Archives de catégorie : Les fiches de présentation des films

Les fiches de présentations rédigées par les bénévoles et présentées avant les séances « Toiles Émoi ».

Soleil vert, de Richard Fleischer

Soleil vert, de Richard Fleischer

Nous sommes heureux, comme chaque année, de vous proposer cette soirée en partenariat avec la MJC, dans le cadre du Festisol, rendez-vous annuel international qui cherche à promouvoir une solidarité ouverte sur le monde. Chaque année, les animations sont regroupées autour d’un thème fédérateur, et cette année il s’agit de la souveraineté alimentaire. Vous avez pu assister à différentes animations sur ce thème et vous pouvez encore découvrir à la MJC une exposition intitulée « Nourrir l’humanité avec humanité ». Sur ce sujet, la MJC a présenté samedi dernier un documentaire intitulé La ferme à Gégé, quant à nous, nous avons choisi de vous faire redécouvrir un film d’anticipation tourné en 1972, mais dont l’action est située en 2022, afin de réfléchir à la façon dont on envisageait notre présent il y a 50 ans.

Dans les œuvres d’anticipation, il y a 2 manières d’envisager le futur et de dénoncer les défauts du présent: soit en imaginant un avenir utopique, où l’humanité aura enfin trouvé l’harmonie et aura gommé les défauts de notre monde ; soit, et c’est le plus répandu, en imaginant un futur dystopique où les défauts de notre société se sont accentués jusqu’à mener notre monde à sa perte. C’est ce que fait ce film, librement inspiré d’un roman écrit en 1966, en nous projetant dans une ville de New York surpeuplée de 40 millions d’habitants, étouffée par la chaleur et la pollution. Le roman mettait l’accent sur le danger de la surpopulation et prônait la contraception et le contrôle des naissances pour améliorer l’avenir de l’homme. Le film, 6 ans plus tard, met l’accent sur la crise écologique qui menace l’humanité. Il dépeint un futur dans lequel les océans sont mourants et la canicule est présente toute l’année en raison de l’effet de serre. La surpopulation a engendré une pression insoutenable sur les ressources naturelles de la Terre, rendant l’alimentation des masses dépendante d’un produit manufacturé, le Soylent green (il faut noter au passage que le mot Soylent n’a rien à voir avec le mot français « soleil », c’est une contraction des mots « soja » et « lentilles »). L’entreprise productrice du Soylent green jouit d’une puissance incontrôlée, qui n’est pas sans rappeler le poids des multinationales dans nos sociétés. Le film montre également une société dans laquelle la division sociale est exacerbée. Une fracture abyssale s’est creusée entre une minorité fortunée et une majorité complètement démunie.

Le film mélange 2 genres : le film d’anticipation mais aussi le film policier, dont le rôle principal est tenu par Charlton Heston, qui mène l’enquête pour percer le secret du Soylent green. Vous reconnaîtrez peut–être aussi Edward G Robinson, grand acteur des années 30/40, qui tient dans ce film son dernier rôle à l’écran, et qui allait mourir très peu de temps après ; et Joseph Cotten, qui a souvent tourné avec Orson Welles et Hitchcock.

Bonne séance !

Killers of the flower moon, de Martin Scorsese

Killers of the flower moon, de Martin Scorsese

Présentation très brève ce soir parce que le film est très long et parce que je ne vous ferai pas l’affront de vous présenter le réalisateur, qui a fêté ses 80 ans l’année dernière et qui est devenu un monument du cinéma avec ses 27 longs métrages de fiction mais aussi ses documentaires sur le cinéma et j’en passe…

Le film que nous allons voir est l’adaptation d’un récit non fictionnel de David Grann (l’auteur également de The Lost City of Z, adapté par James Gray), paru en 2017 (sous le titre La Note américaine en français), dans lequel l’auteur retrace son enquête sur des meurtres perpétrés dans les années 1920 sur plusieurs membres du peuple Osage, assassinés après avoir trouvé du pétrole sur leurs terres. Scorsese a vu dans ce sujet l’occasion de réaliser son propre western : « J’ai toujours voulu faire un western, mais je ne suis jamais passé à l’acte. J’ai aimé d’innombrables westerns dans ma jeunesse et je les aime toujours. (…) J’aimais les films construits autour des mythes traditionnels du western davantage que les westerns psychologiques. Mais l’intérêt de bien connaître l’histoire du cinéma est de ne jamais reproduire ou répéter ce qui a déjà été fait. Il s’agit de s’en inspirer et d’avancer. Ces films m’ont nourri en tant que cinéaste mais ils m’ont aussi donné envie d’aller plus loin dans l’histoire réelle. »

