvisations souvent initiées par l’enfant. Et manifestement, dans ce film sur l’éducation, celui qui apprend, c’est l’adulte, incarné par Joaquin Phoenix.

Joaquin Phoenix est finalement un acteur assez rare : les films dans lesquels il a joués récemment ne sont pas si nombreux (seulement une 12aine dans les années 2010). Son dernier rôle ? : Joker en 2019, et prochainement, il jouera Napoléon dans un film de Ridley Scott. Entre les 2 nous allons donc le découvrir ce soir dans un rôle plus intimiste. Je vous souhaite une bonne soirée en sa compagnie.

 

 

La pièce rapportée, d’Antonin Peretjatko

LA PIECE RAPPORTEE – 13 janvier 2022 – Présentation   Marion Magnard

Antonin PERETJATKO est né à Grenoble en 1974. Sa famille s’installe ensuite à Brest où Antonin fait toute sa scolarité. Déjà passionné de cinéma, il fera partie dès son plus jeune âge de l’atelier vidéo de son patronage brestois. Après son bac, il décide d’aller à Paris préparer un DEUG Physique-chimie qui lui permettra d’intégrer à Saint Denis l’Ecole Louis LUMIERE, créée en 1926 par Louis Lumière pour enseigner les techniques du cinéma. Quand Antonin en sort diplômé, il ne connait personne dans ce monde qui pourrait le pistonner. Il nous raconte : « j’ai vu une porte entr’ouverte, je l’ai poussé du pied et je suis entré ». Il débute au pied de l’échelle, comme « assistant caméra », tourne des courts métrages, puis réussit à obtenir des Commissions spécialisées dans l’accompagnement des projets de leurs anciens élèves de l’Ecole un financement de 400 000 euros pour le tournage de son premier film, « la fille du 14 juillet », un film percutant, fou, décalé, drôle et triste, tout ce qui sera sa marque de fabrique.

Il tourne ensuite « La loi de la jungle », un pastiche tendre de la filmographie de Jean Luc Godard, puis l’inénarrable « Panique au Sénat » où un arbre marche dans le jardin du Luxembourg. Puis il tombe par hasard sur une revue « Bonne Soirée » de 1980 où il lit une nouvelle de Noëlle RENAUDE « il faut un métier ». Il y voit immédiatement toute la mécanique implacable d’un vaudeville. Il va moderniser l’histoire, y ajouter quelques personnages, quelques situations, plus une contrebasse,  celle-ci en clin d’œil à une nouvelle de Tchékov qu’il aime particulièrement. Et ce sera « la Pièce rapportée », un puzzle de flashbacks emboîtés, avec la voix off d’un narrateur omniscient « qui apporte quelque chose que ni l’image ni le montage ne peuvent véhiculer », strate supplémentaire qui s’inscrit comiquement en faux sur ce que l’on voit.

Le réalisateur nous explique : « pour l’ordre des scènes, il y a deux méthodes : la construction à la Fritz Lang, chaque plan en appelle un autre, à la façon des dominos, ou celle de John Ford, où les séquences sont autonomes ». Et il nous rapporte que dans un tournage où Ford avait une semaine de retard, il déchire dans le story-board la page d’une séquence et déclare : maintenant on est à l’heure, on peut continuer.

Et il a choisi de mélanger les deux techniques avec des séquences autonomes, mais imbriquées, parfois en avance, parfois en retard sur l’information, avec des accélérations imprévues « pour dynamiser l’histoire ».

Les décors sont très travaillés. Antonin nous précise que sa décoratrice, née dans les quartiers huppés de Paris, a su parfaitement restituer l’ameublement des belles demeures des 7ème et 16ème arrondissements parisiens. Quant aux costumes, ce n’est pas par hasard qu’Ava passe d’une robe légère à un tailleur dont la jupe est si étroite qu’elle peut à peine bouger les jambes…

Et Peretjatko se fait une joie de se livrer à une critique politique : violences sociales et économiques, rapports de pouvoirs, absence totale de scrupules, avec bien sûr des références à l’actualité.

