Archives de catégorie : Séances du jeudi soir

Black dog, de Guan Hu

Black dog est le 12ème film de Guan Hu, avez-vous déjà vu un de ses films ? Sûrement pas car celui-ci est le 1er à sortir en France, grâce à sa sélection dans la section « Un certain regard » au Festival de Cannes.

Guan Hu est un réalisateur qui fait partie de ce qu’on appelle la 6ème génération de réalisateurs en Chine. Cette sixième génération regroupe des réalisateurs actifs à partir des années 90, après l’écrasement de la révolte de la place Tiananmen, qui pratique un cinéma souvent assez réaliste et proche du documentaire, avec beaucoup de caméra épaule, afin de montrer les changements de la société et notamment de la jeunesse chinoise.

Guan Hu est né en 1968 et diplômé en 1991 de l’académie de cinéma de Pékin et se fait connaître en 1994 avec le film Dirt, représentation de la scène musicale rock de Pékin. A cette époque, le réalisateur paye 2000 $ pour s’affilier à un studio d’état et ainsi obtient d’être distribué en Chine et même projeté dans des festivals à l’étranger avec l’approbation des autorités. C’est ainsi que peu à peu, il devient un réalisateur officiel de blockbusters chinois.

Pourtant, le film de ce soir est un film d’auteur, qui sort du blockbuster d’abord par son art de set de sortir des codes mêler les genres : c’est à la fois une dystopie, un western situé à proximité du désert de Gobi mais avec des chiens et des tigres à la place de chevaux, un documentaire sur l’état de la Chine au moment de la préparation des jeux olympiques de Pékin en 2008. Certains y voient une critique virulente contre un pays qui broie ses habitants, mais le réalisateur s’en défend, car il fait partie du système et tous ses films reçoivent l’aval de la censure chinoise. Ce qui lui importe, c’est de montrer l’évolution du monde rural dans ces 20 dernières années mais aussi de proposer une réflexion sur la relation entre l’homme et l’animal, et sur la part d’animalité présente en chacun d’entre nous.

Il sort également du blockbuster par une histoire hors norme, celle de 2 personnages marginaux : le chien noir du titre mais aussi le personnage principal, Lang, ancienne star rock qui vient de sortir de prison, interprété par un acteur canado-taiwanais très connu en Chine pour ses rôles de jeune premier dans des comédies romantiques et totalement à contre emploi ici.

L’intrigue est assez simple et se concentre sur ces 2 personnages, mais la mise en scène et le contexte spatial et temporel font de ce film une expérience cinématographique hors du commun, alors je vous souhaite la bienvenue dans ce western apocalyptique qu’un critique situe entre Mad Max et Charlie Chaplin.

Danièle Mauffrey

 

 

The insider, de Steven Soderbergh

 

Ce soir Toiles Émoi vous présente Insider un film d’espionnage de Steven Soderbergh. Depuis le long métrage Sexe, Mensonges et Vidéo, qui l’a révélé au public en 1989 et pour lequel il a reçu la palme d’or, Soderbergh n’a cessé de produire des films aux sujets éclectiques sur les plateformes, à la télévision ou au cinéma. Je citerai Ocean’s eleven avec le trio George Clooney Brad Pitt, Matt Damon, Erin Brockovich, seule contre tous avec Julia Roberts, Contagion ou Magic Mike sur le thème du striptease masculin.

L’importance de son œuvre lui vaut d’être inscrit au National Film Registery du Congrès américain.Depuis qu’il a déclaré, il y a presque 10 ans qu’il prenait sa retraite Insider est son dixième film et déjà sa seconde  réalisation de l’année.

Comme souvent dans ses œuvres, il cumule à sa fonction de réalisateur celle de directeur de la photo et de monteur car il est un véritable passionné de montage, sa formation première. Il lui arrive parfois même de signer photo et montage sous le pseudonyme de ses parents.

Étonnamment The insider est bien le titre choisi pour la diffusion du film en France et signifie l’initié. Son titre original, Black Bag fait référence aux opérations clandestines menées par des espions pour voler des secrets ou des documents sensibles.