Scorsese réunit ici pour la 1ère fois ses 2 acteurs fétiches, Robert de Niro, avec qui il a déjà tourné 9 films, et Léonardo di Caprio, 5 films (ils ont déjà tourné 2 films ensemble mais pour d’autres réalisateurs). Par ailleurs, une grande partie du casting est bien sûr composée de natifs américains. Une petite anecdote au sujet de l’actrice principale, Lily Gladstone: elle était sur le point de quitter le cinéma en 2020 et de postuler à un poste au ministère de l’agriculture, mais alors qu’elle allait rentrer son code de carte bleue, elle a reçu une notification par mail de l’équipe de Martin Scorsese pour une demande de participation à une réunion en visioconférence, Scorsese l’avait repérée dans les films de Kelly Richard , pour qui elle a beaucoup tourné.

Pour terminer, quelques mots sur le titre du film, qui est le titre original du livre de Grann. Aux Etats-Unis, certaines tribus amérindiennes appelaient la pleine lune du mois de mai la « Lune des fleurs » (Flower Moon). Cette période correspondait à la floraison de la fleur de lune, or il s’agit de la période des assassinats dépeints dans le livre. Cette fleur promesse de récoltes abondantes pour les Osage est ainsi détournée de son sens initial pour lui donner une connotation dramatique et sombre.

 

 

Le ravissement, d’Iris Kaltenback

LE RAVISSEMENT, de Iris KALTENBACK –

Iris KALTENBACK, la réalisatrice du film que vous allez découvrir est née à Paris en 1988. Sa mère est française, son père autrichien, son demi-frère américain, et chacun vit sa vie sans trop s’occuper des autres. Iris se sent seule et adolescente se trouve un refuge près de son lycée dans un vidéoclub qui l’accueille chaleureusement et où elle voit tous les films. Après un bac Sciences de la terre, elle fait des études de philo et de droit, suivies d’un stage chez une avocate pénaliste. Et Iris raconte : « Les tribunaux, ce sont de vraies mines à fictions, c’est une bonne école de cinéma. Et l’avantage du cinéma, c’est qu’il n’y a pas la frustration apportée par la nécessité d’un jugement. Et je trouve beau de chercher comment le vrai peut émerger d’un marécage de faux ».

Après un autre stage sur la mise en scène au théâtre, elle décide d’intégrer la FEMIS, la célèbre école de cinéma, dans la spécialité « scènarios ».

Et c’est en adaptant des faits divers travaillés lors de son stage dans les tribunaux qu’elle tourne son premier court métrage « le vol des cigognes » en 2015 puis son premier long métrage « Le ravissement » qui est aussi inspiré du livre de Marguerite Duras, «  le Ravissement de Lol V Stein » où Iris a retrouvé des thèmes qui lui sont chers, l’obsession et le déni du chagrin. Et je vous rappelle que le mot Ravissement a 2 sens…

Le rôle principal du Ravissement est tenu par Hefsia HERZI, née en 1987, donc une contemporaine d’Iris. La famille, de 6 enfants, avec un père tunisien et une mère algérienne, vit à Marseille. Hefsia, très jolie petite fille, est retenue pour tourner dans des téléfilms dès l’âge de 13 ans. Elle a 17 ans quand l’auditionnant pour un rôle secondaire dans « La graine et le Mulet » qu’il prépare, Kéchiche la trouve tellement juste et émouvante qu’il l’engage pour le rôle principal. Je suis sûre que vous n’avez pas oublié la danse qu’elle doit faire durer et durer pour donner à son père le temps de trouver la graine nécessaire au festin attendu dans son restaurant !

Césarisée meilleur espoir féminin, elle s’installe à Paris, suit des cours de théatre, tourne comme actrice (vous l’avez vue entre autres dans « Apollonide » de Bonello et dans « La source des femmes ») et comme réalisatrice, dans « Bonne mère » et « tu mérites un amour »

Et le travail exceptionnel de ces deux jeunes femmes nous donne un film mené de main de maître, singulier, complexe, à la fois tendre et inquiétant.

 

 

Goodbye Julia , de Mohamed Kordifani

Au revoir Julia GOODBYE JULIA

Le film de ce soir est le premier film soudanais sélectionné au Festival de Cannes dans la section Un Certain Regard. Il a remporté le prix de la Liberté dont l’objectif est de soutenir financièrement le distributeur français du film primé.

