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L’Etranger, de François Ozon

L’Etranger, de François OZON – 4 décembre 2025 – Par Marion Magnard
C’est en travaillant sur un autre projet de film, traitant d’un jeune homme face à l’absurdité du monde que François OZON a relu l’Etranger d’Albert Camus. Il l’avait beaucoup aimé en l’étudiant au Lycée. Touché de retrouver intacte son émotion, il décide d’en faire l’adaptation.
Et, si vous me permettez ce misérable jeu de mots, OZON, il ose tout : d’abord choisir d’adapter un tel chef d’œuvre, qui a conquis toute la planète, été traduit en 64 langues., et fait l’objet de savantes exégèses de toutes sortes.
D’autres ont essayé avant lui : Jean Renoir en 1950 avec Gérard Philipe dans le rôle-titre, projet abandonné faute de financement, en 1967 Luchini Visconti avec Maestroianni, faute d’Alain Delon, film qu’il désavoue car trop freiné par les exigences de la veuve de Camus, et en 2002 un film Turc jamais distribué en France.
En préparant son film, François Ozon a lu  Meursault, contre-enquête , livre de Kamel Daoud, franco-algérien. Les 2 hommes se rencontrent et échangent leurs points de vue sur le livre, le film et Albert Camus. Daoud précise que l’écrivain a été complètement et volontairement effacé dans la conscience algérienne, Ozon qu’il n’a pas pu faire des repérages en Algérie et que le film sera tourné au Maroc près de Tanger.
Pour OZON, d’emblée, pas d’ouverture en voix off: « aujourd’hui maman est morte », non, mais des séquences sans dialogues, avec prédominance du vide et du silence. Et c’est un génial et implacable noir et blanc qui magnifie la lumière étincelante et le feu de l’été algérien. Et la beauté de l’Algérie, le grand-père de François Ozon, pied-noir juge à Alger rapatrié en France après avoir échappé à un attentat, l’a longuement chantée à son petit-fils.
Dans le rôle-titre, Benjamin Voisin, à la fois indolent et sensuel, est un Meursault taiseux, absent au monde, mais charnel, terrien et fascinant. Et OZON fait exister davantage que dans le livre les deux personnages féminins, la maitresse de Meursault, jouée par Rebecca Marder, et la sœur de l’arabe tué. Toutes deux apportent un supplément d’âme au film. Et OZON sait à la fois incarner l’Algérie coloniale et donner plus que dans le roman une réelle existence aux « colonisés »..
Dans L’Etranger  d’Albert Camus, ce n’est que lorsque Meursault est emmené en prison qu’il verbalise : « J’ai tué un arabe ». Dans Meursault, Contre-enquête  de Kamel Daoud et le film d’Ozon, les années ont passé et « l’Arabe » a un nom.
Et c’est « Killing an Arab » du groupe The Cure, qui accompagne le générique du film.