Steven Soderbergh a imaginé ce film d’espionnage avec le concours du scénariste David Koepp auteur des scénarios de Jurassic Park, L’impasse ou encore Spider Man.

Pour le décor il a fait appel à Philip Messina avec lequel il collabore pour la douzième fois.

L’équipe est allée visiter le véritable QG du NCSC, le National Cyber Security Center à Londres pour recréer l’atmosphère des bureaux, reprenant la même couleur de mur et certains accessoires. Les acteurs ont pu échanger à propos du quotidien des agents du renseignement.

Le tournage s’est déroulé pour l’essentiel à Londres. L’équipe du chef décorateur Philipp Messina a utilisé des décors réels d’immeubles du centre de Londres pour créer les bureaux des espions.

Les scènes de la maison du couple sont tournées aux studios de Pinewood, connus pour accueillir le plateau et la société de production du célèbre agent 007. La construction du décor a pris huit semaines et a nécessité l’intervention d’une centaine d’artisans et l’installation d’environ 183 éclairages différents entre les rubans LED, les appliques et les suspensions qui ont servi à Soderbergh pour créer un éclairage tamisé aux teintes orangées qui confère au film une ambiance intrigante et sensuelle.

Steven Soderbergh revisite les codes du film d’espionnage : ici pas d’effets spéciaux, pas de gadgets ou de combats virils à mains nues ni même de jeunes femmes au physique avenant, l’approche est purement psychologique. Les personnages ont recours exclusivement à des technologies existantes comme l’utilisation du sérum de vérité ou le détournement de satellite.

Il s’ingénie à créer un climat de paranoïa, à l’aide de la caméra placée à la surface de l’eau pour épier 2 hommes sur une barque ou surélevée dans l’angle d’une pièce comme des images de vidéo surveillance. Il a choisi de faire découper le centre de la table de la salle à manger, lieu des scènes principales pour créer un espace où sa caméra démultiplie les angles de vue possibles et capte le jeu des regards entre les personnages.

L’intrigue, entre quartiers chics et bureaux high-tech, se noue autour d’une belle brochette d’acteurs espions mêlant trahisons supposées, soupçons, méfiance et double-jeu.

Le personnage principal de George Woodhouse froid et clinique, est incarné par Michael Fassbender. Tel Angleton, le légendaire espion de la CIA, George est passionné de pêche, un passe-temps qui reflète sa patience et sa capacité d’observation.

Sa femme Kathryn, interprétée par Cate Blanchett, incarne une brune à la longue chevelure envoûtante. Une réplique dite par une espionne lors de la visite du QG au National Cyber Security Center est reprise dans le film : « Quand on est capable de mentir sur tout et n’importe quoi, comment peut-on encore dire la vérité sur quoi que ce soit ? »

Vous remarquerez deux acteurs de la franchise 007, Naomie Harris dans le rôle de la psychologue et Pierce Brosnan en chef du renseignement dans un costume trois pièces en Prince-de-Galles. Frances Hounsom, le chef maquilleur lui a confectionné pour l’occasion une prothèse de nez afin de lui donner une allure singulière.

Maintenant, êtes-vous prêt à plonger dans l’univers du renseignement pour démasquer la taupe qui a vendu aux Russes le logiciel Severus capable de déclencher un attentat nucléaire ?

 

Fario, de Lucie Prost

 

Fario, de Lucie Prost

 

Lors de la précédente soirée sur le thème de l’eau, vous avez pu voir un documentaire intitulé La rivière, consacré aux rivières des Pyrénées. Ce soir nous vous proposons un film de fiction qui frôle même le fantastique, mais qui a aussi pour thème central une rivière que vous connaissez surement tous : il s’agit de la Loue.

En effet, on a beaucoup dit ces derniers temps que le Jura était une terre de tournage, après Vingt dieux, Le roman de Jim, Un ours dans le Jura…celui-ci est tourné dans le Jura et le Doubs par une réalisatrice jurassienne, Lucie Prost. Il s’agit de son 1er long métrage , initialement intitulé Les truites, et il s’inspire des souvenirs des vacances chez sa grand-mère dans la vallée de la Loue. Donc comme le film de la semaine dernière, c’est un 1er film dans lequel un réalisateur revient sur les lieux de son enfance.