Son réalisateur, Mohamed Kordofani aime écrire des histoires et est passionné par l’art depuis toujours. Il grandit dans les années 80 à Khartoum entouré d’hommes, de son père, de ses oncles, tous très conservateurs et embrasse sans se questionner la culture traditionnelle de son clan.

Ses études en Jordanie et ses voyages vont lentement et progressivement modifier sa manière d’appréhender le monde. Il fait carrière comme ingénieur dans l’industrie aéronautique dans les pays du Golfe, au Bahreïn notamment, où il réside encore aujourd’hui.

Il commence en parallèle à réaliser des courts métrages de fiction ou documentaire comme simple autodidacte. Son premier court tourné en 2016, s’intitule Nyerkuk, ce qui signifie littéralement « Parti pour l’or ». Il raconte la fuite d’un garçon de 10 ans suite à la mort de son père dans une frappe aérienne qui va pour s’en sortir faire alliance avec un voyou qui pille l’intérieur des maisons.

Le deuxième KEJER’S PRISON sorti en 2019, est tourné dans une prison de Khartoum. Mohamed Kordofani choisit de le projeter en public sur une place de la capitale devant le quartier général des militaires lors des sit-in d’avril-mai 2019 pendant la révolution soudanaise contre la junte au pouvoir.

En 2020, il réalise un documentaire A TOUR IN LOVE REPUBLIC que l’on peut traduire par une visite dans la république de l’amour, qui filme cette fois-ci le sit-in des manifestants dissidents.

Quand la pandémie de Covid a commencé et que les vols ont tous été suspendus, Mohamed Kordofani décide alors de quitter l’aviation pour investir l’intégralité de ses économies dans la création d’une société de production et ainsi financer, produire et réaliser Goodbye Julia.

Ce film comme les précédents est nourri des conflits vécus par le peuple soudanais.

Ces conflits sont inhérents à la complexité du Soudan. Tout d’abord l’histoire du Soudan marquée par son passé esclavagiste et colonial qui a divisé la société entre arabes musulmans privilégiés au nord et, noirs catholiques minoritaires au sud. Depuis l’indépendance, le pays est plongé dans la guerre civile ce qui a exacerbé les haines raciales et religieuses.

A ceci s’ajoutent la richesse du sous-sol en or à l’ouest et en pétrole au Soudan du Sud puis la situation géostratégique au bord de la mer Rouge qui échauffe les esprits de ceux qui veulent contrôler le trafic maritime de la Méditerranée vers l’océan Indien et aussi contrôler l’approvisionnement mondial en pétrole.

Ce qui a motivé Mohamed Kordofani à écrire le film de ce soir, c’est le choc et l’incompréhension première ressentis lors du résultat du référendum de 2011 pour lequel les soudanais du sud ont voté à 98% pour l’indépendance. Il n’a pas compris comment une nation entière pouvait souhaiter faire sécession. Mais après réflexion, il a réalisé qu’en fait, bien qu’ayant vécu à Khartoum, il ne connaissait lui-même pas un seul Sud-Soudanais. Il lui semblait en apparence être respectueux mais il les rabaissait inconsciemment, bref il était raciste. Il a alors pris en pleine figure son éducation patriarcale bien pensante et ses conséquences sur le vivre ensemble. Il dit je cite « En écrivant ce film, j’essaye de me débarrasser de ce racisme hérité. Je suis animé par un sentiment de culpabilité et un profond désir de réconciliation. »

Mohamed Kordofani choisit donc de raconter cette période charnière de l’histoire du Soudan par le prisme de l’amitié particulière entre deux femmes l’une du Nord et l’autre du Sud, dans une société foncièrement misogyne.

Les acteurs qui sont réellement originaires du nord et du sud, sont expérimentés ou non. Celui qui jour le rôle de Majier a même été enfant soldat.

Le tournage a débuté 1 an après le coup d’Etat du 25 octobre 2021 au milieu des manifestations et des barrages policiers. L’équipe a été confrontée aux récurrentes coupures d’électricité ou encore aux perturbations des télécommunications visant à saper les protestations. On peut imaginer que les conditions de tournage sur 45 jours ininterrompus ont été éprouvantes.

Mais ironie du sort, alors que Mohamed Kordofani terminait le mixage de son film à Beyrouth, une nouvelle guerre a éclaté au Soudan (le 15 avril 2023), détruisant une grande partie de sa capitale.

