Archives mensuelles : juin 2025

Les musiciens, de Grégory Magne

LES MUSICIENS – Grégory MAGNE- 9 juin 2025 –

Presentation Marion Magnard

Grégory MAGNE né en 1976, journaliste d’origine bourguignonne, ne semblait pas prédestiné à devenir un hardi navigateur. Mais en 2007 il décide de se lancer dans la course transatlantique Voiliers 6m50, de la Rochelle au Brésil. Il film son aventure et en fait un véritable documentaire sous le titre « 24 heures par jour de mer », très bien accueilli. Et, sous l’influence peut être de ses amis acteurs ou musiciens, il abandonne le journalisme pour le cinéma, d’abord les documentaires et les scénarios, puis les films

Les deux premiers, « L’Air de rien » en 2012 et « Les parfums » en 2020, nous présentent deux duos improbables : la rencontre de deux personnalités inconciliables qui auront une aventure commune (un huissier joué par Grégory Montel et un ancien chanteur criblé de dettes joué par Michel Delpech dans le premier, et Emmanuelle Devos créatrice de parfums et son nouveau chauffeur qu’elle ne regarde même pas, aussi joué par Montel, dans le second).

Pour les Musiciens, son 3ème film, le duo s’agrandit : trois violonistes et une violoncelliste, musiciens professionnels et très bons comédiens, un luthier professionnel qui joue un luthier, et de nombreux acteurs que vous reconnaitrez avec plaisir, comme Frédéric Pierrot que vous avez aimé psychiatre dans Thérapie, qui joue le compositeur, et une délicieuse Valérie Donzelli que vous connaissez aussi comme réalisatrice de « la guerre est déclarée » et « de l’amour et des arbres »,  débordée par l’énormité de la tâche qu’elle a entreprise pour réaliser le rêve de son richissime père défunt.

Et vous avez ce soir doublement bien fait de venir au cinéma :

  • D‘abord, c’est la fête de la Musique. Ciné Festival et Toiles-Emoi ne pouvaient pas trouver mieux que vous faire découvrir à cette occasion une élégante et savoureuse comédie humaine , et l’oeuvre qui est le cœur du film, créée par le compositeur Grégoire Hetzel assisté par Daniel Garlitski qui est à la fois un des violonistes et le superviseur musical du film.
  • Et ensuite parce qu’en la période sévèrement troublée que nous traversons nous serons heureux de voir ce film qui nous dit qu’on peut trouver l’harmonie si on accepte de s’écouter les uns les autres.

 

 

Partir un jour, d’Amélie Bonnin

 

Pour une soirée des 1ères fois : 1ers projets scolaires au long cours pour nos élèves, 1ère diffusion au cinéma… le film Partir un jour nous a paru être dans la continuité.

C’est en effet le 1er long métrage de fiction d’Amélie Bonnin, qui lui a valu sa 1ère participation au festival de Cannes, où c’était également la 1ère fois qu’un 1er long métrage faisait l’ouverture !

Pourtant, sa réalisatrice n’est pas tout à fait une débutante. Elle a 40 ans cette année, a réalisé en 2012 un 1er long métrage documentaire sur la boucherie familiale, milieu dont elle est issue, puis un autre documentaire en 2017. En 2021, elle sort un court- métrage musical intitulé… Partir un jour, qui reçoit le César du meilleur court métrage de fiction. Elle suit donc ainsi un chemin identique à celui d’un autre réalisateur, Xavier Legrand, dont le court métrage Avant que de tout perdre avait reçu le même César en 2014, ce qui lu avait permis de tourner ensuite le long métrage Jusqu’à la garde. Ce processus s’inscrit dans un plan de financement qui permet aux réalisateurs de courts métrages remarqués d’obtenir le financement pour un long, on souhaite le même destin à nos apprentis cinéastes ! En recevant son César, la réalisatrice avait d’ailleurs déclaré « j’ai 40 ans, des cheveux blancs, et tout commence !

Ce film est donc une sorte de remake du court, qui reprend les mêmes acteurs principaux (Juliette Armanet, Bastien Bouillon, mais en inversant les rôles, et je vous incite vivement à voir le court métrage, actuellement disponible sur arte, ainsi que son making of (jusqu’à demain seulement)

Le titre annonce est programmatique à 2 points de vue : d’une part, il annonce le sujet du film (l’histoire d’un personnage qui a quitté la petite ville de son enfance pour voir plus grand) mais il annonce aussi les chansons populaires qui vont traverser le film puisque c’est une référence à un tube que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître : une chanson de 1996 du boy’s band les 2be3. En effet, vous allez voir qu’une partie des dialogues sont remplacés par des chansons connues, interprétées par les acteurs eux-mêmes, acteurs ou chanteurs puisque l’interprète principale est Juliette Armanet. La réalisatrice croit en effet à la capacité de ces chansons populaires d’exprimer des choses profondes, difficiles à dire, et pense que le plus beau des dialogues, c’est de chanter « mourir sur scène » de Dalida en épluchant des patates. Alors les élèves nous ont présenté ce soir des documentaires, un film d’animation, un film d’apprentissage, une comédie … peut-être un film musical l’an prochain ?