Elle a tourné le film sur pellicule, un choix esthétique et technique : elle aime cette sensation de danger liée au fait qu’on ne peut pas multiplier les prises et qu’il faut être bon à l’instant T. Une scène a toutefois été tournée en numérique pour des raisons d’effets spéciaux, mais dans l’ensemble elle a essayé, comme le fait Apitchapong Weerasethakul, qui l’inspire, de donner à ses effets spéciaux un rendu très artisanal. Soyez attentifs aux sons, qui contribuent beaucoup à l’atmosphère étrange du film.

Pour terminer, de la rivière à la cascade, il n’y a qu’un pas. Eh bien l’acteur principal, Finneghan Oldfield, est peut-être le futur Tom Cruise français : il a en effet tenu à effectuer lui-même toutes les cascades du film, y compris dans une eau à 10 degrés au moment du tournage.

 

`

Fête du court métrage

 

Mon gâteau préféré, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha

Ce soir Toiles émoi vous propose Mon gâteau préféré, le second long métrage réalisé par .

Depuis la révolution de 1979, l’exercice du 7ème art en République Islamique d’Iran est remarquable. Comme nous le raconte la journaliste, Mahshid Bozorgnia lorsqu’un cinéaste a un projet de film, il doit d’abord faire approuver son scénario afin d’avoir une autorisation de réalisation. Puis l’œuvre terminée, un nouveau permis de projection est nécessaire afin de pouvoir être distribué dans les salles de cinéma. Ensuite, il peut encore y avoir des pressions par des fanatiques du régime qui, lors des premières séances, arrêtent le film car ils n’aiment pas le message et le font interdire.

Parmi les sujets particulièrement scrutés, on retrouve toutes les entorses au code de conduite et au code vestimentaire islamique : un homme et une femme qui se tiennent la main dans l’espace public, un voile mal positionné, la consommation d’alcool, autant d’exemples de franchissement de la ligne rouge, au-delà de laquelle les cinéastes risquent des années de suspension ou d’interdiction d’exercer. `

Leur premier long métrage, Le pardon qui avait pour thème l’erreur judiciaire et la peine de mort, mettait en scène un homme qui ne croyait plus au régime des mollahs. Il leur a valu 2 ans de poursuites judiciaires et l’interdiction du film.

Lorsqu’à nouveau libres, ils ont pu voyager, Maryam Moghaddam et Behtash Sanaeeha ont renoué des contacts avec des sociétés de production européennes et ont décidé de réaliser une comédie romantique sur la rencontre d’une femme âgée qui ne veut plus vivre seule et d’un homme qui ne veut pas mourir seul. Ainsi Mon gâteau préféré traite d’un thème universel, la solitude de l’âge dans un contexte particulier, celui de la société iranienne qui est empêchée de vivre dans son quotidien et où les femmes ont une double vie : une vie à l’extérieur et une vie intime.

La préproduction de Mon gâteau préféré est contemporaine au mouvement « Femme, vie, liberté ». Le tournage s’est déroulé autant que possible en secret même si la police a débarqué chez le monteur d’images pour confisquer les rushes dont une copie avait par chance déjà été envoyée en France.

Au décès de Mahsa Amini, un groupe de cinéastes et de professionnels du cinéma en exil a décidé de fonder l’Association des Cinéastes Iraniens Indépendants pour soutenir les réalisateurs indépendants et donner une meilleure représentation du pays dans les festivals internationaux.

Tourné principalement en intérieur et en plans fixes Mon gâteau préféré s’articule autour de 2 scènes de repas. Il commence par un gag et se termine par un événement tragique. Je vous laisse le découvrir en compagnie de Lily Farhadpour et d’Esmail Mehrabi.

