Présentation de la fracture de Catherine Corsini
Ce film est son 11ème long métrage. Sur trente ans de carrière, elle a embrassé plusieurs genres : Poker en 1987 est son premier long métrage. Elle a proposé une comédie acide avec La nouvelle Eve en 1999, un drame fugueur avec Partir en 2009, une chronique féministe d’un amour entre deux femmes qui se passe dans les années 70 : la belle saison en 2015. Un amour impossible en 2018 est une adaptation très réussie du livre de Christine Angot. La réalisatrice a toujours filmé des héroïnes admirables d’insolence et de combativité. Des rôles qui magnifient des actrices comme entre autres : Karine Viard, Emmanuelle Béart, Kristin Scott Thomas et dans la fracture Marina Foïs et Valérie Bruni Tedeschi. C’est peut-être parce que dans sa jeunesse, Catherine Corsini se destinait à jouer avant de comprendre qu’elle préférait faire le récit du monde qui l’entoure, de ses freins de ses injustices et de ses libertés gagnées.
Sur les motivations du film La fracture, Catherine Corsini évoque le fait qu’elle voulait traduire la réalité d’aujourd’hui après deux films d’époque, retranscrire ce monde angoissé, perclus de conflits. Le 1er décembre 2018, Catherine Corsini se retrouve aux urgences de l’hopital Larivoisière alors que Paris était en état de tension avec les manifestations des gilets jaunes, c’est le point de départ de son inspiration.
La fracture ou peut être plutôt les fractures : Le film embrasse toutes les déclinaisons de ce mot :
- Celle au sein du couple formé par Raf et Julie
- Celle physique qui frappe Raf et qui la conduit à l’hôpital
- Celle qui règne au sein de la société française et qui en novembre 2018 vient de donner naissance au mouvement des gilets jaunes
- Celle qui existe entre le manque de moyen octroyé à l’hôpital public français par les gouvernements successifs et l’extraordinaire dévouement dont font preuve malgré tout, les personnels soignants pour s’occuper des malades.
Le service des Urgences d’un hôpital est le lieu par excellence qui permet de croiser la destinée de gens venant de milieux sociaux très différents. On parle de film choral avec plusieurs intrigues qui s’entremêlent. La cinéaste confronte dans le huis clos d’un hôpital surchargé, un couple petit bourgeois au bord de la rupture à un gilet jaune blessé lors d’une manif.
Les thèmes abordés : l’état policier, la révolte populaire, la fin du déni de la lutte des classes, la destruction de l’hôpital public, l’ébranlement du patriarcat, la vie, la mort et le désespoir amoureux. C’est dense.
Si le sujet est grave, le film est drôle, embarquant Valérie Bruni Tedeschi, Marina Foïs et Pio Marmai ainsi qu’une actrice non professionnelle qui crève l’écran, en jouant son propre rôle d’aide-soignante : Assiatou Diallo Sagna.
Au niveau du tournage, Catherine Corsini explique qu’elle voulait,avec sa directrice de la photographie, Jeanne Lapoirie, relever un défi physique, être en mouvement constamment. Elle tourne pour la première fois caméra à l’épaule. « Je voulais que la tension vécue à l’hôpital explose à l’écran ». La caméra capte la confusion, le manque et le trop plein.
Le film, et c’est sa cohérence, ressemble aux espaces qu’il décrit : une salle d’attente pleine à craquer qui continue de se remplir et de l’autre côté de la porte, un service saturé qui déborde.
Sylvie PACALET