La plupart de ses collaborateurs sur le film ont dû fuir en Éthiopie ou en Égypte voisines, leurs vies, comme celles de toutes les populations, une nouvelle fois menacées…

Les feuilles mortes, d’Ari Kaurismaki

Aki Kaurismäki naît en 1957. Fin des années 1970, il étudie le journalisme à l’université de Tampere en Finlande. À cette époque, il est membre du ciné club, participe à l’organisation du festival du film local et écrit des critiques de film pour la revue étudiante. Hésitant entre l’écriture et le 7ème art, il est recalé à l’entrée de l’école de cinéma car jugé trop cynique.

C’est ainsi qu’il rejoint son grand-frère Mika à Munich, où celui-ci poursuit des études de cinéma. Pour gagner sa vie, il exerce différents métiers : facteur, plongeur, ouvrier du bâtiment. En parallèle, il suit les séances de la cinémathèque locale dirigée par Enno Patalas, expert et historien de cinéma et c’est donc comme çà qu’il fait son apprentissage cinématographique en pur autodidacte. Mika lui propose ensuite de faire l’acteur dans son film de fin d’études, la carrière d’Aki Kaurismäki peut alors commencer.

Les deux frères, cinéphiles et amoureux de la Nouvelle Vague vont par la suite monter une société de production qu’ils appelleront Alphaville en hommage au film de Jean-Luc Godard.

Tout au long de sa création artistique, Aki Kaurismäki ne cesse de dénoncer les dérives d’une société capitaliste et bureaucratique qui oublie l’être humain et détruit son environnement. Il aime mettre en lumière la vie des gens ordinaires, leurs joies et leurs peines. Quatre thématiques se dégagent de la filmographie de Kaurismäki : l’adaptation de classiques de la littérature, Crime et châtiment son premier long métrage sorti en 1983, le road-movie musical et déjanté, Leningrad cow-boys sorti en 1989 et enfin les sagas des ouvriers et des exclus.

Certains d’entre vous se souviendront peut-être qu’il y a 6 ans, au moment de la sortie de L’autre côté de l’espoir, une comédie sur les migrants, Aki Kaurismäki avait déclaré à la télévision finlandaise que ce serait son dernier film.

Aujourd’hui il fait son retour et signe avec Les feuilles mortes le quatrième opus de sa tétralogie ouvrière après Ombres au paradis, Ariel et La fille aux allumettes.

Il n’utilise sans doute plus la caméra d’Ingmar Bergman, mais il reste toujours fidèle à l’argentique. Le film de ce soir est tourné en partie en studio et dans le quartier ouvrier de la ville d’Helsinki. Dès les premières images, on reconnaît la signature d’Aki Kaurismäki avec des plans sombres, cadrés comme des décors de théâtre et illuminés de couleurs jaunes, rouges, vertes et bleues comme dans les tableaux d’Edward Hopper.

Le décor est totalement anachronique mêlant des accessoires en formica et bakélite, un cinéma de quartier qui exhibe de vieilles affiches de film et un transistor qui distille des nouvelles de la guerre d’Ukraine.

Jusqu’au dernier plan du film, on retrouve des références cinématographiques tantôt à Bresson, Ozu, Chaplin, ses divinités domestiques tels qu’il aime à les nommer.

Au centre de ce décor évoluent les acteurs qui parlent peu et dont l’expression tient parfois dans un simple échange de regard.

Alma Pöysti dans le rôle d’Ansa et Jussi Vatanen dans le rôle d’Holappa interprètent deux âmes en peine, une caissière de supermarché solitaire et un ouvrier alcoolique. Ils se croisent dans un bar karaoké, véritable institution en Finlande et c’est le coup de foudre.

Je vous laisse découvrir Les feuilles mortes qui a reçu le prix du jury 2023 au festival de Cannes.

 

Ama gloria, de Marie Amichoukeli

Ama Gloria, de Marie Amachoukeli.

Ama Gloria a été présenté à Cannes et vient de sortir il y a 15 jours, et voilà un film qui met tout le monde d’accord : critiques et spectateurs s’accordent sur le caractère sensible et émouvant de cette histoire simple, celle d’une relation entre une enfant et sa nounou originaire du Cap vert.

Sa réalisatrice, issue de la FEMIS, a co-écrit et réalisé plusieurs courts métrages remarqués en collaboration avec Samuel Theis et Claire Burger et, en 2014, elle est passée avec eux au long métrage avec Party girl, l’histoire de la mère de Samuel Theis, entraîneuse de cabaret qui accepte de se marier avec un de ses clients réguliers.