 

 

 

Tu ne mentiras point, de Tim Mielants

TU NE MENTIRAS POINT (SMALL THINGS LIKE THESE)

Le film que Toiles Emoi vous propose ce soir est l’adaptation du roman de Claire Keegan sorti en 2020, Small Things Like These qu’on peut traduire par Ce genre de petites choses. Il met en scène l’histoire peu connue des couvents de la Madeleine, ces institutions religieuses irlandaises qui ont accueilli jusque dans les années 80 les « fallen women » ces jeunes femmes prostituées, victimes d’incestes ou de viols. Souvent placées de force par leurs parents ces jeunes femmes, sous prétexte de réhabilitation morale, y étaient contraintes au travail forcé dans des conditions indignes. Suite aux témoignages de victimes survivantes et à la découverte de charniers anonymes, le gouvernement irlandais a officiellement reconnu sa responsabilité en 2013. Cependant l’autorité religieuse du Vatican, ne l’a toujours pas reconnue. Aujourd’hui ce pan de l’histoire reste largement tabou et ignoré de beaucoup d’irlandais.

En 2002, The Magdalene sisters le film de Peter Mullan, lion d’Or à la Mostra de Venise, avait fait découvrir ce scandale de l’église catholique irlandaise.

20 ans après, le réalisateur flamand, Tim Mielants, fidèle au roman de Claire Keegan aborde ce récit historique par le prisme d’un protagoniste masculin, qui enfant a vécu la perte de sa mère. Les thèmes de la perte et du deuil sont des thèmes qu’il affectionne particulièrement.

Cillian Murphy interprète cette figure masculine en observateur silencieux. C’est d’ailleurs lui qui a proposé à Tim Mielants d’adapter le roman à l’écran. Il est également producteur du film, en collaboration avec Artists Equity, la société de production de Matt Damon et Ben Affleck. L’ambition d’Artists Equity est de respecter la vision des artistes et de promouvoir le partage des bénéfices avec leurs créateurs.

Vous remarquerez que le titre choisi pour la distribution du film en France est Tu ne mentiras point. On peut l’interpréter comme une référence à la transgression de ce commandement biblique par les institutions religieuses. Vous remarquerez aussi les choix artistiques pour illustrer la pression sociale et la violence psychologique de cette époque où l’Irlande se chauffait encore au charbon. Les plans sont statiques, la lumière en clair-obscur et le silence est omniprésent. Ainsi le jeu d’acteur repose sur le regard, la posture et les expressions du corps.

 

The lost king, de Stephen Frears

Le Festival Coups de cœur d’Avignon s’ouvrira demain sous un nouveau chapiteau au Lycée Professionnel, avec Richard III comme spectacle d’ouverture. Pour faire écho à cette pièce de Shakespeare, nous avions plusieurs possibilités : l’une d’elles était le film d’Al Pacino. Looking for Richard (1996), mais nous avons finalement choisi une œuvre plus récente et plus légère, qui pourrait porter le même titre.

The lost King, sorti en 2022, est le dernier film à ce jour de Stephen Frears, réalisateur bien connu depuis My beautiful Laundrette, le film qui l’a rendu célèbre en 1985. Célébrité confirmée en 1988 avec son adaptation des Liaisons dangereuses avec Glenn Close, John Malkovich, Michèle Pfeiffer, Uma Thurman … Depuis les années 2000 il se consacre surtout à des biopics de femmes plus ou moins célèbres, parmi les quels The Queen avec Helen Mirren. The lost King fait partie de cette série puisque son personnage principal est inspiré de Philippa Langley, une historienne amateure qui, après avoir assisté à une représentation de la pièce, s’est lancée corps et âme à la recherche du corps de Richard III.

En effet, il faut savoir que ce roi du XVème s est un personnage controversé : dans sa pièce, Shakespeare le présente comme un tyran difforme, dévoré par l’ambition et la jalousie à l’égard de son frère Edouard IV. Mais il existe en Angleterre plusieurs associations, que l’on appelle les Ricardiens, composées notamment d’historiens mais pas seulement, qui se donnent pour objectif de réhabiliter ce roi, considérant que l’image qu’en donne Shakespeare est une forme de propagande initiée par la branche des Tudor.

Le film dresse avec humour le portrait d’une femme ordinaire qui souffre d’un syndrome neurologique couramment appelé « syndrome de fatigue chronique » et que personne (sauf son ex-mari) ne prend au sérieux : ni son patron, ni les universitaires, ni les historiens patentés… et qui va pourtant rencontrer la grande histoire, grâce au théâtre. C’est le théâtre qui va relier une femme ordinaire du XXIème s à un roi légendaire. Dans la représentation à laquelle elle assiste, le roi est incarné par un jeune acteur charismatique dont le visage restera dans ses pensées tout au long de sa recherche. L’interprète de Philippa, Sally Hawkins, est habituée de ces rôles de femme empêchée et touchante, puisqu’elle jouait la femme de ménage muette de La Forme de l’eau. A noter : toute l’équipe du fim est britannique, sauf A Desplat à la musique.

On peut donc dire que ce film cherche certes à donner tort à Shakespeare en dénonçant la façon dont il a déformé l’Histoire, mais en même temps il rend hommage à l’œuvre en faisant d’elle le point de départ grâce auquel Philippa va se lancer dans une quête qui n’est pas seulement celle du roi mais d’elle-même.

Bonne séance, bon festival mais attention ! qui sait vers quelle passion un spectacle de théâtre peut vous mener !