Dalton Trumbo – film américain de Jay Roach (2015) sorti en France en avril 2016
Licencié de Stanford, diplômé de cinéma de l’Université de Californie, Jay Roach, né en 1957, est producteur, réalisateur, et scénariste. Il est devenu mondialement célèbre pour la réalisation de comédies :
En 1997 il réalise le film Austin Powers, une parodie de James Bond emmenée par l’acteur Mike Myers, suivi d’Austin Powers, l’espion qui m’a tirée (1999). Il produit plus tard (2002) Austin Powers dans Goldmember, moins réussi.
Puis, à partir des années 2000, il dirige Robert de Niro et Ben Stiller dans la comédie Mon beau père et moi, qui fait un carton au box-office. Il obtient la participation de Dustin Hoffman et de Barbra Streisand pour la suite réalisée en 2004, Mon beau-père, mes parents et moi (titre américain Meet the Fockers !).
En 2010, en revanche, le remake canadien du Dîner de cons de Francis Veber, est un échec critique et commercial. A noter qu’il a également soutenu en qualité de producteur les films Borat et Brüno, avec Sacha Baron Coen et différentes séries télévisées à succès.
Son autre sujet de prédilection est la politique, qu’il aborde par exemple en 2008 dans deux œuvres pour la télévision : Recount, sur l’élection présidentielle américaine et le décompte des voix entre Al Gore et Georges W. Bush, et Game Change, récit de la montée médiatique de Sarah Palin, interprétée par Julianne Moore, pour lequel cette dernière obtient un golden globe de la meilleure actrice.
En 2015, il réalise le film que nous vous présentons ce soir, Dalton Trumbo.
Pour moi, Dalton Trumbo reste à tout jamais l’auteur du livre bouleversant « Johnny got his gun » (titre français : Johnny s’en va-t-en guerre) paru en 1937 aux US, et que j’ai lu pour ma part dans les années 70, lors de la sortie du film éponyme que Trumbo a adapté de son propre roman et réalisé au début de la guerre du Vietnam.
Dans son film, Jay Roach choisit de nous montrer un autre aspect de l’histoire personnelle de Dalton Trumbo qui croise à la fois une page célèbre de l’histoire américaine, et aussi de l’histoire du cinéma. En 1947, la « commission parlementaire des affaires anti-américaines » HUAC tient neuf jours d’audiences sur la présence d’une supposée influence et propagande communistes dans l’industrie cinématographique d’Hollywood. Dalton Trumbo, qui avait adhéré au parti communiste pendant la guerre, est un des « Dix d’Hollywood » ces producteurs, auteurs ou réalisateurs qui sont condamnés pour avoir refusé de répondre aux questions de la commission sur leur appartenance au parti communiste en invoquant le 1er amendement de la Constitution américaine. Ils sont condamnés pour outrage au Congrès à des peines de prison qu’ils purgent à partir de juin 1950. En outre, dès 1947, ils sont interdits d’exercer pour l’industrie du cinéma : c’est la naissance de la liste noire de l’industrie cinématographique, sur laquelle figureront plus de 300 artistes (réalisateurs, scénaristes, commentateurs radio, acteurs…) boycottés par les studios. Certains seront conduits au suicide. Des créateurs comme Bertolt Brecht, Charlie Chaplin et Orson Welles quittent les Etats Unis à cette époque. D’autres enfin, comme Dalton Trumbo, continuent leur travail sous des pseudonymes ou sous le nom de collègues. Enfin, les studios sont encouragés à réaliser des films de propagande anti-communistes et anti-soviétiques, comme Big Jim McLain avec John Wayne.
Dalton Trumbo est interprété dans le film par Bryan Cranston, célèbre interprète des séries télévisées Malcolm, et surtout, Breaking Bad. Il a été cité cette année pour l’Oscar du meilleur acteur pour son interprétation de Trumbo, Oscar emporté finalement on le sait, par Léonardo di Caprio.
A ses côtés, d’autres brillants acteurs, dont Helen Mirren qui interprète la journaliste Hedda Hopper.
Citons également John Goodman, d’une part, et Michael Stuhlbarg, qui fut Larry Gopnik dans le film A serious Man des frères Cohen, et qui interprète dans le film l’acteur Edward G. Robinson, qui fut lui aussi appelé à témoigner devant la commission.
Le film est l’occasion d’évoquer une galerie de personnages célèbres de l’histoire du cinéma comme John Wayne, Kirk Douglas ou Otto Preminger. Les interprètes n’ont pas été choisis pour leur ressemblance avec les personnages réels, mais plutôt sur leur aptitude à les incarner.
Jay Roach a expliqué qu’il avait été particulièrement intéressé par le fait de mettre en scène les raisons qui avaient poussé les hommes de l’époque à adopter telle ou telle attitude de résistance ou de « collaboration » face à l’action de la Commission parlementaire, leur réelle marge de choix, et les conséquences qui en étaient découlé pour eux et leur famille.
Qu’est ce qui fait qu’un homme célèbre tel que Dalton Trumbo, au sommet de la réussite sociale, et heureux époux et père de famille, décide d’affirmer ses opinions ce qui le conduit en leur nom à être emprisonné, séparé des siens, et contraint d’écrire sous un pseudonyme ?
Jay Roach montre également comment la peur du communisme et de la course à l’armement nucléaire a été utilisée à l’époque pour limiter les libertés individuelles, provoquant de nombreuses victimes, pour un résultat somme toute assez dérisoire.
Il nous invite ainsi plus largement à la vigilance et au scepticisme, en ces temps où Islam et terrorisme sont parfois confondus.
Pour terminer signalons que Jay Roach a réalisé cette année pour la chaîne américaine HBO un film intitulé All the Way, dans lequel il dirige à nouveau Bryan Cranston, et qui retrace un an de la vie du Président Lyndon Johnson après l’assassinat de JF Kennedy, qui, sans y avoir été préparé, va devoir affronter l’entrée dans la Guerre du Vietnam et la lutte pour les droits civiques aux US.
Bonne projection !
Y Dominique Magnard