Doris Orlut

Je suis toujours là, Walter Salles, 19 février 2025

 

JE SUIS TOUJOURS LA, de Walter SALLES – 19 février 2025 – Prs. Marion Magnard

========

Walter SAJJES est né au Brésil à Rio de Janeiro en 1956. So père est banquier Sa famille habite une belle maison au bord de la plage de LE BLOND, à côté d’IPANEMA. Walter et son frère partagent jeux et baignades avec les 4 filles et le fils des voisins, Rubens PAIVA, ingénieur et député travailliste, et sa femme Eunice.

Après le coup d’Etat du Maréchal Blanco en 1964, commencent, avec le soutien de la CIA (l’opération « Brother Sam ») « les années de plomb » de la dictature militaire qui ne prendra réellement fin qu’en 1985. La famille SALLES part s’installer aux USA, puis en France.

Revenu au Brésil, Walter fait des études d’économie, puis de Cinéma. En 1998, son film, CENTRAL DO BRESIL, ours d’Or à Berlin, lui amène la consécration. Je me souviens vous avoir présenté ce film : une vieille dame désargentée, dans une gare, gagne quelques sous en rédigeant sans empathie les lettres de ceux qui ne savent pas écrire et quitte tout pour aider un petit garçon à retrouver ses parents. A la fois producteur et réalisateur, il réalise et produit plusieurs autres films dont « Carnets de Voyage », sur un épisode de la vie de Che GUEVARA que vous avez vu aussi. Puis il arrête toute activité de producteur et de réalisateur.

12 ans après, il découvre « je suis toujours là » le livre de Marcelo PAIVA, le camarade de son enfance, qui relate l’histoire de la famille de Rubens PAIVA, et sa vie (surtout celle de sa mère) après la disparition du père. Walter est bouleversé et, avec l’accord de Marcelo, décide d’adapter le livre sous le même titre.

Ce film, qui rend hommage à la Résistance brésilienne contre la dictature militaire et veut lutter contre l’oubli, avec en B.O. une floraison musicale de l’époque, a été accueilli avec un vibrant enthousiasme par une population en quête de reconnaissance. Rien qu’en salles, plus de 3 millions 500 000 brésiliens sont venus le voir et la chanson d’Erasmo Carlos, (« Ami, nous trouverons bien un moyen ») qui accompagne le générique pendant que défilent les véritables photos de la famille PAÏVA au temps du bonheur, est sur toutes les lèvres.

Aussi la critique plutôt tiède du journal Le Monde, qui reproche au film de trop tirer sur la corde sentimentale et une mise en scène trop classique, a-t-elle été très mal reçue par les cinéphiles brésiliens qui militent unanimement pour que « Je suis toujours là » reçoive l’Oscar du meilleur film étranger.

Et le 2 mars, vous remarquerez que grâce aux sélections attentives de votre CINEFESTIVAL et de votre association TOILES-EMOI vous aurez déjà vu la plupart des films qui seront oscarisés. …

La chambre d’à côté, Pedro Almodovar

 

La chambre d’à côté, Almodovar

Je ne vous ferai pas l’injure de vous présenter Pedro Almodovar, mais juste vous rappeler qu’il a fêté ses 75 ans à l’automne dernier et que, depuis 1980, le film de ce soir est son 23ème long métrage.

On peut également dire de lui que c’est un cinéaste fidèle : il a souvent tourné avec les mêmes acteurs, chefs opérateurs, il a fait 20 films avec le même monteur, et celui-ci est le 13ème d’affilée dans lequel il collabore avec Alberto Iglesias pour la musique.

Pourtant le film que vous allez voir aujourd’hui marque une rupture dans son œuvre à plusieurs titres :

  • c’est le 1er film qu’il tourne en anglais
  • c’est la 1ère fois qu’il tourne avec Julianne Moore, John Turturo, la 2ème fois avec Tilda Swinton (moyen métrage = la voix humaine)
  • c’est la 1ère fois qu’il travaille avec le chef opérateur Eduard Grau, qui a tenu à conserver le style d’Almodovar, notamment à travers l’utilisation de couleurs très vives et de décors très graphiques. Certains critiques ont pu reprocher au film d’être situé dans un milieu social très privilégié, mais c’est aussi une façon de magnifier le sujet du film.