On retrouve la même veine réaliste et autobiographique avec Ama Gloria, en effet, ce film est dédié à Laurinda Correia, concierge d’origine portugaise qui s’est occupée de la cinéaste lorsqu’elle était petite et qui est retournée vivre au Portugal quand elle avait 6 ans. Marie Amachoukeli parle ainsi de la genèse du film : « Avec ce film, j’avais envie de raconter la place de quelqu’un qui s’occupe d’un enfant pour gagner de l’argent car c’est son travail, et comment parfois cela déborde » « Dans notre société, où la place de la mère est sacralisée, je crois que c’est tabou de dire qu’il n’y a pas que les parents qui peuvent avoir un amour débordant pour leurs enfants, ou qu’à l’inverse un enfant peut ressentir cet amour-là, absolu, pour une personne qui n’est pas son parent. Tu ne le dis même pas à ta propre famille. C’est un amour secret, presque clandestin, qui n’est jamais formulé. Et justement parce qu’il est secret, j’ai eu envie de le raconter. »

Cependant, elle a situé l’origine du personnage au Cap Vert plutôt qu’au Portugal, ce qui est lié au choix de l’actrice. En effet, pour le rôle de Gloria, elle a rencontré beaucoup de nounous de plusieurs générations qui lui ont confié leurs histoires. Elle a fait la connaissance de Ilça Moreno par l’intermédiaire de sa directrice de casting qui a eu un coup de foudre pour elle suite à un premier essai. Elle confie : « Ilça ressemble énormément au personnage de Gloria. Son parcours est très proche de celui du film, à moins que ce ne soit l’inverse. A l’origine, elle est infirmière au Cap-Vert. » « En arrivant en France, elle s’est occupée d’enfants, en particulier d’un garçon handicapé dont elle était très proche. Elle m’a raconté pudiquement une partie de sa vie, son village et ses trois enfants qu’elle a dû laisser à sa mère. La rencontre avec Ilça m’a permis d’enrichir le scénario, de l’inscrire dans la réalité d’un pays. 

Toutefois le parti pris du film n’est pas de témoigner d’une réalité sociale, mais de reconstituer le point de vue de l’enfant. Pour cela, elle a voulu faire un film très sensoriel, au plus proche des personnages avec une caméra portée et beaucoup de gros plans pour saisir les gestes, les murmures. L’enfant qui interprète Louise n’a pas été trouvée dans les réseaux de castings, mais remarquée par la réalisatrice dans un parc où sa relation avec son frère témoignait de son caractère affirmé.

Le film se compose de 3 parties : la 1ère en région parisienne, la 2ème sur une île volcanique du Cap Vert et la 3ème sous forme d’animation : 12 minutes sous forme de peintures animées image par image.

Je vous laisse maintenant découvrir ce récit d’apprentissage qui est aussi celui dune double émancipation : celle d’une femme qui rentre dans son pays pour ne plus être l’employée de quelqu’un, et celle d’une enfant qui apprend à grandir.

 

Anatomie d’une chute, de Justine Triet

Anatomie d’une chute, Justine Triet

Pour faire suite à notre AG, nous avons décidé de nous offrir et de vous proposer le film qui a remporté la palme d’or à Cannes cette année, 3ème Palme d’or décernée à une femme en 30 ans, après Jane Campion en 1993, Julia Ducourneau en 2021, elle a donc été attribuée à Justine Triet cette année (si vous êtes réalisatrice et que votre prénom commence par un J, vous avez vos chances !).

Pour cette brève présentation, je vous propose une rapide réflexion sur le titre du film, un titre très lourd de sens, contrairement à celui des 2 précédents films de J Triet, Sibyl et Victoria qui évoquait seulement les 2 personnages principaux.

D’abord, le titre renvoie explicitement à un film d’Otto Preminger, traduit en français Autopsie d’un meurtre, mais en anglais « Anatomy of a murder » (1959). Il s’agit d’un des plus grands films de procès de l’histoire du cinéma. Dans « Victoria » (2016), Justine Triet avait déjà filmé une avocate. Mais ici elle met en scène une cour au travail. Dans tout récit de procès, l’action progresse à travers le dialogue, porté par les comédiens qui incarnent les différents participants d’un procès. Hors la réalisatrice a choisi de montrer très peu de flash back, pour laisser la parole envahir tout l’espace du film. Et en particulier dans la seconde moitié du film, qui se resserre sur un duel entre l’accusée et l’avocat général, homme à sang froid et au crâne rasé joué par Antoine Reinartz. Or le combat est inégal car Sandra est fragilisée par sa maîtrise insuffisante de la langue française et le film offre une belle réflexion sur la langue, le pouvoir de ceux qui savent s’en servir, la vulnérabilité des autres. Dans le rôle de Sandra, l’actrice Sandra Hüller, pour laquelle le rôle a été spécialement écrit, est bouleversante, accusée non pas pour ce qu’elle a fait mais pour ce qu’elle est.

