Archives mensuelles : juin 2024

C’e ancora domani, de Paola Cortellesi

La soirée italienne, c’est chaque année une soirée au cours de laquelle on se plonge dans la langue, la culture et la société italienne. Or le film de ce soir est particulièrement bien adapté à cette immersion, car rarement un film aura autant fait se rencontrer l’art cinématographique et un fait de société, au point de devenir en Italie un phénomène de société: projection au Sénat, projections dans les établissements scolaires… Si le film a eu moins d’impact en France, c’est sans doute parce qu’il plonge profondément dans la culture italienne, et de manière très habile.

Un 1er film inattendu et un succès inattendu:

C’est le 1er film de Paola Cortellesi, et on ne l’attendait pas du tout sur ce genre de film. En effet, elle est connue des Italiens a une expérience en tant qu’actrice (mini série Petra), animatrice TV, chanteuse : rattachée au monde du divertissement de la TV italienne et non au cinéma d’auteur. 1ère surprise= ce type de film de sa part

2ème surprise= film sur les violence faites aux femmes par une femme (dans un cinéma italien où il y a peu de femmes : peu de femmes réalisatrices, ou techniciennes alors même que le cinéma italien porte un regard intéressant sur la condition féminine et le regard des hommes sur les femmes)

+ film qui percute une tradition encore très ancrée dans la société italienne: la tradition selon laquelle les femmes s’occupent des enfants, tabou du patriarcat en Italie

+ film qui a percuté un fait divers au moment de la sortie= féminicide en Italie qui fait l’actualité : d’abord amants disparus puis on comprend que l’homme a fui, puis images de video surveillance où l’on voit le meurtre, l’acharnement, le transport du corps… = batt agemédiatique

Inscription dans l’histoire du cinéma italien:

Liens avec le néo réalisme italien (De Sicca, Rossellini, Visconti) : volonté de filmer les Italiens de la rue, intérêt pour la situation sociale. Le Noir et Blanc se réfère à ce courant (et aussi à la dimension biographique => violences = souvenirs de sa grand-mère) ainsi que la présence du dialecte romain, l’importance accordée aux pers 2ndaires.

+ comédie à l’italienne (1958/1972): les français font de l’humour en se moquant par la caricature ; la comédie à l’italienne parle de sujets graves avec du comique = jeu d’équilibre délicat entre dramatique et comique. On rit mais ensuite on a honte d’avoir ri, violence transformée en danse…

Un habile exercice:

Autrice/actrice: jeu qui rappelle celui de Charlot = travail sur les mimiques

Mais surtout : un film très habile, qui dénonce sans heurter et peut ainsi trouver son public. Elle a fait un film aujourd’hui pour dénoncer qq chose que tout le monde voyait et qu’on ne voulait pas voir : une des raisons du succès = pas moralisateur, ne dénonce pas frontalement = + efficace, les hommes peuvent se retrouver aussi bien dans le titre que dans les rôles masculins                  Habileté perceptible dès le tire, équivoque (espoir ou pas?)

AMAL, UN ESPRIT LIBRE – de Jawal RHALIB

Présentation: Marion Magnard

Préparant la présentation de « AMAL, un esprit libre », j’ai découvert trois fortes personnalités :

La première, c’est celle d’ABOU NUWAS, né au 8éme siècle en Perse (l’actuel Iran) d’un père arabe et d’une mère persane. Ses contemporains rapportent qu’il séduit les hommes comme les femmes par ses poèmes, sa grâce et sa beauté  « avec ses magnifiques cheveux bouclés ». Il est reçu à la cour du grand Calife Haroun Al Rachid, qui avait alors noué des relations diplomatiques avec notre grand Charlemagne qui préparait sa loi sur l’Ecole … Abou est éloigné de la Cour assez vite à cause de sa conduite irrespectueuse envers le pouvoir, et ses mauvaises fréquentations. Il est un peu le précurseur de notre François Villon au Moyen âge. Il recherche tous les plaisirs et chante dans ses poèmes érotiques ou bachiques ou les deux à la fois « la vie, le vent, le vin ». Et il précise « j’ai quitté les filles pour les garçons et pour le vin vieux, j’ai laissé l’eau », et « L’homme est un continent, la femme, c’est la mer, moi, j’aime mieux la terre ferme ». Mais la puissance, le charme et la liberté de ses poèmes font qu’il est considéré jusque à nos jours comme un des plus talentueux poètes arabes.

La deuxième personnalité que j’ai découverte, c’est JAWAL RHALIB, journaliste et réalisateur, né au Maroc en 1965 et vivant maintenant en Belgique. D’emblée il oriente son travail sur les droits de l’homme et les questions liées à la mondialisation, le réalisme social et les religions. En Belgique toutes les religions sont enseignées à l’école sans contrôle de l’État sur les enseignants qui sont choisis par les autorités religieuses. Le journaliste dresse un constat dans une démarche respectueuse de l’Islam mais résolument contre l’islamisme radical. Et très inquiété par l’évolution de l’école le cinéaste a commencé l’écriture d’AMAL un esprit libre dès 2018, avant les drames que nous avons connus dans nos collèges.

La troisième est une actrice LUBNA AZABAL, comédienne née à Bruxelles en 1973. Son père est marocain et sa mère espagnole, et sa double culture lui ouvrira les portes des cinémas arabes et européens, où elle débute avec Olivier Gourmet. Dans son enfance, l’école était pour elle « un ballon d’oxygène » et elle constate que ce n’est plus le cas pour les enfants du 21ème siècle. Elle porte littéralement le rôle d’Amal et tous les dialogues ont été co-écrits par elle et Jawal, après en avoir discuté avec les élèves réels du collège.

Et vous allez découvrir maintenant comment vont s’enchevêtrer ces trois personnalités, dans « Amal, un esprit libre », un film-choc..