Venons-en justement au sujet : vous le savez sans doute, il s’agit d’une fin de vie, sous la forme d’un suicide assisté. Le scénario est tiré d’un roman paru en 2020, écrit par Sigrid Nunez, une autrice New yorkaise. Lors de la présentation du film à la Mostra de Venise, Almodovar est apparu aux côtés de Swinton comme un partisan de l’euthanasie. « C’est un film qui défend l’euthanasie », a déclaré le réalisateur lors de la conférence de presse qui a suivi la première projection. « Il s’agit de la liberté personnelle de l’homme, de son droit à ne pas laisser la maladie décider quand la fin est proche, mais à garder lui-même les rênes ». Mais pour Tilda Swinton, c’est avant tout un film sur les vieilles amitiés, « comment elles nous soutiennent et pourquoi nous en avons besoin à ce stade de notre vie »

 

Au final, on retrouvera dans ce film les couleurs d’Almodovar, son amour des actrices, son sens du mélodrame. Avec ce film, le réalisateur a enfin remporté la plus haute distinction d’un grand festival : le lion d’or à la mostra de Venise, alors : le meilleur film d’Almodovar ? A vous de voir !

Leurs enfants après eux, Ludovic et Zoran Boukherma

Leurs enfants après eux, de Ludovic et Zoran Boukherma

C’est toujours une expérience étrange de lire un livre après avoir vu son adaptation et de voir un film après avoir lu le livre dont il est tiré. C’est pourtant une expérience banale puisque 20% des films de cinéma sont des adaptations de romans.

Nicolas Mathieu, est un auteur vosgien que j’ai découvert dès son premier roman, Aux animaux, la guerre, qui a ensuite été adapté par Alain Tasma sous la forme d’une série TV très réussie.

Leurs enfants après eux est son 2ème ouvrage, pour lequel il a obtenu le prix Goncourt en 2018. L’auteur n’a pas participé à l’adaptation, il considère en effet que ce n’est pas son travail. Mais il a apprécié le fait que les réalisateurs aient le projet d’injecter du romanesque dans son œuvre, en s’inspirant de réalisateurs comme Scorsese ou Paul Thomas Anderson.

Cette adaptation est le 4ème long métrage des jumeaux Boukerma, Zoran et Ludovic, après L’Année du requin que vous avez pu voir ici en 2022. Initialement, l’adaptation devait être réalisée par Gilles Lelouche, qui a finalement préféré se concentrer sur L’Amour ouf, on peut d’ailleurs noter un certain nombre de points communs entre les 2 films: la durée, l’aspect social, un amour contrarié, les ellipses temporelles, sans parler de Gilles Lellouche, lequel n’est donc pas à la réalisation mais dans un second rôle.

L’action du roman se situe donc autour de 4 étés dans une ville nommée Heillange, et qui évoque Hayange, petite ville industrielle de Moselle, dans la vallée de la Fensch, mais alors que le roman fait des incursions dans d’autres territoires, et d’autres saisons, les réalisateurs ont décidé de ne garder que ce qui se déroule dans cette ville, et seulement au cours de ces 4 étés. De même, là où Nicolas Mathieu fait beaucoup de commentaires sociologiques (c’est sa marque de fabrique) les réalisateurs ont choisi de montrer en quelques images la fin de ce monde industriel au lieu de la décrire longuement. Les personnages ont été modifiés aussi : l’adolescent incarné par Paul Kircher, que l’on a vu dans Le règne animal, est plus lunaire que celui du roman ; de même, le père raciste imaginé par Nicolas Mathieu est devenu un alcoolique qui se fait surtout du mal à lui-même.

Au final, Lellouche qui campe ce père affirme qu’il est content d’avoir laissé la place à des gens de cette génération pour adapter ce livre, reste à voir ce que vous en penserez de votre côté ! Et rendez-vous pour le prochain livre de Nicolas Mathieu qui sera adapté au cinéma, il s’agit de Connemara, avec Alex Lutz à la réalisation.