Le terme d’  « anatomie » renvoie au vocabulaire de la médecine, mais il s’agit plutôt d’une anatomie verbale, qui met au jour et dissèque non seulement un crime mais aussi un couple. Une dissection qui étale de façon presque obscène la vie d’une femme et d’une mère, ses romans, ses habitudes, ses moeurs… Et l’on comprend que la « chute » du titre n’est pas seulement celle d’un homme, mais celle d’une relation amoureuse, et vous verrez que le motif de la chute est omniprésent dans le film, dès le 1er plan .

 

Le livre des solutions de Michel Gondry

Le Livre des Solutions, de Michel Gondry – 5 octobre 2023                                                                              Présentation de Marion Magnard

Michel Gondry, musicien, dessinateur, réalisateur, nait à Versailles en 1963. Au Lycée, il n’est heureux qu’aux cours de dessin et de musique et les caricatures vachardes qu’il fait de ses professeurs et de ses condisciples ne lui attirent pas que des amis.

Après des études de dessin, il débute dans la vie active avec des bandes dessinées, des courts métrages, des pubs et des clips-vidéos d’abord pour son groupe oui-oui dont il est le batteur, puis pour des artistes comme son égérie Bjork, les Rolling Stones, Radiohead, Iam et Daft Punk.

Et Michel Gondry a aussi une autre activité, le bricolage, je l’ai découvert en poussant à Sète la porte du très charmant MIAM, le musée international des arts modestes, la maquette d’un superbe voilier que Michel Gondry a confectionné, nous dit il, uniquement avec des rouleaux de sopalin et de papier hygiénique. Et maintenant il s’occupe de créer à Cannes un musée éphémère du cinéma.

C’est en 2001 qu’il tourne Human Nature son 1er long mètrage, où 2 marginaux loufoques         cherchent à améliorer la nature humaine, début d’une filmogaphie abondante et très originale, fourmillante d’idées et d’humour, tournée en France et aux USA.

En 2004, il tourne « Eternel sunshine of the spotless mind », son film le plus célèbre, superbe, très construit, où le réalisateur invente la science des manipulations de la mémoire.

Eternel Sunshine séduira des années plus tard l’acteur Pierre Niney. né en 1989 à Boulogne Billancourt. Lorsqu’il découvre Eternel Sunshine il est pensionnaire de la Comédie Française et Césarisé le meilleur acteur pour son interprétation d’Yves Saint Laurent dans le film de Jallil Lespert. Enthousiasmé par le réalisateur, il le rencontre et ils deviennent amis immédiatement malgré la différence d’âge. « Pas étonnant, nous dit Michel Gondry, nous sommes exactement pareils, deux têtes à claques ».

En 2013, Gondry adapte l’Ecume des jours, le livre de Boris Vian. C’est lors du montage qu’il se sent très mal, il a un million d’idées, mais est incapable de choisir entre elles. Il a l’impression de trahir l’auteur qu’il admire comme écrivain et comme musicien. IL consulte un psy qui le diagnostique bipolaire.

Bipolaire ou pas , il continue à tourner. Ce sera «  Microbe et Gasoil, un tendre road movie sur l’échappée de deux adolescents, puis il part aux USA où il tourne un documentaire sur la Philosophie, puis des séries avec les plus célèbres acteurs d’Hollywood. Et il retourne en France, « les producteurs US intervenant trop dans la réalisation ».

Il n’a pas oublié son grand malaise à la suite du montage de l’Ecume des jours, son incapacité à choisir entre 1000 réponses à 1000 questions qu’il se posait, et il décide de tourner un film autobiograpique sur cet avatar, une sorte de thérapie pleine d’humour. Et bien sûr c’est Pierre Niney qui joue son personnage, entouré de Blanche Gardin et Françoise Lebrun qui joue sa tante tous excellents

Et «  le livre des solutions » est tourné dans les Cévennes chez la tante de Michel, où il s’était réfugié avec son équipe lors de son burn out.

Je vous laisse découvrir ce film drôle et créatif.