
Nous vous proposons ce soir le 10ème long métrage du réalisateur Emmanuel Mouret .Son film, considéré comme le plus abouti, a fait partie de la sélection de Cannes 2020.
« Les choses qu’on dit les choses qu’on fait » Pourquoi ce titre ? Pour lui un des grands plaisirs du cinéma est de confronter un personnage à ses paroles. Fera-t-il ce qu’il a dit ? Est-il vraiment celui qu’il prétend être ? » La vertu du cinéma , dit-il, est d’ observer le monde dans sa complexité et les personnages dans leurs contradictions »
Nous avons découvert E.Mouret en 1999 dans son 1er film qui marquait sa fin d’études à la Fémis, un film ayant pour thème l’amour « Promène-toi donc tout nu « .Il y tenait le rôle principal, nu comme un ver ou presque…..Depuis, il poursuit ses variations sur les tensions du désir avec » Un baiser s’il-vous-plaît », « L’art d’aimer », « Caprice » et plus récemment : « Mademoiselle de Joncquières » sorti en 2018.
Dans le film de ce soir , il interroge particulièrement la raison et la déraison du sentiment amoureux avec un mélange de douceur mais aussi de cruauté , même si ses personnages refusent l’affrontement..Il place son propos sous l’égide du philosophe contemporain René Girard ( décédé en 2015).La théorie de Girard se résume ainsi » on ne désire jamais l’autre en soi mais parce qu’on le sait lui-même désiré par un tiers ». Ce n’est pas un hasard si Mouret s’appuie sur un philosophe car son cinéma est très littéraire; les mots chez lui ont beaucoup d’importance; il dit d’ailleurs » un film se regarde , s’entend et surtout s’écoute ».il refuse que ses interprètes touchent à une ligne de dialogues , mais par contre il cherche avec eux la façon de les incarner.
Sur le plan technique, il utilise surtout des plans-séquences en mouvement ,et de nombreux flash-back entrelacent les différents récits amoureux.
Son film est non seulement littéraire mais très musical .La musique classique devient une véritable voix off qui nous plonge au coeur des émotions et qui nous fait ressentir la variété des sentiments. On entendra des pièces de Satie, Poulenc, Chopin , Mozart, Purcell.
Sa mise en scène délicate fait écho à la retenue de ses comédiens : Camélia Jordana, Niels Schneider, Emilie Duquenne , Guillaume Gouix, Vincent Macaigne: le point commun à tous , si je puis dire , on ne les a jamais entendus parler comme ça ! Ils donnent vie et épaisseur à des personnages qui auraient pu devenir les pions d’un banal marivaudage.
Le cinéaste dit s ‘être inspiré de Rohmer, Truffaut, Woody Allen et Buster Keaton : le comique burlesque n’est, paraît-il, pas absent de son film.
Sophie Avon , critique de cinéma, participait à l’émission de France Inter » Le Masque et la Plume », elle nous recommande en particulier la scène de la gare , elle qualifie le film de « réservoir d’humanité et d’émotions », j’espère que vous y puiserez du plaisir.
Denise Brunet