Frantz, de François Ozon
François Ozon est un réalisateur qui aime surprendre, être là où on ne l’attend pas. Depuis son premier succès, Sous le sable en 2000 ; il n’a cessé d’explorer des formes et des genres différents avec par exemple une comédie musicale en « huit clos » (8 femmes) ; un thriller librement inspiré de La Piscine, intitulé Swimming pool ; un drame en costumes, Angel ; une comédie musicale politique, Potiche ; et plus récemment trois films inattendus : Dans la maison, Jeune et jolie et Une nouvelle amie. Des genres différents donc, mais des constantes : des personnages principaux le plus souvent féminins, en conflit avec une société conformiste, le deuil, l’initiation à l’amour… et une manière de filmer qui oscille entre le réalisme et une artificialité totalement assumée.
Le film de ce soir est librement inspiré d’un film peu connu de Lubitsch sorti en 1932, intitulé Broken Lullaby (L’homme que j’ai tué), lui-même adapté d’une pièce écrite par Maurice Rostand (fils d’Edmond Rostand), qui avait voulu faire en 1930 une œuvre pacifiste portant un message de réconciliation en Français et Allemands. Il s’agit d’un drame à la fois historique et intimiste, sur le thème de l’absence (puisque le titre désigne le disparu), du mensonge et des faux semblants, du secret et de l’amour. L’histoire est située juste après la 1ère guerre mondiale, et le choix du noir et blanc peut apparaître comme un choix esthétique, Ozon le justifie notamment par le fait que notre mémoire de cette époque est en noir et blanc, mais il s’est aussi imposé pour des raisons financières, le budget du film ne permettant pas de reconstituer des décors crédibles en couleurs. Néanmoins Ozon n’a pas totalement renoncé à la couleur, qui apparaît dans certaines scènes du film. Le titre du film comporte une faute d’orthographe puisque le prénom Franz s’écrit sans t en allemand, cependant c’est une faute courante chez les Français et que le réalisateur a voulu garder pour donner justement un côté français à ce titre. Ozon dit « Je me suis raconté que c’était Frantz qui avait rajouté ce « t », car il est un grand francophile ».
Si le réalisateur enchaîne des projets très différents les uns des autres, c’est aussi le cas pour l’acteur principal du film, Pierre Niney, qui a tourné dans trois films cette année : la comédie Five sortie en mars, Frantz ainsi que L’Odyssée, qui sortira le 12 octobre, film sur le commandant Cousteau. Pour préparer ce film, il a pourtant dû mener un long travail préparatoire puisqu’il a appris à cette occasion l’allemand, le violon et la valse ! L’actrice principale, Paula Beer, âgée de 21 ans, apparaît ici pour son premier grand rôle à l’écran, mais est déjà considérée comme la révélation de l’année, voire la « future Romy Schneider » et a obtenu le Lion d’or du meilleur espoir féminin à la Mostra de Venise.
Je vous laisse découvrir ce film totalement européen (franco-allemand, primé à Venise…) pré-sélectionné pour la prochaine cérémonie des Oscars, de même que Cézanne et moi actuellement diffusé dans votre cinéma préféré.