Le film de ce soir est un cri d’alerte. Philippe Van Leeuw, le réalisateur, a voulu mettre des images sur ces personnes qui subissent la guerre au jour le jour. Rester ou partir ? Et partir pour aller où ? voilà leur dilemme quotidien. Le cinéaste espère, qu’après avoir vu le film, nous nous interrogerons davantage sur nos préjugés vis-à-vis des réfugiés. Nous comprendrons mieux ce qu’ont fui ces gens. Le souhait, clairement exprimé par le réalisateur, est que cela nous conduise vers une plus grande solidarité à leur égard.
Philippe Van Leeuw, d’origine belge, est surtout connu au cinéma comme directeur de la photographie. A 63 ans, c’est seulement son second long métrage après « Dieu est parti en voyage » sorti en 2009 : il mettait en scène les derniers jours d’une femme tutsi lors du génocide de 1994.
Ici, il retrace une journée « ordinaire » dans une Syrie en pleine guerre civile depuis 2011. (Pour des raisons évidentes, le film a été tourné à Beyrouth.) Il écarte toute considération politique pour adopter un parti intimiste et humain. Il nous place au cœur de la guerre mais ne nous montre quasiment aucune image de guerre. Toutefois elle est bien présente de façon sonore : bruit des hélicoptères, des tirs de kalachnikovs, des explosions, etc … Si la guerre est dehors, hors-champ, ses conséquences pèsent de manière bien réelle sur ces 8 personnes qui vivent retranchées dans quelques dizaines de m². A l’origine, le titre du film était « Reclus de Syrie ».
Pour faire ressentir l’oppression de la guerre et l’impuissance des victimes, Philippe Van Leeuw a eu recours au huis clos, à une approche théâtrale : unité de lieu : un appartement, unité de temps : 24h, unité d’action : il nous montre l’équilibre fragile du quotidien ; il peut être détruit à la minute prochaine, mais il est maintenu.
On remarquera la prestation de Hiam Abbas : elle était l’héroïne du film « Les Citronniers », elle a également tenu le rôle de l’épouse de Depardieu dans « Aime ton père ». Elle joue ici une femme forte ; Oum Yazan. Juliette Navis, qu’on a vu dans « Hippocrate » joue le rôle d’une immigrée venue d’Asie du Sud, elle est la bonne. On découvre une actrice libanaise, Diamond Bou Abboud, qui, par de simples jeux de regards, sait donner à certains passages une intensité dramatique. Les autres acteurs sont essentiellement syriens.
Ce film bouleversant se révèle un hommage aux femmes, à leur courage, à leur lutte pour la survie malgré la peur qui les ronge. Il a reçu le prix du public à Berlin dans la catégorie « Panorama », le prix du meilleur scénario au festival de Pékin et plusieurs prix : celui de la mise en scène, de la meilleure actrice du public au festival d’Angoulême. Il est temps de le découvrir, je vous souhaite une bonne projection. Denise Brunet