Danièle Mauffrey

Conclave, d’Edward Berger

 

 

CONCLAVE, d’EdWARD BERGER – 2 janvier 2025 – Pres. Marion Magnard

En ce jour du 2 janvier 2025, TOILES-EMOI vous présente tous ses meilleurs vœux, auxquels je me permets d’ajouter un très gros souhait : que la nouvelle année soit pacificatrice, mais malheureusement je crains qu’il ne soit qu’une utopie…

Je me suis proposée pour la présentation du film CONCLAVE d’une part parce que j’avais gardé un bon souvenir d’ Habemus papam, de Nanni Moretti, sorti en 2011, avec l’excellent et regretté Michel Piccoli et d’autre part que j’étais curieuse de découvrir comment le  réalisateur allemand Edward BERGER avait conçu sur le même thème un film qu’on disait tout à fait différent.

Edward BERGER est né en Allemagne de l’Ouest en 1970. Et c’est en Allemagne réunifiée qu’il fait des études de Cinéma. Désireux d’une carrière internationale, il va compléter sa formation à New-York. Il commence ensuite la réalisation par des films et des séries pour les Télévisions anglo-américaines et pour Netflix.

En 2022, il réalise une adaptation d’à l’ouest rien de nouveau, le roman de son compatriote Erich Marie Remarque, film très bien accueilli aux USA où il obtient l’Oscar du meilleur film international. En 2024, il adapte Conclave, le roman de l’écrivain anglais Robert HARRIS. Je me documente donc sur ce roman et là je découvre que nous allons dans le film être plus proches de la Conspiration du Caire de Tarik SALEH que d’Habemus papam.

BERGER a choisi de réaliser un thriller palpitant dans le monde ultra-secret d’une élection au Vatican, avec un scénario diabolique, un film sur la lutte pour le pouvoir au cœur de tous les mondes, qu’ils soient politiques, religieux, ou économiques. Tractations, scandales, mensonges, rebondissements s’enchevètrent, dans la splendide architecture du Vatican. Vous découvrirez comment on vit (et meurt) dans ces lieux et vous admirerez la technique du réalisateur dans les jeux des lignes de fuite et des couleurs. Quant à la musique de Volker Bertelman, elle est en parfaite harmonie avec le scénario.

Pour la distribution, BERGER a choisi les meilleurs des acteurs canadiens, italiens, anglais, américains. Pour ne pas alourdir mon propos, je n’en citerai que deux : Ralph Fiennes magnifique en homme d’Eglise dévoué, intègre mais fatigué, en proie au doute, allant jusqu’au bout de sa tâche ( très différent de son rôle d’affreux nazi dans la liste de Schindler). L’autre acteur , c’est une actrice, Isabella Rossellini, superbe dans son rôle de Sœur Agnès, droite, audacieuse et féministe.

Peut être un Oscar pour CONCLAVE ?

La vallée des fous, de Xavier Beauvois

LA VALLEE DES FOUS

Scénario adaptation et dialogues sont de Xavier Beauvois, Gioacchino Campanella et Marie Julie Maille qui n’est autre que l’épouse de Xavier

Xavier Beauvois est âgé de 57 ans. Il abandonne le lycée en classe de terminale, s’installe à Paris, multiplie les rencontres, et échoue au concours de l’IDHEC (institut des hautes études cinématographiques), (devenue aujourd’hui pour la petite histoire la FEMIS comme son acronyme ne l’indique pas école supérieure des métiers de l’image et du son). Autodidacte, cet échec ne remet pas en cause son désir de faire des films et il parvient à obtenir un agent en la personne du très connu Dominique Besnehart, réalise en 86 son premier court métrage « Le Matou ». Il en réalise d’autres ainsi que des reportages pour M6, et obtient quelques récompenses. Puis viennent des films marquants, « N’oublie pas de mourir » en 95, « Le Petit Lieutenant » en 2005 et puis le très beau film en 2010 « Des hommes et des Dieux » racontant le massacre des Moines de Tibhérine dans l’Atlas algérien, avec l’excellent Michael Lonsdale, et « Albatros » en 2021 film profond et boulversant impeccablement interprété par Jérémy Rénier .

