Les Tourmentés, de Lucas Belvaux

Lucas Belvaux a passé les premières années de sa vie à la campagne dans la province de Namur dans l’internat dirigé par son père et où sa mère était institutrice.  A l’âge où les lycéens préparent leur bac, il s’affranchit de la cellule familiale et part seul à Paris en auto-stop pour devenir comédien.

Après quelque mois de cours de théâtre, il tourne dans un téléfilm, puis décroche son premier rôle au cinéma dans Allons’z’enfants, le plaidoyer anti-militariste d’Yves Boisset. Il tourne ensuite avec des cinéastes de la Nouvelle vague, Claude Chabrol dans Poulet au vinaigre et Jacques Rivette dans Hurlevent.

10 ans plus tard, au début des années 90, il passe derrière la caméra. Il prend alors l’habitude d’écrire seul les scénarios de ses films, qui traitent souvent de questions sociales et philosophiques.

Puis récemment, lassé par l’écriture scénaristique trop contrainte selon lui par les problématiques de temps et de budget, il souhaite retrouver le plaisir d’écrire en toute liberté et il publie son premier roman Les tourmentés. Cette activité solitaire tombe bien, puisque l’on est en plein confinement. Au départ, Il veut faire un roman noir sur une chasse à l’homme avec des personnages déshumanisés, marqués par la souffrance et les traumatismes, mais, progressivement, au fil de l’écriture, il se désintéresse de l’action proprement dite, et s’interroge sur comment les personnages en sont arrivés là. Il transforme ainsi le roman noir en un roman d’apprentissage pour adultes.

Dès l’écriture terminée, comme il ne veut pas vendre les droits d’auteur, il adapte son propre roman en film. La transformation du livre construit à partir d’une suite de monologues intérieurs le met au défi. Il n’a de cesse de trouver le bon rythme, la bonne tension pour que le spectateur ne s’ennuie pas.

Lucas Belvaux a comme référence l’œuvre fondatrice du cinéma d’horreur, Les chasses du comte Zaroff, film de 1932 adapté de la nouvelle de Richard Connell, The Most Dangerous Game qui raconte l’histoire d’un célèbre chasseur qui s’échoue sur l’île d’un ancien membre de l’armée du tsar, le général Zaroff, qui organise des parties de chasse à l’homme en traquant les naufragés qu’il trouve. Petite digression amusante dans l’histoire du cinéma c’est que Les chasses du comte Zaroff, œuvre réalisée par Ernest B. Schoedsack et Merian C. Cooper, s’est vue contrainte par la société de production de réduire drastiquement son budget et sa durée de tournage. Ceci a forcé les réalisateurs à économiser par tous les moyens et à faire preuve d’inventivité en jouant avec le montage, les effets visuels et la mise en scène. La réduction des coûts a certainement été infernale pour eux, mais la courte durée, le rythme et l’ingéniosité qui en résultent font que leur film est aujourd’hui toujours aussi prenant et efficace. Ils l’ont tourné en même temps que King Kong, dans les mêmes décors et avec la même actrice, Fay Wray pour interpréter le premier rôle : King Kong le jour et Les Chasses du comte Zaroff la nuit.

Dans Les tourmentés les scènes de forêts ont été tournées en Isère dans le Parc naturel de la Chartreuse et dans la montagne ardéchoise. Le froid, la pluie et le brouillard ont certes perturbé le tournage mais les scènes de montagne sous la pluie ont permis de créer un univers particulier.

Pour la composition musicale, Lucas Belvaux a transmis à Frédéric Vercheval un extrait de Casse-Noisette arrangé pour un quintet de cors.

Côté casting il a choisi l’actrice, Linh-Dan Pham pour son côté mystérieux et sa capacité à passer rapidement de la légèreté à une profonde introspection. Il a voulu que « Madame », c’est ainsi qu’elle est nommée tout au long du film, soit à la fois dominatrice et bienveillante. Ramzy Bedia, plus connu dans ses spectacles comiques avec Eric Judor, incarne Max le majordome en personnage tragique et opaque. Niels Schneider est Skender, un personnage très seul et hanté par la violence, qui crée la tension nécessaire au film. Enfin pour le rôle de Manon, Lucas Belvaux a choisi Déborah François pour son jeu épuré sans sur-intellectualisation caractéristique, selon lui, des comédiens belges.

Je vous laisse apprécier !

Doris ORLUT