Côté Casting, Josiane Balasko réussit à combiner grande outrance et grande retenue, Anaïs Demoustier est aussi à l’aise derrière son guichet que dans la grande demeure, et la perruque de Philippe Katherine campe son personnage…

Et pourquoi la tour Eiffel ? Le réalisateur vous répond : « vous ne trouvez pas que ce tas de ferrailles surréalistes illustre parfaitement l’ascenseur social ? Vous êtes déjà monté en haut avec les escaliers ? C’est long, très long… »

 

Festival Télérama

ATTENTION ! PAS DE FILM « TOILES EMOI » LES SEMAINES DU 22 ET 29 DECEMBRE 2021Politique de confidentialité

 

  1. Merciiiii. Je viens juste de constater que les messages sont sur le volet de droite sur la page d’accueil!

  2. La liste des musiques du film est disponible sur ce site: https://www.cinezik.org/critiques/affcritique.php?titre=cest-ca-lamour Pour le générique de fin, je pense que…

  3. C’est ça l’amour a été très émouvant. Les trois personnages principaux sont très justes et émouvants. Vraiment une surprise pour…

  4. Belle surprise ce soir avec « c’est ça l’amour ». Vraiment très émue. Un film à revoir , de beaux personnages et…

L’événement, d’Audrey Diwan

 Trois femmes créent l’Evénement:  Annie Ernaux , l’écrivaine, Audrey Diwan la réalisatrice , Anamaria  Vartolomei l’actrice.

Annie Ernaux , 81ans , nous l’avons récemment entendu parler de sa ville : Cergy, dans le documentaire  » J ai aimé vivre là ».

En 2000 elle écrit un roman, récit autobiographique, qu’elle intitule l’Evénement ». Avec son style très abrupt, très cru, très précis , elle met des mots sur son avortement clandestin en 1964.

Audrey Diwan , 41ans , réalisatrice, adapte  ce récit et recrée avec les outils du cinéma, les attitudes , les émotions que l’ écrivaine analyse. C’est son 2ème long métrage après « Mais vous êtes fous  » sorti en  2018 dans lequel elle interroge le tabou de la drogue. Coup de maître , avec l’ Evénement elle remporte le  lion d’or à Venise, c’est le 2ème lion d’or reçu par une réalisatrice française après Agnès Varda pour « Sans toit ni loi ».

Anamaria Vartolomei, jeune actrice de 22ans, incarne Anne, étudiante en lettres dans les années 60.Bouleversante  de vérité, elle a été  inspirée par le style d’Annie Ernaux. Avec un engagement , une rigueur absolus, elle affronte la douloureuse réalité. Sa seule arme : sa détermination 

       Le film , dit la réalisatrice, » est l’ occasion de revenir sur cette période particulière de notre histoire et de la mémoire des femmes  » .Dans les années 60 l’interruption volontaire de grossesse est interdite. Nous sommes 12 ans avant la loi Veil, 4 ans avant la légalisation de la pilule. En avortant  les femmes risquaient la mort ou la prison. Le désir sexuel des femmes est proscrit et honteux.

Audrey Diwan a dû mettre en image l’émotion et le combat d’une  femme  en quête d’émancipation , de liberté, dans un monde régi par des règles  écrasant les femmes . Ce que vit l’héroïne  est une souffrance taboue. Le mot avortement n’est jamais prononcé dans le film. La solitude d’Anne sidère.

 C’est  la raison pour laquelle  le cadre à l’image  a voulu être très resserré sur elle , de façon à transmettre immédiatement aux spectateurs ses mouvements, ses réactions. La caméra à l’épaule s’est  imposée, elle ne lâche jamais Anne pour  mieux scruter son visage, son regard, son souffle: le souffle est un élément  sonore très important. Par le simple traitement de la mise en scène Anne  apparaît comme une petite soeur de Rosetta des frères Dardenne.

