Manchester by the sea est le nom d’une ville côtière du Massachussets, au Nord-Est des Etats-Unis, à la lisière du Canada. Station balnéaire, port de pêche aux maisons de brique, aux zones urbaines sans attrait, il y fait froid et gris l’hiver. Dans ce décor se déroule l’action du film. Le héros a grandi dans une de ces familles ouvrières, nombreuses dans la ville, il y a vécu.
Le réalisateur Kenneth Lonergan, âgé de 54 ans, très célèbre aux Etats-Unis, reste injustement méconnu en France. Dramaturge, coauteur de nombreux scénarios, il a déjà réalisé deux films de bonne facture « Tu peux compter sur moi » nommé aux Oscars en 2000 et « Margaret » en 2008. Ses films racontent toujours des vies confrontées à des tragédies imprévisibles. De l’avis de tous, son 3ème long métrage en 16 ans : « Manchester by the sea » surpasse les autres. C’est lui qui l’a écrit et réalisé à la fois.
Suscitant une forte émotion, c’est même un des films les plus bouleversants de l’année. « Que font les gens quand la vie prend une tournure terrible et qu’ils ne peuvent plus rien y faire, voilà la question que pose mon film » dit K.Lonergan. Toutefois, il ne nous donne pas toutes les clés de lecture dès le début, ce qui explique qu’on ait quelque peine à « accrocher ». Mais bien vite de nombreux flash-back distillés avec beaucoup de subtilité sont autant de révélations successives. L’effet de surprise est totalement maîtrisé.
Lonergan analyse des sentiments aussi complexes que la culpabilité, la responsabilité, l’amour fraternel, dans cette Amérique déclassée ; mais on n’en sort pas du tout accablé, au contraire dit un critique « on a envie de serrer ses proches dans ses bras à la sortie ». par ses thèmes : le deuil, les liens familiaux, l’héritage, le film se rapprocherait d’un mélo, mais sans aucun pathos. Lonergan sait tisser avec délicatesse le passé et le présent, la mémoire et la nécessité d’être là, de rester debout. On comprend dés lors qu’il ait reçu l’Oscar du meilleur scénario original, après avoir obtenu plusieurs Golden Globes dont celui du meilleur film dramatique, du meilleur scénario, du meilleur réalisateur. Pour couronner le tout, ce film est une leçon d’interprétation. Casey Affleck incarne Lee, un jeune homme enfermé dans son corps, imperméable au monde qui l’entoure, rongé par un passé enfoui. Casey Affleck vient d’être récompensé par l’Oscar du meilleur acteur. Initialement Matt Damon devait tenir le rôle et réaliser le film, mais en raison d’un agenda trop chargé, il a cédé sa place? Finalement, il sera l’un de ses producteurs.
Michelle Williams, qu’on a vue il y a quelques années dans « Shutter Island » se révèle magnifique en incarnant l’ex-épouse de Lee ; la séquence où ils se rencontrent par hasard tous les deux, est remarquable, tout comme celle du commissariat.
L’humour, la décontraction sont apportés par un jeune acteur de 17 ans : Lucas Hedges, dans le rôle du neveu. Sa fraîcheur se marie parfaitement avec la tristesse inconsolable de l’oncle.
Ajoutons la précision des cadres, las beauté de la photographie de Jody Lee Lipes, l’utilisation savante des grands morceaux de musique classique.
A l’évidence, le nom de Kenneth Lonergan va enfin traverser les frontières et je vous souhaite de passer une bonne soirée avec le plus beau de ses trois films.
Denise Brunet