Le voilà à nouveau sur « mer » avec LA VALLEE DES FOUS . C’est l’histoire de Jean Paul qui grâce à cette course virtuelle va renouer avec sa vie et sa famille. Je ne vous en dirais pas plus vous avez dû tous lire le synopsis.

Jean Paul Rouve raconte qu’il a tout de suite accepté de faire ce film car il connaissait bien Xavier et son épouse. Le cinéma c’est du « faux ou du vrai dans le faux » dit-il. Son personnage fait exactement cela : une course de bateaux pour de faux et pour de vrai. Il s’est préparé comme un vrai marin, mais son bateau ne bougera pas de son jardin.
Vous remarquerez tout au long du film la subtilité de jeu du visage de JP Rouve, les scènes avec les autres acteurs étant jouées via les écrans d’ordinateur.

La Vallée des Fous raconte une histoire très singulière, mais charrie des émotions que chacune ou chacun a pu ressentir dans sa vie.

Très important, La Vallée des Fous, où l’histoire se situe, est l’autre nom de Port La Forêt, qui est la Mecque des navigateurs. Tous les plus grands s’y sont entraînés, d’Eric Tabarly à Jean Le Cam, ou de Vincent Riou à Michel Desjoyeaux.

Enfin, dernière précision, la musique est signée Peter Doherty, que vous connaissez sûrement, plus connu comme rockstar à la vie tumultueuse, assagi tout de même depuis quelques années, reprenant sa vie en main, et devenant « un peu poète » et s’essayant comme acteur.

Je termine en vous disant Bon film et……Bon vent

Sylvie Guiseppin

 

 

 

Anora, de Sean Baker

En 1970 la Palme d’Or du Festival de Cannes était décernée à un film qui a fait rire le monde entier, MASH, de Robert ALTMAN, et c’était la première fois depuis la création du Festival le 1er septembre 1939, qu’une comédie décrochait la Palme.

Il faut reconnaître que chaque année les sélections officielles ne donnent pas souvent aux membres du Jury des occasions de se tordre de rire. Certes, « Coupez » d’HAZANAVICIUS, en 2022, nous avait surpris et beaucoup fait rire, mais c’était un film hors compétition. Et 54 ans après MASH, c’est ANORA, un tourbillon comique réalisé par Sean Baker qui a remporté les suffrages.

Sean Baker, diplômé de l’Université de New York, où il est né en 1971, a tourné en 2000 un premier film aussi authentique qu’humoristique, sur la psychologie masculine post-adolescence. Ont suivis « Prince of Broadway » , un immigré du Ghana en situation irrégulière, et « Tangerine » une histoire de Smartphones et de prostituées transgenres. Et dans ses films ultérieurs, Sean Baker s’intéresse toujours aux marginaux et au monde du travail du sexe, sans porter aucun jugement.

ANORA, c’est la rencontre d’un réalisateur et d’acteurs qui se sont mutuellement choisis. Sean Baker avait été séduit par Mickey Madison dans « Once upon a time…in Hollywood » avec la diversité de son jeu et son sens de l’humour, et elle-même, qui souhaitait travailler avec lui, s’est entraînée des mois « pour être vraisemblable en danseuse et escort-girl avec l’accent de Broadway ». L’acteur Karen Karagulien marié à une russo-américaine, qui joue Toros, est un ami de longue date du réalisateur, et a joué dans plusieurs de ses films. Quant à l’acteur russe Mark EYYDELSHTEYN, 22 ans, qui joue Ivan, il a été conquis par le réalisateur pour « son humour, son empathie pour ses personnages, sans jugement moral ni condescendance ». Et Sean Baker a aimé la fluidité de son jeu et sa parfaite adaptation au scénario.

Pour se rapprocher de l’esthétique du cinéma des années 70, à contre-courant du cinéma Holllywoodien, Sean BAKER a tourné en 35 mm avec des optiques anamorphiques qui élargissent le champ. Et vous remarquerez son emploi particulier des couleurs et des éclairages.

Le tournage d’ANORA a procuré un grand plaisir à ses protagonistes. En sera-t-il de même pour nous à la projection de ce film, palme d’or 2024 ?

Marion Magnard