DOGMAN de Matteo GARRONE – 27 septembre 2018
Matteo GARRONE est né à Rome en 1968. Son père est critique d’Art et sa mère photographe. Il fait ses études au Lycée des Arts de Rome et en sort diplômé à 18 ans. Il commence à travailler comme assistant opérateur. Il gravit peu à peu tous les échelons, tourne des courts métrages, des documentaires puis des films qui obtiennent très vite des succès tant auprès des critiques que du Public, et des prix dans des grands festivals comme Berlin, Cannes et Venise. Je vous citerai « l’étrange M. Peppino », « Premier Amour » « The Tale of Tales » avec Vincent Cassel et Selma Hayek, et surtout « Gomorra » grand Prix à Cannes en 2008. Gomorra est l’adaptation du livre éponyme de Roberto SAVIANO, dénonciation précise des mécanismes de la Maffia. Dès la parution en 2006, son auteur est menacé de mort, placé sous protection policière, et contraint à une vie infernale. Le Ministre de l’Intérieur Matteo SALVINI parle maintenant de supprimer « la ruineuse protection policière » de SAVIANO,… depuis qu’il s’est insurgé contre sa politique migratoire
Dans le cadre de nos soirées « cinéma italien », vous aviez aimé le délicieux « Pigeon » de Mario Monicelli. Cette irrésistible comédie tournée en 1958 dénonçait déjà les injustices et les misères de la société. Mais j’aime autant vous prévenir tout de suite : Certes, dans les deux films le Pigeon et Dogman, il y a une histoire de percement de mur mais c’est le seul point commun : « Dogman », c’est plus la violence et la noirceur de « Gomorra » dans un enfer de béton, que la tendresse et l’ironie du Pigeon dans une Rome ensoleillée….
Lorsque Mattéo GARRONE préparait Gomorra, son père lui a demandé de l’accompagner à un spectacle théâtral joué par les prisonniers dans la maison d’arrêt de Volterra. Dès 1988 en effet, le metteur de scène de théâtre PUNZO avait initié la thérapie contre la récidive de la criminalité par le théâtre et avait commencé par la prison de Volterra. (110 prisons sur 300 en Italie ont un atelier theâtre). Ebloui par la qualité de jeu de l’un d’eux, Anielo ARENA, (condamné à perpétuité pour trois meurtre maffieux), GARRONE souhaite l’embaucher pour son film, sachant qu’en Italie, les condamnés, sous certaines conditions, peuvent bénéficier de 45 jours de liberté. Mais l’administration n’a pas donné son accord en raison du sujet, trop proche des motifs de la condamnation d’Arena. En 2012 GARRONE a renouvelé sa demande pour lui faire jouer le rôle principal dans « REALITY », un exubérant vendeur de poissons pris aux pièges de la téléréalité, et cette fois avec une réponse favorable. « Réality » a obtenu le grand prix à Cannes. Mais ARENA n’ayant pas le droit de sortir d’Italie, n’a pas pu accompagner à Cannes l’équipe de tournage. Il est toujours en prison, et toujours acteur (il a joué l’opéra de quat’sous, Pinocchio…) Vous le retrouverez dans Dogman où il interprète un policier …
Le personnage de DOGMAN est joué excellemment par Marcello FONTE. A 18 ans, ce tout petit et tout menu calabrais « monte » à Rome pour être acteur. Martin Scorcese est en train d’y tourner « Gang of New York » . Tout ce qu’ obtient FONTE c’est un emploi de « doublure-lumière » . Il ne connait personne, prend Di Caprio pour un figurant et lui demande de lui faire un selfie. Le tournage terminé, FONTE se retrouve homme à tout faire dans un Centre Social pour anciens détenus. Les animateurs ont créé une troupe de théâtre amateur dans la lignée de PUNZO. Comme un des acteurs décède brutalement, Marcello FONTE le remplace le jour où précisément GARRONE vient faire un casting pour les figurants de DOGMAN. Subjugué il l’embauche pour le rôle principal… Et FONTE obtient le prix d’interprétation masculine au Festival de Cannes 2018…
Les journalistes qui ont cherché à interviewer ARENA après son prix d’interprétation l’ont retrouvé dans son Centre Social où il a repris son travail et il leur a fait découvrir avec courtoisie toutes les activités du Centre.
GARRONE précise que quand il tombe amoureux d’une histoire (comme pour Dogman inspirée d’un vrai fait divers), il fait le parcours sans voir clairement quel sera le résultat final. Il dit travailler à l’instinct, intéressé essentiellement par la psychologie de ses personnages.
Et vous allez faire ce soir une plongée dans le monde du crime en Italie mêlant réalisme et mythologie, farce et tragédie, avec une certaine emphase visuelle dans la noirceur, et dans les débordements colorés qui rappelleni son modèle FELLINI.
L’Italie dans le Pigeon de MONICELLI se remettait du fascisme. Qu’en est il de celle du Dogman de GARRONE ?
Et si vous me permettez cette plaisanterie, je vais vous laisser découvrir Marcello Fonte, « un acteur qui a du chien »
Marion Magnard