La réalisatrice et son chef-opérateur se répétaient  » il s’agit d’ être Anne , non de la regarder, c’est un soldat , on lui donne des coups , elle se relève, elle regarde toujours devant « . Son refus  de capituler , c’est aussi le récit d’une émancipation . Le film parle également de  l’envie de s’élever socialement, de désir intellectuel , de désir physique, en cela il reflète bien une époque .

          On a reproché à Audrey Diwan  certaines  scènes très dérangeantes, elle répond qu’elles font prendre conscience de ce qui a été infligé au corps des femmes. Après la projection Annie Ernaux  a adressé à Audrey Diwan   » vous avez réalisé un film juste  » 

                                              Denise Brunet

La Fracture, de Catherine Corsini

Présentation de la fracture de Catherine Corsini

Ce film est son 11ème long métrage. Sur trente ans de carrière, elle a embrassé plusieurs genres : Poker en 1987 est son premier long métrage. Elle a proposé une comédie acide avec La nouvelle Eve en 1999, un drame fugueur avec Partir en 2009, une chronique féministe d’un amour entre deux femmes qui se passe dans les années 70 : la belle saison en 2015. Un amour impossible en 2018 est une adaptation très réussie du livre de Christine Angot. La réalisatrice a toujours filmé des héroïnes admirables d’insolence et de combativité. Des rôles qui magnifient des actrices comme entre autres : Karine Viard, Emmanuelle Béart, Kristin Scott Thomas et dans la fracture Marina Foïs et Valérie Bruni Tedeschi. C’est peut-être parce que dans sa jeunesse, Catherine Corsini se destinait à jouer avant de comprendre qu’elle préférait faire le récit du monde qui l’entoure, de ses freins de ses injustices et de ses libertés gagnées.

Sur les motivations du film La fracture, Catherine Corsini évoque le fait qu’elle voulait traduire la réalité d’aujourd’hui après deux films d’époque, retranscrire ce monde angoissé, perclus de conflits. Le 1er décembre 2018, Catherine Corsini se retrouve aux urgences de l’hopital Larivoisière alors que Paris était en état de tension avec les manifestations des gilets jaunes, c’est le point de départ de son inspiration.

La fracture ou peut être plutôt les fractures : Le film embrasse toutes les déclinaisons de ce mot :

  • Celle au sein du couple formé par Raf et Julie
  • Celle physique qui frappe Raf et qui la conduit à l’hôpital
  • Celle qui règne au sein de la société française et qui en novembre 2018 vient de donner naissance au mouvement des gilets jaunes
  • Celle qui existe entre le manque de moyen octroyé à l’hôpital public français par les gouvernements successifs et l’extraordinaire dévouement dont font preuve malgré tout, les personnels soignants pour s’occuper des malades.

Le service des Urgences d’un hôpital est le lieu par excellence qui permet de croiser la destinée de gens venant de milieux sociaux très différents. On parle de film choral avec plusieurs intrigues qui s’entremêlent. La cinéaste confronte dans le huis clos d’un hôpital surchargé, un couple petit bourgeois au bord de la rupture à un gilet jaune blessé lors d’une manif.

 Les thèmes abordés : l’état policier, la révolte populaire, la fin du déni de la lutte des classes, la destruction de l’hôpital public, l’ébranlement du patriarcat, la vie, la mort et le désespoir amoureux. C’est dense.

Si le sujet est grave, le film est drôle, embarquant Valérie Bruni Tedeschi, Marina Foïs et Pio Marmai ainsi qu’une actrice non professionnelle qui crève l’écran, en jouant son propre rôle d’aide-soignante : Assiatou Diallo Sagna.

Au niveau du tournage, Catherine Corsini explique qu’elle voulait,avec sa directrice de la photographie, Jeanne Lapoirie, relever un défi physique, être en mouvement constamment. Elle tourne pour la première fois caméra à l’épaule. « Je voulais que la tension vécue à l’hôpital explose à l’écran ». La caméra capte la confusion, le manque et le trop plein.

Le film, et c’est sa cohérence, ressemble aux espaces qu’il décrit : une salle d’attente pleine à craquer qui continue de se remplir et de l’autre côté de la porte, un service saturé qui déborde.

Sylvie PACALET